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1167Nous pourrons commencer ces remarques par l’intervention, rapportée, notamment, le 20 janvier 2010, par AFP (via Spacewar.com), de l’ambassadeur des USA à Moscou John Beyrle, à partir d’une interview de l’ambassadeur à la radio “Echo de Moscou”. Interrogé sur le fonctionnement de l’accord de transit des forces US (OTAN) par la Russie pour l’Afghanistan, Beyrle a protesté contre certains rapports de presse mettant en évidence les difficultés de fonctionnement de cet accord…
«There are many incorrect reports that this agreement is barely functioning, that supposedly there was only one flight of a US plane. In fact there were five, and 11 more are planned…» Ainsi y a-t-il eu 5 vols et en préparait-on 11 supplémentaires le 20 janvier, depuis septembre 2009 (date de la mise en activité de l’accord), alors que l’accord autorise 4.500 vols US par an au-dessus de la Russie et que les USA entendent l’utiliser au maximum. Cette déclaration faite pour nous rassurer apparaît si ridicule dans son argumentation comptable qu’elle en est sans aucun doute pathétique.
@PAYANT Indirectement mais sans la moindre ambiguïté, et sans doute inconscient du pathétique de sa démarche, Beyrle a confirmé l’extraordinaire difficulté de mise en place de cet accord, par une déclaration dont le ridicule involontaire est un acte puissant de rhétorique involontaire. (Qui, dans les services US préparant cette intervention de Beyrle, s’est aperçu de la chose?)
Des sources militaires occidentales observent que les difficultés sont aussi grandes au sol, pour le transit terrestre des convois devant conduire le renforcement logistique des forces US et de l’OTAN en Afghanistan. Le principal obstacle à la mise en place de cet accord est sans aucun doute l’attitude des Russes, qui ne font rien, absolument rien pour faciliter le développement des opérations. Des obstacles considérables, d’ordre administratif et autres, sont constatés chaque jour, et ce sont des circonstances du même ordre qui affectent le transit aérien. Les Russes s’y entendent pour cette sorte d’activités.
Tout cela n’est nullement accidentel. Il s’agit d’une évolution politique russe qui s’est considérablement durcie vis-à-vis des USA. Un autre aspect de ce durcissement, ce sont les négociations START-II. On a déjà vu un aspect de ce durcissement (voir notre note du 18 janvier 2010), qui est confirmé par l’attitude générale des Russes. «Les Russes traitent les Américains comme des chiens, dans ces négociations, observe une de ces sources. Ils sont d’une dureté incroyable avec eux, dans tous les domaines de la négociation. Cela ressort d’une attitude générale qui s’est répandu dans tout l’appareil d’Etat de la Russie. La Russie ne fait plus aucune confiance à l’administration Obama, qu’elle regarde même avec un certain mépris, pour n’avoir pas su reprendre la situation du système sous son contrôle. On peut même dire que cette attitude pour l’administration Obama concerne désormais les USA en général.»
C’est une attitude remarquable de la Russie, et ces observations confirment l’évolution que nous observons depuis quelques mois. Le sentiment russe semblerait beaucoup plus structurel que conjoncturel, et partirait du constat que les USA sont sur une pente déclinante accélérée, qu’ils n’ont plus aucun moyen de renverser cette tendance, qu’ils n’ont en plus la volonté, si même ils mesurent exactement cette tendance. La situation de l’administration Obama est le facteur conjoncturel qui fait basculer le jugement structurel. Après avoir effectivement accordé une certaine confiance à Obama et à ses intentions, la Russie a conclu à son échec d’Obama et estime que ce pays suit une voie d’effondrement semblable à celle de l’URSS à la fin des années 1970 et durant les années 1980, peut-être plus rapidement encore. L’Afghanistan est également un symbole de cette pente. L’attitude des Russes est désormais d’un complet unilatéralisme, de la défense des seuls intérêts russes, assortie d’une attitude générale qui ne dissimule pas les sentiments éprouvés pour le comportement et la politique US.
Il s’agit évidemment d’un point particulièrement important pour les USA, dans la mesure où l’amélioration des relations avec la Russie est une priorité pour Obama, passant par deux axes: l’aide pour l’Afghanistan et les négociations stratégiques et nucléaires. Les Russes jouent à fond de cette position. D’une façon plus générale, d’ailleurs, les mêmes sources confirment qu’il y a une espèce de désenchantement russe pour toute forme de recherche de coopération avec l’Occident considérée d’une façon collective, essentiellement l’Occident sous influence US et transatlantique. Il n’est plus du tout assuré que les Russes soient intéressés par un effort diplomatique conséquent pour convaincre l’Occident de s’intéresser d’une façon constructive à la proposition Medvedev de sécurité paneuropéenne. Peut-être certains pays européens (Allemagne, France, Italie) pourraient-ils échapper à cette attitude, si les circonstances s’y prêtent et si les intérêts russes sont rencontrés.
Il est remarquable d’observer combien cette évolution suit, sans consultation particulière mais par le simple fait de la force des choses, l’attitude chinoise de perte de confiance des Chinois vis à vis des USA (voir notre F&C le 10 octobre 2009). Ces pays considèrent le déclin occidental comme irréversible et très rapide, par conséquent l’incapacité occidentale à résoudre la crise générale que leur propre système a engendré. Ces pays (la Chine et la Russie) ne sont pas sereins pour autant – et c’est sans doute l’une cause supplémentaire de leur durcissement – parce qu’ils sont évidemment conscients des formidables remous que vont engendrer l’effondrement du système américaniste et occidentaliste.
Mis en ligne le 27 janvier 2010 à 06H17