Le “vieux couple” et l’enfant terrible

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Les élections allemandes devaient se préparer sur un rythme tranquille, dans une campagne électorale que les stratèges électoraux avaient préparée avec attention. Le débat télévisé du 13 septembre 2009 entre la chancelière Merkel, chrétienne-démocrate, et son ministre des affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier, social-démocrate, a marqué combien ces plans de campagne étaient fragiles. Non seulement Merkel a été dominée alors que son parti mène largement dans les sondages, mais surtout ont été mis en évidence deux points qui peuvent être contradictoires et dont la confrontation pourrait être explosive:

• Le caractère extrême d’une part du comportement conformiste des candidas, attentifs à suivre une ligne extrêmement contrôlée pour éviter tout contact un peu trop rude avec la réalité. Un intervenant dans les questions accompagnant le débat télévisé a fait la remarque ironique que les deux adversaires politiques, par ailleurs partenaires dans le gouvernement, semblaient comme “un vieux couple marié… très harmonieux”.

• L’irruption “officielle” dans la campagne de l’engagement allemand en Afghanistan, extrêmement impopulaire en Allemagne (il est rejeté par plus de 60% des Allemands, selon la ligne générale des sondages). Alors que Merkel s’en tient à la ligne officielle, qui passe aujourd’hui par la conférence sous l’égide de l’ONU sur la situation afghane proposée par l’Allemagne, l’Angleterre et la France, Steinmeier a évoqué la possibilité d’un calendrier de retrait des forces allemandes, éventuellement pour 2013, éventuellement plus tôt…

Selon The Independent du 14 septembre 2009:

«Viewer polls conducted by Germany's ZDF television channel showed that Mr Steinmeier, the Foreign Minister who is running against Ms Merkel in the election on 27 September, was more than 10 per cent ahead of his rival after the 90-minute debate.

»Mr Steinmeier, who has been lagging well over 20 points behind Ms Merkel in the opinion polls, seized the initiative in the debate by calling for German troops to be withdrawn from Afghanistan by 2013.

»“We went to Afghanistan to prevent terrorist attacks, including those against ourselves,” Mr Steinmeier said. “But we don't want to stay forever. The aim over the course of the next parliamentary period is to lay the foundations for withdrawal,” he said. Although Mr Steinmeier named the date of 2013 for the withdrawal of more than 4,000 German troops deployed in northern Afghanistan, he suggested during the TV debate that the date would be the earliest point at which a decision about a pullout could be made.»

Malgré l’apparence de désaccord, il n’y a guère eu de manifestation de désaccord entre Merkel et son ministre, adversaire pour le temps d’une campagne. Tous s’entendent d’abord pour écarter les réalités trop contraignantes des événements du monde, qui mettent en évidence la paralysie des directions politiques. Mais il faut tout de même tenter de remporter les élections, et le SPD sait bien que Merkel a des plans pour abandonner la “grande coalition” et faire alliance avec le parti libéral. Il faut donc aller chercher un peu d’aide dans la réalité, pour tenter de modifier ces perspectives électorales qui semblent tracées d’avance si l’on s’en tient à la popularité de Merkel – cette idée-là, essentiellement pour les sociaux-démocrates. D’où l’irruption explosive, quoique contrôlé, de l’argument afghan dans la campagne avec Steinmeier proposant une date de retrait.

On dit “irruption contrôlée” parce que Steinmeier a évoqué la chose à pas de loup et avec prudence. Le SPD, comme les autres, est comptable de la situation virtualiste de la direction politique allemande, qui conduit un engagement en Afghanistan dont elle ignore la signification et le but, sinon celui de se conformer aux consignes générales du système, mais dont elle n’ignore certainement l’extrême popularité dans le public allemand. On dit “irruption explosive” parce que cette sorte d’argument, même manié avec la plus grande précaution, peut échapper à ceux qui le présentent, à cause de l’impopularité très grande de la guerre qu’il rencontre et des précautions qu’on a pris jusqu’ici pour n’en pas parler, qui exacerbent cette impopularité. Effectivement, si le SPD sent qu’il tient là une bonne ouverture pour modifier les perspectives de sa fortune (de son infortune) électorale, il peut être tenté d’insister de plus en plus sur l’“argument afghan”, et c’est alors que la chose “contrôlée” pourrait rencontrer sa véritable nature “explosive”. Ici, comme ailleurs dans tant de situations politiques, on retrouve cette tension permanente entre le virtualisme du discours politique et la puissance considérable des pressions de la réalité.


Mis en ligne le 15 septembre 2009 à 06H38

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