Le Washington Post, le B-52 et le “damage control”

Preuve de l’extrême relativité des temps et de la nécessité de s’y soumettre, en espérant ne pas trop se contredire mais en ne craignant pas, en un instant, d’alimenter une thèse à l’encontre de laquelle vous montriez le plus grand scepticisme l’instant d’avant… Après avoir laissé percer un certain scepticisme concernant tout ce qui évolue dans le monde nébuleux des scénarios de guerre et des thèses de complots pour faire la guerre, reconnaissons aussitôt, et à nouveau, qu’il y a de quoi échafauder scénarios de guerre et thèses de complots. Le tout est bien de tenter de s’y reconnaître, et de savoir qu’il faut tenter de s’y reconnaître, de ne rien accepter pour argent comptant, de ne rien rejeter en y voyant par avance des élucubrations incontrôlées.

L’article de Gordon Prather déjà mentionné dans le “Bloc Notes” référencé ci-dessus nous indique un article du Washington Post du 23 septembre qui avait échappé à notre impitoyable vigilance: «Missteps in the Bunker». L’article est une brique considérable, farcie de détails, d’interviews, de questions sans réponses et de réponses à des questions non posées. Article très professionnel, semble-t-il, et qui ne ménage aucun effort pour nous convaincre de la gravité de l’erreur, — car “erreur” il y a, bien entendu, et rien d’autre. Ce qui vaut également le coup d’œil, c’est le carnet de commentaires de lecteurs, une brique également, encombré lui aussi de scepticisme, d’exclamations, de mises en cause, — et d’où émerge cette expression US si parlante: “damage control”, pour qualifier l'article.

En effet… Le site WSWS.org avait justement noté, le 14 septembre, le silence quasi-religieux de l’establishment et de la presse officielle, après des exclamations initiales et incontrôlées, sur cette affaire du B-52 de Minot AFB chargé par inadvertance de nucléaire. Nous avions fait un commentaire là-dessus. Donc, silence-radio, — puis, soudain, cet énorme article du Post, manifestement écrit avec le soutien empressé des autorités, si pas leur recommandation. Qui leur demandait tant d’explications sur une affaire qu’on commençait déjà à oublier et qu'eux-mêmes avaient passé sous silence? C’est sans doute qu’on ne l’oubliait pas vraiment.

S’il faut un indice qu’il s’est passé quelque chose d’anormal, c'est-à-dire de “non-accidentel”, avec le B-52 de Minot AFB, c’est sans aucun doute dans cette réaction tardive du Post qu’il faut le trouver, encore plus que dans les diverses thèses de complot. Par contre, et par effet indirect, l’article du Post tend à rendre un peu moins fantaisistes ces mêmes thèses. Dans tous les cas, si ce n’est du “damage control”, — comment tenter d’écarter la thèse du complot en faisant soudainement la publicité de la thèse de l’incident comme une très grave erreur des militaires…

Mis en ligne le 30 septembre 2007 à 14H23