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228408 janvier 2018 – Ce n’est qu’un petit potin, après tout mais il est vrai qu’ici ou là, dans la presse-antiSystème, on en fait des gorges chaudes. J’ignore qui est tombé dessus le premier parmi les malfaisants de l’antiSystème ; à ma connaissance, et sous toute réserve par conséquent, le premier à avoir écrit à ce propos c’est Bryan MacDonald sur le réseau officiel FakeNews & Co, je veux dire RT qui est l’objet de toutes les adorations secrètes de notre-Macron. Il s’agit d’une annonce très sérieuse et détaillée du Wall Street Journal (WSJ pour les amis), sur le site du Dow Jones, concernant les offres d’emploi. Le WSJ cherche un chef de bureau pour le journal à Moscou, et il détaille le profil de la personne recherchée.
Je ne vais pas trop m’attarder sur les six paragraphes de l’annonce pour en rester à un condensé, qui a été répandu, de Max Blumenthal de Alternet.org à Tyler Durden de ZeroHedge.com, mobilisé sans ménagement par Russia Insider. Voici donc quelques mots ici et là, qui résument le profil de WSJ, c’est-à-dire les qualités professionnelles, psychologiques et intellectuelles que ce grand quotidien new-yorkais, connu pour sa haute qualité professionnelle, requiert chez le candidat.
• L’un (Blumenthal) écrit :
« Les candidats au bureau de Moscou du WSJ doivent prêter un serment de facto à Russiagate, s'engageant à dépeindre les dirigeants russes comme des méchants de la bande dessinée et à accélérer la guerre froide. Mais il n’est pas nécessaire qu’ils parlent russe. (Cela me rappelle le serment pro-israélien d'Axel Springer). »
• L’autre, Durden :
« “Nous cherchons quelqu'un qui peut ... pénétrer dans le complexe de piratage russe ... Moscou a utilisé une campagne de piratage et de désinformation pour tenter d'influencer les élections présidentielles de l'année dernière ... Le conservatisme traditionnel du sang et de la religion de Vladimir Poutine influent sur l’incertitude économique.”
» Pourquoi n'ont-ils pas simplement ajouté, “le demandeur ne doit avoir aucun scrupule à inventer et promouvoir de fausses nouvelles et doit être un menteur de talent” [...]
» Il semble que les principaux axes de son travail sont déjà rédigés, – peut-être même que le futur chef de bureau aura à simplement réécrire la description du travail, signer de son nom et son premier reportage de Moscou sera expédié et prêt à être imprimé. Le WSJ a enterré le “chapeau” comme ils disent, la fin [...] la dernière ligne du profil se lisant : “De fortes compétences en langue russe constitue un avantage important.”
» Un simple “avantage”, certainement pas une exigence. »
J’avoue, je n’ai pas fait les annonces avant de commencer ma carrière de journaliste parce que tout démarra à cause d’une proximité intellectuelle de rencontre (avec le rédacteur-en-chef). Mais je sais bien comment se faisait le recrutement, d’abord et essentiellement, je dirais même exclusivement à partir des qualités professionnelles, notamment des capacités de synthèse. Le quotidien où je travaillais était nettement de droite, j’étais encore dans ma période “Algérie-français”/Pentagone d’où la sorte de problème que je veux évoquer était de facto résolu et n’avait aucune raison d’être posé. Par contre, j’exposerai pour me faire bien entendre le cas du secrétaire de rédaction dans les mains duquel j’échouai, qui supervisait les pages politiques “toutes éditions” (politique nationale et internationale) ...
C’était un personnage hors du commun, incroyablement sale et épouvantablement avare, extraordinairement volumineux, tout cela à ne pas croire ; mangeant ses mots et fumant d’immenses cigarettes congolaises (à cause du prix vraiment très, très-bas) qui ne quittaient jamais ses lèvres une fois allumées, avec la cendre tombant d’elle-même et laissant parfois un petit trou sur sa chemise blanc-gris en guise de signature. Guy D. était surnommé soit “Gros”, soit “Gros-Guy” ; il avait l’allure d’un Bérurier sans la pétulance et avec une culture cachée en plus, et il avait décidé 2 ou 3 ans avant mon arrivée de lire toute la Pléiade par ordre alphabétique, lequel devenait presque bureaucratique ; il se trouvait alors presque au bout de “Balzac” (12 tomes + trois de correspondances).
Sa particularité idéologique était son adhésion complète au communisme, essentiellement de type stalinien par satisfaction de l’ordre et du rangement bureaucratique. Mon rédacteur-en-chef, nettement de droite, disons “à la droite de la droite”, pouffait doucement comme on dit une bonne blague en précisant les engagements de “Gros-Guy”, qui étaient seulement intellectuels, et il ajoutait : “Avec ce type d’esprit, ce caractère stalinien bureaucratique, il est incroyablement méthodique ! Il ne rate rien d’important dans les dépêches, il va à l’essentiel sans oublier les détails nécessaires, et il sait exactement quel texte donner à qui”... Bien sûr, même si “Gros-Guy” applaudissait à l’invasion de la Tchécoslovaquie en août 1968 (“Il était temps, avec Staline cela aurait déjà valsé !”), il n’était pas question qu’il l’écrive, et d’ailleurs cela ne l’intéressait pas vraiment d’écrire quoi que ce soit, il grommelait et s’en foutait complètement, seulement attaché à diriger les dépêches vers ceux qui écrivaient, – ainsi, archétype du parfait secrétaire de rédaction !
Si vous voulez, c’est un peu comme nous, ici, à dedefensa.org, avec WSWS.org : on comprend et on apprécie parfaitement la qualité de leur travail professionnel bien qu’ils soient trotskistes et que nous ne le soyons pas, et l’on saute les deux derniers paragraphes, parce qu’ils sont trotskistes et que nous ne le sommes pas. Vous comprenez ceci : il y a quelque chose de commun à tous ces gens qui semblent si différents si l’on s’en tient aux palinodies des phantasmes idéologiques. Il y a la raison, la nécessité d’une méthode, le rangement synthétique des choses, des informations, etc., bref la base même de la capacité professionnelle de ce métier qu’est l’écriture du journaliste. Je n’ai plus beaucoup de considération pour lui, ce métier veux-je dire, – il y a longtemps que je ne me considère plus comme journaliste qui ne fut qu’un “lieu de passage” pour moi. Au moins je connaissais la capacité professionnelle nécessaire à son exercice, dont il me reste certains jugements et certaines attitudes.
.. Alors, l’on comprendra aisément que l’anecdote du WSJ m’a littéralement laissé sans voix et sans plume, au moins pour un instant qui fut le temps de réaliser la grandeur de l’infamie. Je suis passé d’un univers l’autre.. Jamais, jamais je n’aurais cru qu’ils en arrivassent, comme l’on dit en subjonctif, à ce degré extraordinaire de ce qui ne peut être considéré que comme la dissolution de la pensée. Que la description des qualités requises ne concerne que la description des mensonges du Russiagate auxquels il importe de croire, et que cela est évidemment considéré comme l’équipement essentiel sinon unique de la “qualité professionnelle” attendue du journaliste, cela passe tout et c’est justement stupéfiant. Qu’on me comprenne bien, je ne suis pas choqué, je veux dire moralement, ou bien du point de vue de l’éthique du métier ; je sais bien qu’on recherche des gens de son parti, que d’ailleurs la chose se fait en général disons un peu d’elle-même, que de toutes les façons l’on sait bien qu’il faut suivre la ligne générale de tel journal où l’on entre, ou sinon s’attendre à ne rester pas plus que le temps d’un stage écourté (“Gros-Guy” le savait bien, certes) ...
Non, je suis stupéfait de leur bêtise, je dirais même avec tout le mépris dont je suis capable, de leur crasse, et piteuse, et vulgaire connerie-zombie, vous comprenez ? Qu’il en soit réduit à justement réduire, – réduction au carré, – leur métier à la seule référence professionnelle de la croyance aux narrative complètement faussaires dont ils se bercent, quelle misère de l’esprit, quelle bassesse du jugement, quelle médiocrité absolument exceptionnelle de la part de ces gens. Ils m’apparaissent comme des hallucinés, des sans-boussoles, ignorant la vertu de l’oreille interne, méprisant les lois de la pesanteur, vivant sens-dessus-dessous, guidé seulement par l’attraction terrifiante de cette planète sombre et crépusculaire qui les englobe et les presse en tous sens, toi-le-Système... Et nous parlons, hein, du WSJ, dont la notoriété en fait de qualité-Système le rapproche du Financial Times, jusqu’à en faire le pendant américaniste US du canard rose-saumon. Qu’ils en soient tombés là, dans ce cul de basse-fosses, ouvre des horizons impensables jusqu’alors sur les abysses de leur décadence-effondrement. La vigie doit veiller au grain...
Dont acte, le zombie-Système saura toujours nous étonner, nous dépasser, nous semer, pour faire encore plus pauvre et plus bas que le plus bas des culs de basse-fosse. Nous sommes toujours en retard d’une ou deux stations de métro sur l’avancement de son œuvre catastrophique d’autodestruction...