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599521 novembre 2022 (14H25) – Alexander Mercouris s’est intéressé à l’intervention du secrétaire à la défense Austin à Halifax, au Canada, ce week-end. Nous en avons déjà parlé hier et je crois utile d’y revenir à la lumière de l’interprétation de Mercouris.
Hier donc, il était fait mention de cette intervention dans quelques-uns de ces termes que je rappelle ici :
« RT.com rapporte cette intervention en mettant évidemment l’accent sur l’“l’éloge de l’armée russe”, alors que l’imposant Austin mentionne l’inestimable valeur d’une “cause” (celle de l’Ukraine) dans laquelle on croit bien entendu comprendre qu’il la présente implicitement comme le nœud de la victoire... [...]
« “Vous savez, les Russes ont une armée puissante et des systèmes d’armes impressionnants”, mais cela “ne les a pas aidés à l'emporter dans une campagne faite de conquête et de cruauté”, a affirmé Austin, [...]
» Austin a également déclaré que les États-Unis resteront aux côtés de l'Ukraine tant que durera le conflit, insistant sur le fait que l'issue de celui-ci “déterminera le cours de la sécurité mondiale en ce nouveau siècle”... »
Mercouris reprend donc l’intervention de Austin, qu’il décrit justement comme un ministre sans réelle originalité intellectuelle, loyal, qui applique la politique qui lui est dictée en l’aménageant d’un point de vue bureaucratique en fonction des besoins et des pressions des différentes branches des forces armées et des puissantes bureaucraties qui les servent. Mais dans ce cas, cette intervention d’Austin à Halifax a été perçue par Mercouris comme sortant de l’ordinaire, un peu dans tous les cas, pour le courant du personnage... Quoi qu’il en soit,
Austin « a dit un certain nombre de choses intéressantes... [...] Après avoir parlé des “systèmes d’armes impressionnants” de l’armée russe, il a fait quelques remarques très intéressantes. Il a dit que la guerre en Ukraine est en train de définir les contours et la forme du reste du XXIème siècle...
» Il est tout à fait habituel, lorsqu’une guerre est en cours, de parler d’elle en termes d’inflation de son importance, pour renforcer les caractéristiques de la victoire que l’on espère, – que l’on dit être sûr de remporter, mais aussi de ce que la défaite pourrait coûter... Mais Austin, dans ce cas, parle de la façon dont cette guerre va donner sa forme même au XXIème siècle, ce qui est une façon très différente de la considérer.
» Cette remarque vient juste après une remarque du Secrétaire Général de l’OTAN Stoltenberg selon lequel une défaite de ‘Ukraine serait une défaite pour l’OTAN... Et il me semble que les jugements d’Austin est d’un type similaire. Il suggère rien de moins que si les Russes atteignent leurs objectifs en Ukraine, ils vont sceller d’un point de vue opérationnel et très concret, pour la suite, le déclin de l’Occident...
» [Cela est d’autant plus important] que, selon mon jugement, il me semble qu’une défaite de l’Ukraine est le terme probable de ce conflit, et même le seul terme possible... »
... Ainsi en est-il du “déclin de l’Occident”, et me semble-t-il comme une confirmation symbolique, un siècle plus tard, dans des conditions bien différentes et après bien des vicissitudes, de l’œuvre d’Oswald Spengler prise au pied de la lettre. La remarque de Mercouris, qui a poussé bien plus loin que je ne l’ai faut la remarque d’Austin, et à juste raison sans aucun doute, me semble débusquer la conviction profonde, inconsciente d’ailleurs mais élaborée au long de réunions et de rapports, de la bureaucratie atlantico-américaniste que représente bien Austin.
Je fais grande confiance à l’inconscient (celui dont je parle à propos d’Austin) pour absorber les vérité-de-situation qui ne sont pas assez bien massacrées par les sentinelles nombreuses mais très faiblardes du Camp du Bien. Le vaste général-bureaucrate qu’est Austin a donc lui-même été investi, via l’inconscient du ‘train de 08H47’, par cette vérité-première de notre époque si peu ordinaire que plus la puissance est grande, plus elle est aveugle et bête, et qu’elle paie aujourd’hui le fruit gâté de ce triste constat. RIP, Pentagone, via l’usine à gaz alimentée par NordStream I & II.
La supériorité russe est justement détaillée par le même Mercouris, dans le même segment (tout cela, remarques sur Austin comprises, autour des 10’00”-15’00” de sa vidéo d’hier), avec des précisions tout à fait étonnantes sur le sort de Kherson, “conquis” après une fulgurante “victoire” ukrainienne. Mercouris rapporte que les Ukrainiens pressent désormais la population restée à Kherson (près de 100 000 sur les 300 000 + habitants que comptait Kherson), et supposément pro-ukrainienne, de quitter la ville au plus vite.
« A propos de Kherson, il apparaît que c’est un cadeau empoisonné que le général Sourovikine a fait aux Ukrainiens. Les forces ukrainiennes manœuvrent sous le tir constant de l’artillerie et des missiles russes à partir de l’autre rive du Dniepr et il apparaît de plus en plus que les Ukrainiens sont incapables d’alimenter la ville en énergie, en eau et même en nourriture à cause de ces conditions. Le gouvernement ukrainiens en est arrivé à faire exactement la même chose qu’ont fait les Russes, lorsqu’ils tenaient Kherson, et les autorités ont demandé aux habitants de quitter la ville... »
Une vidéo curieusement jubilante avait déjà résumé la situation, en y mélangeant l’habituelle dose de simulacre. On y voit un pseudo-habitant de Kherson, armé d’un drapeau ukrainien, égrenant dans un grand sourire un texte anglais impeccable qui dit, selon mon souvenir, à peu près ceci :
« Nous n’avons plus d’eau, plus d’électricité, plus de nourriture, mais nous n’avons plus de Russes et nous sommes libres ! »
Je dis “pseudo” et “selon mon souvenir”, car la vidéo, venue d’AFP et reprise par ‘SouthFront.org’ n’est plus disponible, – du moins à cette heure où j’écris, et je me demanderais bien pourquoi si j’étais de leur camp, – c’est-à-dire, bien entendu, qu’elle n’était pas convenable à regarder avec le texte qui l’accompagnait, qui était d’une invraisemblable ignominie. Le texte, tiens ! Il nous avertit que ce citoyen, ce ‘Khersonien’ (?) dit-on peut-être, si aimable et avenant, eh bien qu’il s’agit en fait d’un nommé Panine Evgeni Nikolaevich, « venu de Kiev à la tête d’une compagnie de la Garde Nationale dans l'unité militaire #3030 ». Donc, si aucun moyen de survie n’est assuré, la joie populaire est par contre parfaitement mise au point et en scène, et les unités ukrainiennes toujours prêtes à célébrer la victoire sans nécessité de la remporter, et au contraire prêtes à la canceller en en conservant les agapes selon les normes du wokenisme, à l’image de la vidéo en question interdite aux jeunes de 7 à 77 ans. La tragédie ukrainienne qui est incontestable, est également et incontestablement une tragédie-bouffe d’une énorme dimension
Étrange campagne militaire : la victoire-éclair de Kherson remportée sur une ville vidée de ses troupes russes se transforme en une évacuation-éclair organisée par les troupes victorieuses. J’y trouve après tout, réduit à un seul point de la guerre en Ukraine, une démonstration de ce que le secrétaire à la défense Austin a inconsciemment absorbé pour nous en informer dans un langage initiatique. La communication du simulacre est d’une telle puissance qu’elle transforme même les réalités avantageuses pour le parti qui en fait un si grand usage, en quelque piteuse déroute sans ennemi, – pour le coup, un vrai simulacre de déroute, sans nécessité d’avoir les blindés russes au cul, – une déroute de soi-même par soi-même, simulacre victime du simulacre de lui-même.
Si la guerre en Ukraine est bien cette « guerre [qui] est en train de définir les contours et la forme du reste du XXIème siècle », alors il ne nous reste, à nous Occidentaux et fiers de l’être, qu’à nous préparer pour interpréter notre pièce en XXI simulacres plus qu’en quelques Actes comme autrefois, – plutôt sur les ruines de nos banlieues et de nos autoroutes qui ont une allure formidable, tout comme nos grandes villes si belles de ma jeunesse transformées en détritus postmodernes, tout ça notre image, – plutôt devant les derniers habitants de Kherson regroupés en spect-acteurs au sein d’une sorte de “Société Anonyme du spectacle”. Pendant ce temps, la caravane du reste du monde poursuivra sa route sous nos applaudissements considérés comme une forme d’aboiement postmoderne. Nous n’avons plus rien d’autre à offrir que nos aboiements sous forme de rires devant tant d’exploits accomplis.
Nous n’avons vraiment rien d’autre à offrir. Il est vrai que la guerre en Ukraine plus que “la guerre d’Ukraine”, et par conséquent parfaitement ‘Ukrisis’, nous présente un prodigieux condensé de toutes les formes de déviances et de formes complètement illusoires, perverties et inverties, auxquelles nous sommes parvenues dans notre activité civilisationnelle. Le formidable montage de communication qu’est cette guerre, spécifiquement pour la perception des populations et des directions des pays du bloc-BAO, dépasse largement le caractère militaire, politique, idéologique, etc., de l’événement pour effectivement présenter une forme générale de l’évolution du XXIème siècle, c’est-à-dire de l’inévitable révolution civilisationnelle affectant cette fin de cycle où nous nous trouvons irrésistiblement emportés comme dans un tourbillon crisique d’une dimension absolument cosmique.
A cet égard, il faut plus que jamais percevoir ‘Ukrisis’ comme un accélérateur formidable pour précipiter la GrandeCrise comme l’on fait d’un processus chimiques, tout en nous y précipitant comme l’on jette les reliefs du festin à la poubelle. ‘Ukrisis’, il s’agit de bien plus que du laboratoire des guerres postmodernes, ou guerres du futur, etc. Il s’agit d’une entrée dans un sas bouillonnant par lequel il nous faut transiter pour passer d’un monde à l’autre. Nous en rions bien fort en disant que c’est ça, le sas bouillonnant, le “monde nouveau” sans comprendre que ce simulacre de nouveauté de passage, est justement le passage obligé vers ce “monde nouveau” dont nous n’avons pas idée, pas une seule seconde la moindre idée de ce qu’il va être, de la forme extraordinaire qu’il va prendre, de la façon dont il va balayer d’un souffle toutes les poussières avec lesquelles nous jouons
Car, bien sûr, il est inutile d’insister sur l’absence complète, vertigineuse, absolument péremptoire de conscience et de dessein de l’action humaine dans de telles circonstances. Nous sommes absolument inutiles avec nos rires satisfaits de personnes de genres divers, d’un univers arrangés pour nos caprices, simulacrées, rapiécées, rabibochées, ravaudées. Nous agissons avec une conscience simulée, dans un dessein répondant aux impératifs à la communication, c’est-à-dire sans aucun lien réel avec quelque chose d’immense et d’absolument extraordinaire qui s’apparenterait à une vérité-de-situation s’ouvrant sur le mystère du monde.
Note de PhG-Bis : « Ai-je besoin de dire qu’il était entendu que PhG glisserait bien entendu un pensum sur cet aspect-là des choses ? Il est incorrigible ! D’ailleurs, pourquoi le corriger alors qu’on voit laisser aller tant de sottises comme de misérables petits tas de secrets que disperse le vent d’automne. Son secret à lui, PhG, est d’une autre nature, et il a parfois peur d’y penser en y croyant, en le regardant pour ce qu’il est... »
Bien peu de gens imaginent, dans la civilisation américaniste-occidentaliste, que nous nous trouvons dans une telle situation, aussi bien par incapacité intellectuelle que par crainte d’introduire dans leur propre pensée la moindre audace iconoclaste par rapport à la bienpensance. C’est exactement ce qui importe : rien ne vient se mettre en travers de la course irrésistible des événements. ‘La société du spectacle’ est arrivée à son terme absurde : elle se regarde en train de regarder le spectacle qui n’est fait que de ‘La société du spectacle’ qui se regarde en train de regarder le spectacle qui n’est fait...
Note de PhG-Bis : « Et ceux qui croient savoir et qui la ramènent sont l’inévitable objet de ses insatiables sarcasmes... Il faut le comprendre, PhG, ça le détend. »
Ma foi ! Le volumineux et pesant secrétaire à la défense Austin a fort bien parlé, et il a montré la complète utilité d’un ministre qui se distingue par sa loyauté au Système, c’est-à-dire prononçant des paroles révolutionnaires sans rien en mesurer de ce caractère révolutionnaire.