L’effet “Président de guerre”

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L’effet “Président de guerre”


23 avril 2004 — Dans son livre Pourquoi les Américains se sont battus au Viet-nâm, l’intellectuel conservateur Norman Podhoretz développait, parmi les causes de la défaite, l’argument, repris depuis, que le président Johnson avait commis la faute de ne pas faire de cette guerre une “cause nationale”. Jusqu’à ce qu’elle devienne une crise aux USA, la guerre avait été présentée comme une opération de police, et cela bien que des forces de réserve et, naturellement, des forces du contingent y aient déjà été expédiées.

De ce point de vue, l’administration GW Bush a opéré l’opération inverse avec l’Irak. La guerre est présentée comme une “cause nationale” fondamentale, tandis qu’on évite, ou tente d’éviter (on ne sait de quoi demain sera fait) l’envoi du contingent en rétablissant la conscription. Le résultat est, du point de vue politique intérieur, très avantageux. On s’en aperçoit avec les dernières nouvelles concernant les sondages, qui sont bien présentées par le titre d’un article du groupe Knight Ridder Newspapers, du 20 avril, donnant les derniers résultats : « Despite bad news out of Iraq, Bush regains lead in polls. » L’article commente :


« Despite weeks of bad news about Iraq and questions about whether he should've done more to avert the Sept. 11 terrorist attacks, President Bush has regained a lead over Democratic rival John Kerry and improved his standing on issues from war to education.

» Doubts about the war have grown and still could hurt Bush's chances for re-election. But two new independent polls this week found that the president has gained versus Kerry on every major issue, is preferred over Kerry to handle the war in Iraq and the war on terrorism, and would defeat the Massachusetts senator if the election were today.

(…)

» The president leads Kerry by 48 percent to 43 percent among registered voters, with third party candidate Ralph Nader at 6 percent, according to an ABC-Washington Post survey. Bush leads 50 percent to 44 percent among likely voters, with Nader at 4 percent, according to a Gallup poll for CNN and USA Today. »


Cette évolution semblerait montrer que la tactique du “Président de guerre” menant une guerre générale et fondamentale dont l’Irak est une partie, — d’ailleurs plus une position naturelle qu’une “tactique” délibérée comme on le sait, — recèle un effet mobilisateur constant en cas d’événements dramatiques, fussent-ils défavorables aux Américains, comme c’est le cas en Irak. Il s’agit d’un effet patriotique maximal, très fort à cause du conformisme américain, qui touche la population mais qui touche aussi le Congrès ; ce conformisme pousse à soutenir d’instinct tout ce qui est institutionnel, quels que soient les actes des institutions impliquées, — et qu’y a-t-il de plus institutionnel que le Président ? La calamiteuse présidence GW, responsable de tous les revers et de toutes les erreurs, responsable de cette non moins calamiteuse guerre irakienne, cette présidence qui devrait être balayée dans les sondages, non seulement tient bon, mais se retrouve en position avantageuse pour la réélection.

Face à cela, Kerry est coincé parce qu’il se refuse à suivre la seule voie possible, qui est une voie de rupture : l’opposition à la guerre, la dénonciation de la guerre, même au prix d’un mea culpa (“j’ai voté pour la guerre, je me suis trompé”). Si Kerry ne change pas, il restera constamment sur la défensive et a de très fortes chances d’être battu.

La dissidence US est très consciente de ce problème, comme le note le site Tomgram, le 21 avril, traitant justement du « John Kerry's war dilemma ».


« Put another way, in the worst month the Bush administration has experienced thus far, Kerry still seems to be running scared. His war experience, his very identification with Vietnam which, at this moment, one might imagine to be a strength, seems to have sent him reeling, as Jonathan Schell describes below. In these same weeks, Kerry has managed to lay out a position so close to Bush's on Iraq — stay the course, put an international ''face'' on the occupation, keep the troops in place, and so on — that the two are nearly indistinguishable; and, on the Bush-Sharon position on the Middle East — keep the West Bank settlements, conduct extrajudicial assassinations of enemies, build the wall, and so on — just announced to an astounded world, he has, if anything, gone the president one better.

« Only the other day, he could be found stumping Florida with Senator Joe Lieberman, whose hawkish Iraq position didn't raise even a seismic hiccup among Democratic voters anywhere in America in the primary season. Recent polls show that against Kerry's less than challenging campaign so far, the president seems to be at least holding his own, despite the Clarke revelations, his 9/11 Commission problems, and the disintegrating position of the American occupation forces in Iraq. In the case of recent CNN-USA TODAY and Washington Post-ABC polls, he's doing better than that, beating Kerry in each (with Ralph Nader in the latter pulling in a hefty 6% of the prospective vote). »