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1037…En fait, c’est le contraire qui serait stupéfiant : qu’il n’y ait pas une crise de l’effondrement l’homme politique. Le constat s’adresse surtout au monde occidental, ou ce qu’il nous arrive de nommer BOA (bloc américaniste-occidentaliste). C’est dans ce domaine que la crise de l’homme politique, à l’ombre émulatrice de la crise générale et de la crise du Système, est la plus aiguë et, surtout, la plus spécifique, marquée par la rapidité de son expression quantitative, essentiellement au travers de l’appréciation statistique de la popularité de ces hommes politique. Nous ne parlons pas de leur autorité, ni de leur légitimité, car ces valeurs qualitatives ont été complètement phagocytées par l’univers quantitatif de la communication ; quoiqu’on pense de cet “univers quantitatif de la communication”, – et nous en pensons le plus grand mal, certes, – il reste que c’est lui qui régit et “inspire” (!) les directions politiques aujourd’hui. Il faut donc le prendre selon sa valeur ainsi appréciée, quelle que soit son absence totale de substance qui est avérée, pour avoir une situation de “la crise de l’homme politique”.
Un des grands chroniqueurs politiques britanniques, Adrian Hamilton de The Independent, consacre un article à cette question, ce 20 juillet 2011. On comprend que ce soit un Britannique qui fasse une telle analyse, et on prendra le fait que ce soit un Britannique comme un facteur d’intérêt pour son analyse ; la cause en est, bien sûr, la “crise Murdoch”, qui met en évidence la complète sujétion du monde politique britanniques à des influences totalement dissolvantes, sinon la complète inexistence du monde politique britannique en tant que tel. Cela n’empêche nullement que les réflexions d’Hamilton valent effectivement pour tout le bloc BAO, et cela ne surprend pas davantage que ces réflexions britanniques étendues au bloc BAO rendent un constat de vide total, d’absence complète de substance. Voici le début du texte d’Hamilton :
«Cometh the hour, cometh the man. But not as far as Western politics are concerned, apparently. All through Europe and America, as Japan, Western democracies are suffering a collapse of leadership and a catastrophic decline in popular confidence in them. It's not as though the need for leadership is not there. On most accounts, Europe and the US are now facing the greatest crises in their economies cohesion since the end of the Second World War.
»Yet everywhere the ratings of democratic leaders have gone into virtual freefall. Mrs Angela Merkel, Germany's Chancellor, who only a year ago was being hailed as the most sensible and reliable leader of the Western world with full voter support, has now seen her ratings fall precipitously. Only 40 per cent of German voters now say they are satisfied with her performance, her lowest scores since she took power nearly six years ago. And her centre-right coalition has fared even worse, with only 12 per cent of voters saying they are satisfied with it.
»It's even worse in France, where the ever-hyperactive President Sarkozy, despite a slight rise because the pregnancy of his wife and his leadership of the intervention into Libya, has approval ratings of only just over 20 per cent, compared with ratings of more than 50 per cent recorded by his predecessors, François Mitterand and Jacques Chirac at the same point in their terms, when they were also less than a year away from re-election. Unsurprisingly Silvio Berlusconi, the Italian Prime Minister, has seen his support fall from over 50 per cent only a couple of months ago to around 40 per cent on the latest figures. The wonder may be that he kept his rating so high for so long, considering the trials that now beset him. The Greek Prime Minister, George Papandreou, has meanwhile seen his ratings slide from over a third to around a quarter in two months, while David Cameron's are heading in the same direction with the Murdoch scandal. His latest approval ratings have fallen from 37 per cent to 33 cent over the last month. Of all European leaders only the Irish Prime Minister, Enda Kenny, is enjoying strong support, at 65 per cent, the highest for any Irish leader in nearly a decade – but then he has only been in office for four months.
»Go outside Europe and the Japanese Prime Minister, Naoto Kan, has managed to achieve the lowest approval scores of any current democratic leader with only 19 per cent of voters backing him. Most troubling of all is President Obama's inability to get his ratings from historically low levels, despite the killing of bin Laden. On the latest Rasmussen daily polling, only 25 per cent said they strongly approved of his performance as president compared with 42 per cent who strongly disapproved – a rating of minus 17, one of the lowest results since President Nixon was hit by the Watergate scandal.
»You can't blame this all on a public growing tired with faces that have been there too long. Only Berlusconi has been in position for more than a decade. By post-War standards, Presidents Obama and Sarkozy are relatively fresh faces, still within their first terms, while David Cameron, Naoto Kan and George Papandreou have been in office for only a year or less. Nor can you put it all down to the normal process of disenchantment with leaders who seemed to promise so much when they were voted into office and then failed to deliver as reality overtook expectations.
»That is part of it, no doubt, but it does not explain why the loss of confidence in Western leadership is quite so widespread and so dramatic. Nor can it be explained, as so often in the past, by a general shift between right and left…»
Etc., etc. Hamilton, très vite, observe que la cause de cette catastrophique situation tient à “la crise économique” (celle de 2008, continuée et poursuivie d’une manière qui semble désormais sans fin, de mal en pis, etc.). Ce n’est pas faux, stricto sensu, de notre point de vue ; cela est moins juste, le point de vue d’Hamilton, lorsqu’il explique simplement que c’est l’incapacité des hommes politiques à résoudre cette crise économique qui justifie son jugement. Notre appréciation est différente et tente de chercher des motifs plus profonds. Celui que nous avançons est la perception du public que les hommes politiques, ou mieux dit, les directions politiques, sont dans “situation ontologique” de non-existence, – justement cette disparition de la substance. Cela va au-delà des anathèmes classiques (“tous pourris”, corrompus, faiblesse, médiocrité, etc.), qui ne rendent pas compte de la profondeur des choses. Il s’agit de la perception radicale que les directions politiques sont réduites à une sorte de néant existentiel dans la figuration dans cette crise économique, mais celle-ci comme exemple spectaculaire et un peu arbitrairement présentée comme le plus important ; la même situation prévaut dans d’autres circonstances, c’est-à-dire que que ce néant existentiel est devenu le caractère absolument et paradoxalement substantiel pour les définir. Le même néant existentiel prévaut, par exemple, pour le rôle et les décisions des hommes politiques dans la crise libyenne. Leur comportement ne marque nullement, dans son caractère principal, leur agressivité impérialiste, leur arrogance suprématiste, leurs intérêts sordides, etc., mais d’abord et au-dessus de tout cela, leur pathétique absence de sens dans leurs rôles et leurs décisions, comme s’ils avaient perdu littéralement la capacité du sens et de l’orientation politiques. Ils sont absolument menés par des événements dont ils sont eux-mêmes la source aveugle et inconsciente, et leurs décisions découlent directement de cet emprisonnement.
Certes, nous nous permettrons de ne pas être surpris en quelque façon que ce soit. Cet état des choses et des gens dans ce domaine de la direction politique correspond si parfaitement à la grande crise en phase terminale que nous identifions constamment, qu’il n’y a vraiment aucun motif de surprise. Les arguments explicatifs qu’offre Hamilton sont tous sollicités par rapport à l’ampleur qu’il voudrait leur donner ; ils sont partiels et incomplets, insatisfaisants par rapport aux événements, terminant par le constat arbitraire et dans les cas insuffisant s’il est juste, du style “ils ne valent rien”, qui est bien plus le constat d’une conséquence que d’une cause : «Look at the performance of the G8, the EU, and Nato and all you see are premiers simply incapable of rising to the occasion. The public may have unrealistic expectations of politicians but, on this, they are right. The current generation of Western leaders are simply not up to it.»
Bien sûr, étant ce qu’il est, homme de l’establishment, Hamilton ne peut répondre plus simplement que ces directions politiques sont nécessairement emportées par l’échec et l’effondrement d’une conception du monde imposée par le Système, de l’impasse totale où se trouve ce Système et ainsi de suite. Ils ne sont ni responsables ni coupables, ces pauvres hommes politiques, parce qu’ils ne sont plus à une hauteur telle où ils pourraient avoir une responsabilité, et donc une culpabilité. Ils sont, triste et inévitable constat, pantins et marionnettes de choses qui les dépassent infiniment. Le plus triste constat, après tout, est que pas un ne semble seulement approcher le début de l’amorce d’une compréhension réelle de leur propre situation.
Le public perçoit parfaitement cette disparition de la substance de l’homme politique, comme le montre Halmilton, le plus souvent pour des raisons conjoncturelles qui ne peuvent expliquer la chose, parfois pour des raisons plus inhabituelles (par exemple, la vulgarité et l’absence de tenue de “son rang” d’un Sarko) qui seraient plus significatives à cet égard. Dans tous les cas, il nous paraît qu’un “point de non retour” a été atteint et dépassé, que les hommes politiques n’auront plus la capacité de rétablir leur place et leurs capacités avant des événements réellement bouleversants et déstructurants, donc plus aucune possibilité de tenter de réformer le Système, – ce qui n’est pas nécessairement un mal, la meilleure chose étant effectivement l’effondrement. La dernière chance de tenter de contrecarrer cette issue aurait été une tentative, au début de son mandat, de Barak Obama (l’hypothèse “American Gorbatchev”). Il n’en eut pas l’idée, ou bien il ne put l’envisager, ou bien il ne vit même pas la nécessité d’une telle tentative, – ou bien il ne s’est aperçu de rien et continue à s’interroger sur l’injustice de la baisse de sa popularité.
Mis en ligne le 20 juillet 2011 à 09H51
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