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1259Voici un document qui, à la seule perception, à la simple audition du ton, du rythme, du son enfin, même sans qu’il soit nécessaire de comprendre le sens du discours (il est bien sûr en anglo-américain), nous en dit plus que dix bouquins de psychologie politique, sur la déchéance d’un homme par l’attaque contre sa psychologie, sur la destruction-Système d’un candidat brillant devenu un président épuisé, presque bégayant. C’est le site LewRockwell.com, de tendance libertarienne (pro-Ron Paul), qui a eu l’idée de faire ce montage. On met en parallèle, avec alternativement un extrait de chaque discours, un discours du candidat Obama le 7 août 2007, sur le nécessaire respect des lois et de la Constitution même, et surtout dans la lutte contre le terrorisme, et le discours du président Obama du 7 juin 2013, tentant de justifier le programme PRISM qui vient d’être mis à jour par Snowden, par l’intermédiaire du Guardian, et qui fait bien entendu bon marché des diverses lois et de la Constitution, dans le chef de son quatrième amendement. Bien entendu, entre les deux discours, pour ce qui est du sens de la chose, on trouve sans grand étonnement la plus complète contradiction.
Voici le texte de présentation du montage, de Michael S. Rozeff, le 12 juin 2013, sur une vidéo également datée du 12 juin 2013.
«The video of Obama vs. Obama is extremely interesting. As a candidate, Obama spoke fluidly and quickly as if he were inspired and believed what he was saying, although this could have been inspired by attacking the opposition. As president, he is tired, terribly deliberate, holding back, speaking with more pauses (a long one right before he says “One has to make a choice”), choosing his words carefully, as if he is an aged and infirm man.
»As candidate, he praised constitutional guidelines and criticized false tradeoffs. As president, he embraces tradeoffs, explains them and says he has to make a choice, and he mentions it's also his team's choice. He now views himself, not as upholding the law, but as maximizing the social utility of the nation by choosing the best tradeoff between safety and the Constitution. This is an impossible task. It is equally impossible to control the economy, produce social welfare, and alleviate other ills through power politics.
»The American system (and other systems of government worldwide) reflect impossible goals and impossible tasks required of political powers. In becoming president, the true beliefs of Obama surfaced, which were utilitarian. This is one reason why he sought the presidency and it's one reason why those who seek the presidency and attain it never keep their promises. Once in the office, they listen to the powers and advisors around them in order to implement their utilitarianism. They give in to the temptation to “do good” for the nation as they see it and in fact they've been elected to do exactly that, and that's what's wrong to begin with. There is no way in the world that one man or a small body of them can promote the General welfare using power politics, not in the ways that it is construed in this day and age.»
Nous laisserons de côté l’argumentation idéologique qu’on trouve dans les deux derniers paragraphes, qui sont développés conformément à l’orientation du site (libertarien, adversaire d’un “État” puissant, de l’interventionnisme public, défenseur inconditionnel de la Constitution, etc.). Implicitement, c’est, selon l’argument idéologique toujours, cette impossibilité de parvenir à réaliser ces ambitions étatiques, ou ces ambitions par le biais de la puissance publique, qui expliquent l’espèce d’effondrement psychologique d’Obama qu’on perçoit au travers des différences fulgurantes entre les deux discours ; et cette impossibilité, du fait de tâches impossibles à accomplir parce qu’une part trop grande est donnée à l’État, qu’on attend trop de l’État, etc.
Mais ces différences sont fulgurantes et intéressantes, pour nous, dans un premier temps non pas tant sur le fond du discours que dans le ton bien entendu, avec ici la conviction et là l’absence totale de conviction ; avec ici l’accent de la sincérité pleine d’entrain (quels que soient les arguments, jusqu’à l’intérêt politique, qui fondent cette sincérité, la sincérité est là), avec là le désintérêt complet pour ce qui pourrait être considéré comme de la sincérité, voire même le simulacre de la sincérité ; avec ici le parler clair et tranchant et là le parler embarrassé, hésitant, parfois même complètement absent avec des “trous” de 3 à 4 secondes. Si le second discours nous montre un Obama psychologiquement épuisé, ce n’est pas tant parce qu’il plaide le contraire de ce qu’il plaidait 2007, mais parce qu’il le plaide à l’aide de mensonges et d’arguments complètement inconsistants que lui impose le Système, – dans tous les cas, rien qui ne sorte de son propre jugement (pour éventuellement alimenter ce qui serait alors sa propre conviction).
Nous ne disons certainement pas qu’Obama s’aperçoit nécessairement qu’il y a mensonges, donc qu’il ment consciemment et que cela serait la cause de sa fatigue psychologique ; nous irions même jusqu’à penser que justement ce n’est pas le cas, et que cela ne doit pas être le cas. Notre appréciation est qu’Obama porte inconsciemment le poids des mensonges et des inconsistances qui, inévitablement, habillent et chargent de tout leur poids la narrative qu’il est obligé de développer... Et s’il est obligé de le faire, c’est que la pression du Système est irrésistible pour lui, parce qu’il ne s’est pas mis en position de pouvoir lui résister, voire de la balayer, en adoptant une position que nous qualifierions de principielle, en s’appuyant sur les principes qui fondent une légitimité et qui, seuls, donnent la force de résister aux pressions du Système et de conserver une psychologie dynamique. (Obama n’a pas été l’“American Gorbatchev” qu’on pouvait espérer qu’il serait ; il n’est pas non plus, évidemment, de la trempe d’un de Gaulle, qui développe sa politique en s’appuyant effectivement sur des principes et conforte sa conviction par la solidité inébranlable de ces principes : sauf en de rares occasions d’erreurs tactiques, de Gaulle, à 70 ans passés, n’a jamais l’air de parler selon cet âge, et son discours est effectivement détaché des contraintes temporelles et physiques.)
Avec la comparaison de ces deux discours, aux dates où ils sont faits, Obama nous apparaît être comme un exemple impeccable d’une psychologie victime du Système, avec la paralysie que cela suppose pour les fonctions actives et créatrices de l’esprit. Dans La grâce de l’Histoire, nous développons l’idée que l’action du Système, notamment par son intermédiaire de la communication (système de la communication), agit aujourd’hui sur la psychologie de ceux qui sont proches de lui (le Système) et sous son empire, exactement de la même façon que le persiflage a fonctionné au XVIIIème siècle auprès des psychologies des mêmes élites, conduisant à un affaiblissement extraordinaire de ces psychologie.
Dans le cas d’Obama illustré par les deux discours, on peut réellement parler d’un effondrement de la psychologie, qui implique bien entendu comme effets induits la dissolution de toute conviction, l’entropisation du parler reflétant l’absence complète de pensée derrière le propos par acceptation d’un discours extérieur pour justifier des événements (ici le réseau PRISM, l’architecture de surveillance et d’oppression type Stasi-USA constituée avec la NSA, etc.). Les mots sont effectivement vidés de leur sens parce que la psychologie est épuisée et ne réagit plus devant cette situation. (La fonction d’une psychologie normale, alimentant une pensée ainsi alertée et agissant par conséquent dans ce sens, étant d’ailleurs de rejeter un tel discours que celui que prononce Obama, ou plutôt qu’il mâchonne en cherchant désespérément à lui insérer quelque cohérence.) Bien entendu, le discours est dicté par le Système, – que ce soit “my team” comme il dit, ou n’importe quel scribouillard, ou spécialiste de la communication, à partir d’une fiche de la NSA vaguement tamponnée et même pas relue par un Alexander (directeur de la NSA) ou un Clapper (DNI) qui ont bien assez affaire à se débattre avec leurs propres divers mensonges proférés depuis des mois, devant le Congrès et sous serment, et dont les parlementaires commencent à prendre ombrage. Tous ces personnages et toutes ces fonctions assurent un relais des impulsions du Système vers le porte-voix qu’est le président, et chacun, dans cette chaîne, agissant par automatisme et sans vraiment réaliser l’importance, les causes et les effets de ce qui est fait. Au bout de la chaîne, comme on le constate, le porte-voix est épuisé...
Mis en ligne le 13 juin 2013 à 11H34