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719L’UE continue à se montrer égale à elle-même, “pitoyable” et “pathétique” selon les mots publics de l’ambassadeur de Chine à Bruxelles. Malgré l’insistance de Lady Ashton pour lever l’embargo sur les armes destinées à la Chine, et les appréciations récemment optimistes à cet égard, la proposition a été repoussée une nouvelle fois, essentiellement à l’instigation des Britanniques et des anciens pays communistes de l’Est, – c’est-à-dire, tous les relais habituels des USA au sein de l’UE. Effectivement, la décision commentée ici est directement le relais de l’influence US, on dirait presque d’une façon officielle…
Hier, 5 janvier 2011, EUObserver consacrait un article à cette nouvelle.
«Catherine Ashton has failed to persuade the UK and other Beijing-critical member states to lift the EU arms embargo on China. But China is continuing to build influence in the Union with bond purchases from vulnerable countries.
»“There remains a broad consensus within the EU that the time is not right to lift the arms embargo. We need to see clear progress on the issues that necessitated the embargo in the first place, namely on civil liberties and political rights,” a British diplomat told EUobserver on Tuesday (4 January) in response to speculation on a potential shift in EU policy, which would require a consensus of all 27 EU members. A diplomat from a former Communist EU country added: “There is simply no talk of it in the run-up to the EU foreign ministers' meeting [on 31 January]. After the Nobel Peace Prize and China's reaction to that, it is politically unimaginable to make any move for the time being.”
»Leaving aside the moral dimension, any change on the embargo could also harm EU-US relations. Asked by EUobserver on Tuesday if the US is reconsidering its position on China arms sales, the State Department pointed to comments made by a senior US diplomat, John Hillen, in 2005 as still being relevant. Mr Hillen at the time said that lifting the embargo would “raise a major obstacle to future US defence co-operation with Europe.”»
Plusieurs pays, dont la France et l’Espagne récemment, ont demandé la levée de l’embargo, inspirant à Lady Ashton sa proposition. (La position de l’Allemagne évolue également vers une appréciation favorable de la levée de l’embargo).
De leur côté, les Chinois ne restent pas inactifs. Ils l’ont été directement, en demandant la levée de l’embargo, mais ils ont surtout désormais comme stratégie de s’implanter dans les pays de l’Union Européenne en aidant ceux-ci à surmonter leur crise budgétaire, ce qui supposerait des compensations de la part de ces pays... Ils ont déjà aidé la Grèce, le Portugal et l’Inde. L’offensive se poursuit.
«Chinese deputy prime minister Li Keqiang arrived in Madrid on Tuesday and will go to Berlin and London later in the week.
»The Chinese ambassador to Spain, Zhu Bangzao, told Spanish daily El Pais on Tuesday that Beijing will buy more Spanish bonds, saying: “During these times of crisis, China feels it is a requirement to support Spain and the EU ... We are not coming empty handed.” China's ambassador to the UK, Liu Xiaoming, wrote in a comment for British daily The Telegraph the same day: “[We] will take concrete action to help some EU members to address their sovereign debt problem ... China is doing what a Chinese proverb says about ‘sending charcoal in snowy weather’.”
»With a sovereign debt crisis in Spain threatening the future of the eurozone, the EU-China game is being played out for the highest possible stakes. An EU diplomatic source noted that this week's trip by Mr Li is designed to help bring state-of-the-art aviation technology to China rather than military technology strictly speaking. “The Chinese have stopped pressing on the arms embargo at every possible opportunity and are focusing their efforts more on high-tech exports for now,” the contact explained.»
@PAYANT La proposition de Lady Ashton concernant la levée de l’embargo vers la Chine correspond assez précisément aux remarques que nous faisions récemment sur l'évolution de la digne Haute Représentante de l'UE. L’attitude du Royaume-Uni, qui a mené la bataille contre cette proposition, correspond à la fois à la politique britannique vis-à-vis de l’UE et vis-à-vis de sa compatriote Ashton (inexistence d’une diplomatie européenne), mais également, – comme ça se trouve, – aux vœux très pressants de Washington. Curieusement, les Britanniques ne sont pas loin d’une contradiction qui pourrait un jour leur être ressortie : ils veulent à tout pris empêcher une diplomatie européenne et rejettent donc cette proposition de la levée de l’embargo par l’UE, mais qu’est-ce que c’est que cet embargo contre la Chine depuis 1989 sinon un acte majeur de “diplomatie européenne” ? La logique devrait les pousser à soutenir la proposition Ashton.
La logique ? Qu’est-ce que c’est que cette chose quand on a sa propre politique dite “souveraine” complètement enchaînée aux restes en dissolution d’une ex-“hyperpuissance” aux prétentions impériales, comme l’ont les Britanniques vis-à-vis des USA ? Les USA ont exigé des Britanniques qu’ils bloquent toute velléité de levée de l’embargo, sans doute en échange d’une certaine modération (?) dans leurs réactions vis-à-vis des intentions britanniques de réduction de leurs dépenses de défense, – on est souverains ou on ne l’est pas… Les Britanniques s’exécutent, avec l’aide habituelle des relais est-européens de l’influence US au sein de l’UE. Mais l’important n’est pas là, ni la nouveauté, puisque cette manœuvre, aussi bien que l’attitude “pitoyable” et “pathétique” de l’UE cette fois sous l’impulsion des Britanniques, est une sorte de rengaine classique de l’Europe dite “politique” pour laquelle les autres, dont les Chinois justement, ne cachent même plus leur mépris à livre ouvert.
Ce qui est plus important, et beaucoup plus nouveau, c’est la description succincte qui est faite de la politique chinoise vis-à-vis de l’Europe, dans tous les cas de certains Etats membres européens. La Chine les aide, en achetant des bons du trésor qui permettent de contenir la dette souveraine de ces Etats. C’est-à-dire que la Chine, avec sa puissance financière et économique, développe une politique d’entrisme en Europe et de soutien de la zone qui va finir par peser de tout son poids, en bons investissements sonnants et trébuchants. A côté de cela, dans un futur assez proche, on pourrait voir s’amorcer des investissements chinois dans certains groupes européens privés ou semi-publics ayant des liens avec le développement des technologies aérospatiales et militaires. Les gouvernements concernés, dans tous les cas certains d’entre eux qui ont besoin du soutien financier chinois, seraient bien mal placés pour repousser cela. Les Chinois ont beau jeu de placer cette poussée offensive dans le cadre des “relations stratégiques” de l’UE avec la Chine, dont l’UE se gargarise tout en restant assise avec un entêtement admirable sur l’embargo des armes vers la Chine. Cet embargo est pour l’instant symbolique, il deviendra demain complètement insupportable si ces liens qu’on décrit ici se développent… Comment pourraient-ils faire autrement que se développer, d’ailleurs, puisque la Chine est le seul bailleur de fonds disponible sérieux tandis que le grand allié américaniste, dont tout dépend pour l’Europe paraît-il, est en train de se noyer dans son déficit colossal et abyssal. A tout prendre, dans un tel développement l'Europe a tout à gagner, parce que la Chine est un partenaire beaucoup moins pervers, beaucoup moins subversif que les USA, pour lesquels l’allégeance européenne n’a rapporté ces décennies dernières à l’Europe que déconvenue, mépris et trahisons diverses.
C’est donc une phase nouvelle de l’existence (?) de l’Europe qui commencerait d'une façon discrète et subreptice mais en profondeur, déjà préparée par la poussée russe qui s’exerce aussi bien dans le domaine économique (liens avec l’Allemagne, alimentation en gaz, projet de grand espace économique “de l’Atlantique à l’Oural” de Poutine) que dans le domaine de la sécurité (projets russes de sécurité, accord avec la France pour l’achat du Mistral, intérêt des Russes dans la participation de certaines industries d’armement et aérospatiales européennes). Désormais, l’Europe est sollicitée sur son Est, tandis qu’elle perd tout espoir de soutien du point de vue transatlantique, alors que les USA tiennent tout en Europe. Il n’y a que les Britanniques pour croire qu’une situation si complètement dissymétrique et illogique puisse tenir longtemps.
Mis en ligne le 6 janvier 2010 à 11H26
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