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22 mai 2003 — Il y a des signes inquiétants pour les entreprises de l’administration GW, version-“néo-conservatrice”.
• La situation en Irak et les effets ressentis aux USA sont un premier malaise. Les commentaires sur la situation là-bas commencent à prendre des allures de réquisitoire. On citera un commentaire du Financial Times du 16 mai et, surtout, un commentaire de Kevin Phillips, dans le Los Angeles Times du 18 mai. Phillips est un commentateur conservateur des questions sociales et de politique intérieure. Sa prise de position, explicitée du point de vue d’un historien, indique combien la question irakienne, dans son après-guerre, commence à pénétrer le débat politique US.
• C’est en effet le cas à droite, chez les conservateurs, où l’on commence à s’irriter sérieusement de l’influence des néo-conservateurs, notamment en soulevant la critique fondamentale que ceux-ci n’ont de “conservateurs” que le nom dont on les a affublés, qu’ils sont par ailleurs d’une tendance pas loin d’être identifiée à du socialisme. Et c’est ainsi que des critiques structurelles fondamentales, qui devraient effectivement rejoindre le sentiment de nombre de vrais conservateurs, commencent à être accolées à la critique jusqu’alors conjoncturelle et peu suivie d’hégémonisme. La critique porte désormais sur la tendance de ces néo-conservateurs à développer un énorme gouvernement, ce qui est contraire aux principes conservateurs US, et cela, notamment, en connexion avec leur volonté d’établir un “empire américain”.
Dans un texte remarqué, Llewellyn H. Rockwell, président du Ludwig von Mises Institute à Auburn, en Alabama, attaque les néo-conservateurs d’un point de vue libertarien, c’est-à-dire conservateur libéral au sens économique, avec l’idée d’un gouvernement réduit au minimum :
« However, very little commentary on neo-conservatism deals with the crucial question to ask of any non-libertarian ideology: to what extent does it seek to use the welfare-warfare state to achieve its end? The answer with regard to neo-conservatism is clear in the actions of the Bush administration:
» * it has increased overall government spending by more than any administration since LBJ;
» * it has unleashed government spies like never before;
» * it has unleashed a series of wars against foreign countries that posed no threat whatever to the US, laying waste to their economies and cultures.
(...)
» Now, it would be wrong to say that the neoconservatives had not undergone any kind of intellectual change. They became less enamored of formal socialism and more at home with mixed-economy capitalism. They grew to hate much of the egalitarian-left cultural agenda of Democratic Party special-interest groups. Many of them wrote treatises decrying the excesses of their ex-brethren.
» But the transformation was never complete, and the core of their ideology never changed: these people had then and have now a remarkable faith in the uses of state power, at home and abroad. Their intellectual formation in Straussianism convinced them of the centrality of the elite management of society by philosophers, and their background in Trotskyite organizing kept a ruthless political strategy as the operating mode. »
Ce point est essentiel à partir des deux remarques ci-dessus : la connexion en train d’être faite entre la situation extérieure (Irak) et la situation intérieure (dépenses massives, déficit, gouvernement interventionniste, tant fiscalement qu’au niveau des libertés civiques et publiques). Cet aspect de la crise américaine pourrait lui rendre effectivement son caractère pleinement américain, en la faisant évoluer vers ces questions essentielles de structures. C’est la raison pour laquelle un conservateur libertarien comme Justin Raimundo peut intituler sa dernière chronique (du 21 mai) : « Revolt versus the neocons ».
Cette alternative à la situation actuelle de la domination des néo-conservateurs (un retournement de la majorité conservatrice contre les néo-conservateurs) nous paraît beaucoup plus concevable aux USA qu’une soi-disant alternative des néo-conservateurs vers un courant multilatéraliste (internationaliste). La raison en est que l’opposition entre néo-conservateurs et multilatéralistes (internationalistes) est une opposition de degré (plus ou moins modérée) et nullement de substance. (Leurs buts sont les mêmes : extension plus ou moins brutale de l’influence US : le fameux “Appel du CSIS”, signé par des personnalités multilatéralistes, propose à l’Europe une situation de vassalisation à peine atténuée par rapport aux buts affichés par les néo-conservateurs, et semblable en substance.) Par contre, l’opposition entre vrais conservateurs et néo-conservateurs (et le reste) est une opposition de substance, qui concerne les structures. Les vrais conservateurs essaient de rappeler à GW qu’il a été élu sur un programme conservateur, par une majorité de conservateurs.