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17 décembre 2002 — Tony Blair est plus que jamais un mystère, — ou bien, une contradiction et une souffrance vivantes. Alors que, partout dans le camp américain, on annonce qu'on est entré dans ce qu'on nomme “la dernière ligne droite” avant la guerre, le Premier ministre britannique montre par divers signes que sa ligne politique est en train de nettement s'incurver, dans tous les cas temporairement, par rapport à la ligne américaine. Quelques points :
• La lenteur des forces britanniques à se déployer en position, au Moyen-Orient, pour la guerre contre l'Irak, voire des informations sur une réduction du volume de la participation UK au conflit.
• Les rappels très fréquents ces derniers jours que rien n'est perdu, que la guerre n'est pas inévitable, et jusqu'à cette réaffirmation solennelle lors de sa rencontre avec le jeune Assad de Syrie.
• Enfin, l'initiative de Blair d'un sommet, en janvier 2003, pour relancer le processus de paix au Moyen-Orient. Initiative louable mais qu'on se permettra de juger inattendue, voire curieuse : un sommet de paix en plein préparatifs de guerre? Raison de plus, répondrait-on. D'accord, — mais alors, raison de plus pour apprécier s'il se passe quelque chose du côté de Blair.
D'ailleurs, non, rien de vraiment surprenant. Toute cette agitation fait partie du “côté face” de la politique de Blair, le “côté pile” étant le suivi quasiment aveugle de la politique US. Il reste tout de même quelques remarques à faire, à la lumière desquelles il n'est pas assuré que cette variation de la politique “blairiste” soit le produit d'une décision rationnelle mûrement réfléchie pour en maintenir l'équilibre, mais plutôt le produit d'une nécessité politique pressante.
• Les signes sont de plus en plus nombreux, qui nous disent que les Britanniques sont au bout de ce qu'ils peuvent endurer en fait d'humiliations et de pressions de la part des Américains. Bien que ces indications viennent du côté des acteurs secondaires, de fonctionnaires, des militaires, etc, cela finit par peser sur la politique générale.
• Le sommet de Copenhague, après celui de Bruxelles, a montré à Blair qu'il était toujours aussi isolé vis-à-vis du “couple” franco-allemand reformé à l'avantage des Français. Qui plus est, la politique de fermeté des franco-allemands marche, comme le montre l'exemple turc : la position dure contre les Turcs des Français, défenseur acharné de la PESD, n'a pas empêché les Turcs de débloquer l'accord UE-OTAN permettant le fonctionnement de la force européenne. Dans cette affaire, les Britanniques jouent à contre-emploi, contre leurs intérêts, contre leur rôle européens, et s'isolant en plus du seul contexte européen où ils peuvent avoir une position dominante (la défense).
• Enfin, il n'est sûr que ces gestes conciliants de Blair en faveur de la paix ne lui aliène pas très sérieusement l'administration GW au moment où celle-ci cherche avec acharnement un casus belli : cela, aussi, tendrait à confirmer que ces initiatives sont plus une nécessité qu'une habileté.
Chaque péripétie nouvelle épaissit le mystère Blair et l'énigme britannique. On cherche en vain l'avantage d'une politique qui conduit inexorablement les Britanniques à perdre sur les deux tableaux : avec les Américains, ils perdent leur autonomie sans la moindre contrepartie, tant est grande la désinvolture américaine pour un allié tenu de toutes les façons pour acquis ; avec les Européens, ils entretiennent affreusement le soupçon d'anti-européanisme du fait de leur politique pro-US et se trouvent de plus en plus marginalisés : ils devraient encore le mesurer avec les initiatives pour des concertations à 6 (les 6 du Marché Commun originel, donc sans UK) pour une initiative de défense qui ne dépende pas de l'accord des 15, avec une première réunion prévue en janvier.