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1692Ce n’est un mystère que pour ceux qui refusent la référence de la métahistoire, mais le fait est, pour nous, que la perception “rebelle” (rebelle à l’ordre du bloc BAO, rebelle au Système, etc.) de la France subsiste malgré la catastrophique médiocrité, malgré l’épouvantable inversion, malgré la bassesse zélée de nos directions politiques, au moins depuis 2007, avec l’actuel bouquet (pas sûr qu’il soit final) du président-poire. Il y a là un mystère dans le sens du Mystère pour ceux qui ont la veine religieuse, et pour nous une constance pérenne de type métahistorique.
Il n’y a pas tant de théories à ce propos, ni d’analyses précises basées sur ces faits irréfutables dont font leur miel synthétique les experts-rationnels et les historiens-scientifiques. Nous parlons de réflexes, de remarques “en passant” et sans aucune intention, comme quelque chose qui va de soi, etc., qui se développent particulièrement depuis les quelques jours de saga diplomatique qui ont accompagné les cérémonies du 70ème anniversaire du débarquement de Normandie (voir le 3 juin 2014). Pourtant, à ce point un fait concret est apparu, qui est une prise de distance de l’administration Obama vis-à-vis des Français. Les neocons de diverses origines continuent, grâce à un génie de la présence médiatique, leur travail de cloportes-termites dissolvant continuellement toute tentative d’une politique extérieure US un peu structurée au nom de la politique-Système. A l’occasion du D-Day, ils ont réussi à faire prendre en compte, comme facteurs antifrançais incontestables, le refus français d’abandonner la vente des Mistral à la Russie et la réception à l’Elysée de Poutine par le président-poire, avec la relégation insultante de la rencontre Hollande-Obama dans un restaurant du coin (bien que cette grotesque enchaînement ait été voulu par le côté US, après que l’invitation à Poutine ait été lancée, – mais l’exceptionnalisme de l’hybris ne s’encombre ni de logique, ni de bienséance-préséance). Depuis, donc, la France est classée dans la colonne des suspects, type “fromage-qui-pue”, malgré la constance arrondie et pateline de la dialectique proaméricaniste du président-poire et consorts. L’affaire Paribas autant que l’affaire Alstom ont aggravé le dossier français (le principe d’une pseudo-nationalisation d’Alstom comme condition d’entrée dans le groupe de General Electric, dénoncée comme une mesure socialo-communiste, a suscité diverse malaises et syncopes caractéristiques dans le monde des commentateurs washingtoniens).
D’autre part, il y a l’Ukraine. Dans le dernier CrossTalk de Peter Lavelle, sur Russia Today, le 25 juin 2014, on entendait un des intervenants, Eric Kraus, expert financier allemand installé en Russie depuis 1995 et éditeur de la Lettre d’Information Truth & Beauty. Kraus a expliqué que, depuis février 2014 et le “coup” contre Ianoukovitch, la politique occidentale (du bloc BAO) avait été “kidnappée par les pays est-européens de l’UE et par les États-Unis”, mais que, depuis quelques semaines, elle avait été “récupérée par les grands pays occidentaux de l’UE, spécifiquement l’Allemagne et la France”. (Approbation de Lavelle : «Effectivement, on ne voit plus beaucoup Nuland pour l’instant»). L’analyse peut être complétée par le fait que le “kidnapping” initial des Est-Européens et des USA avait été essentiellement réalisé aux dépens de l’UE, et de son absurde ultimatum initial du 21 novembre 2013, avec l’accord-diktat d’association avec l’UE, repoussé par Ianoukovitch ; et la récupération dont parle Kraus vient, elle, de la fameuse fin de semaine diplomatique du D-Day.
On retrouve cette nouvelle perception de la position française, chez les auteurs dissidents US surtout (ceux qui s’intéressent à l’Ukraine), qui l'entérinent d’une façon évidemment satisfaite et tiennent quasiment pour acquis que la France est désormais dans une position quasi-antagoniste des USA. D’une façon générale, il s’agit d’interprétations variables de l’un ou l’autre contentieux cité plus haut, mais dont l’effet est de pousser implicitement à une catégorisation de la France dans le statut des faux-amis des USA dans la ronde admirative des amis du bloc BAO. Deux exemples...
• Paul Craig Roberts, dans son plus récent article sur l’Ukraine, le 24 juin 2014, sur son site PaulCraigRoberts.org : «Putin knows that the UK is a complete vassal puppet state, that Cameron is just as bought-and-paid-for as Blair before him. Putin’s hope for diplomacy over force rests on Germany and France. Both countries face Europe’s budget and employment woes, and both countries have significant economic relations with Russia. German business interests are a counterweight to the weak Merkel government’s subservience to Washington. Washington has stupidly angered the French by trying to steal $10 billion from France’s largest bank. This theft, if successful, will destroy France’s largest bank and deliver France to Wall Street.»
• Le Saker, du site The Vineyard of The Saker, le 24 juin 2014, cite aussi l’affaire du Mistral, mais en l’assimilant à l’affaire de la banque Paribas. «I have to immediately warn everybody that this [Ukrain’s crisis] is far from over. For one thing, we should never under-estimate the power of the AngloZionist Empire who, just to make an example, has just slapped a 9 billion dollar fine on France for refusing to cancel the Mistral contract (well, officially, for not abiding by US sanctions on Somalia, Iran and Cuba)...»
Cette évolution met la France dans une position singulière. D’un côté, la coopération avec les USA est toujours déclarée comme fondamentale, surtout sur le plan opérationnel et militaire. Une curieuse situation s’est d’ailleurs créée à cet égard. Bien entendu, la France, suivant en cela l’état d’esprit de ses dirigeants, ne fait rien qui ne soit aussitôt sanctifié du label magique “européen”. La réalité est que, au niveau militaire, la France, bien qu’avec des moyens contraints par les réductions budgétaires mais beaucoup moins que ses partenaires, est plus que jamais la seule puissance militaire à pouvoir agir d’une façon marquante, efficace et autonome au niveau militaire. Elle représente à elle seule l’essentiel de la “puissance militaire européenne” à cet égard, bien plus que les Britanniques qui continuent à porter beau mais qui sont militairement complètement pulvérisés. Du coup, les Français-“européens” sont devenus les meilleurs partenaires des USA, en tant que force indépendante qui s’affiche pourtant comme “européenne”, mais ainsi conduits à partager diverses capacités, et notamment, pour eux-mêmes, à s’appuyer sur des capacités américaines dans les domaines de la communications, du renseignements, des drones, etc. (Bien entendu, une situation similaire prévaut au sein de l’OTAN, ceci [l’Europe] et cela [l’OTAN] figurant du bonnet blanc et bonnet blanc dans ces matières si caractéristiques du bloc BAO.) Cette situation pourrait jouer des tours aux Français s’ils se trouvaient engagés dans une opération dont les USA ne voudraient pas, ou simplement où ils ne voudraient en aucune façon être impliqués ...
Il s’agit d’une inversion complète de la vertu de l’autonomie et des capacités en matière militaire, et finalement de la puissance militaire proprement dite. Par ailleurs et malgré tout de notre point de vue, plus qu’une situation inquiétante pour les capacités françaises, nous qualifierions cette situation comme absolument confuse et pleine de désordre par rapport aux prétentions et aux étiquettes affichées. Les Français, désormais perçus comme complètement “intégrés” à l’OTAN et soumis aux USA, ont déjà montré qu’en cas de besoin, ils pouvaient se passer des capacités de soutien OTAN, et même qu’ils voulaient s’en passer à cause de la lenteur de mise en train de ces capacités (voir à propos du cas libyen, le 23 septembre 2011).
Ainsi en arrive-t-on au constat de l’extrême ambiguïté de la situation française. D’une certaine façon, ou même d’une façon certaine si l’on veut, ce pays n’a jamais été aussi complètement proaméricaniste encore plus que pro-américain, c’est-à-dire absolument perçu comme s’intégrant dans la mécanique américaniste qui régule le bloc BAO. Mais les Français ont les vertus éventuelles de leurs épouvantables vices du moment. Leur pro-américanisme zélé les a déjà poussés plus d’une fois à endosser la logique déstructurante de la politique-Système, mais en y appliquant la fameuse intelligence française, c’est-à-dire l’esprit de logique, ce qui les a poussés à se retrouver, plus d’une fois également, “plus royalistes que le roi”, notamment dans le chef de l’élégant Fabius-l’imprécateur, et à se retrouver plus maximalistes que les USA dans l’une ou l’autre affaire (Syrie, Iran), dérangeant ainsi les plans américanistes dont la sinuosité réclame parfois l’un ou l’autre coup de frein de circonstance.
Cette fois, dans l’affaire ukrainienne, le proaméricanisme français se trouve en concurrence avec l’européanisme exacerbé de la même direction française, c’est-à-dire aux côtés des Allemands et selon une logique qui les pousse à rechercher les possibilités d’arrangement avec les Russes tout en poursuivant une dialectique de diabolisation de la Russie qui retrouve l’action de communication des USA. Si les dirigeants américanistes acceptent ce genre de pseudo-“double jeu” de la part des Allemands, qu’ils tiennent par de multiples liens établis avec l’Allemagne vaincue de 1945, ils voient au contraire chez les Français la mise en lumière d’une “perfidie française” déjà rampante durant la IVème République, qu’ils ressentirent comme éclatante et insupportable avec de Gaulle, et que leur esprit n’a jamais complètement répudiée, – à juste raison, d’ailleurs, dans ce cas ils voient bien les choses....
Cette réputation française est restée bien vivace à Washington, malgré les ronds de jambe de Sarko et du président-poire. On pourrait même dire qu’elle est inhérente aux fondements même des relations entre la France et les USA depuis l’origine des USA, et qu’elles relèvent d’une tendance métahistorique qui dépasse et transcende l’histoire normale (l’“histoire-tout-court” de notre métahistoire) des relations entre ces deux pays. (Voir notamment La Grâce de l’Histoire, – le livre – et aussi la première vidéo sur ce thème, mise en ligne le 22 juin 2014.) Cela signifie que la France ne parviendra jamais, malgré les efforts de ses directions politiques, à atteindre le statut de l’excellence du serviteur asservi qu’ont atteint certains pays, – chacun dans son style, – comme le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Pologne ou le Japon. Il y a un irrédentisme français, une maladresse française dans l’exercice de l’asservissement, qui relèvent des grandes forces de la métahistoire. Aucun de ces présidents-là, – la génération en cours, de Sarko au président-poire, – n’y pourra rien ; l’on peut même dire que l’on a connu des occurrences, et que l’on en connaîtra de plus en plus, où les efforts de ces dirigeants pour être un “bel et bon allié” des USA les propulseront dans la perception inverse dans la pathologie qui sert de psychologie aux experts, spécialistes et idéologues américanistes de la basse-cour de Washington D.C. (Nous développons ces diverses réflexions en ayant précisément à l'esprit que ces directions politiques françaises actuelles veulent à tout prix un alignement sur les USA, mais qu'elles sont trop courtement éduquées pour cela, qu'il leur reste des réflexes français impossibles à faire disparaître, tout cela qui fait qu'ils ne parviennent pas à l'excellence dans ce domaine de l'alignement/asservissement... C'est un peu à désespérer.)
Même si elle ne sait qu’en faire aujourd’hui, puisque réduite à la bassesse et à la sottise de ses directions actuelles qui sont incapables de comprendre et d’identifier la puissance et l’usage des principes auxquels la politique française est liée, la France est condamnée à rester, dans l’esprit de la chose, un objet de suspicion pour la direction américaniste ; cela l’empêchera toujours de tenir son rang dans la ligne de l’asservissement, et à se trouver remise, même contre son gré, sur une course de relative indépendance la conduisant à ne pas rompre complètement avec certaines forces hors-BAO, – dans ce cas, Mistral aidant, avec la Russie. Même si un tel constat mêle l’amertume et la dérision (à propos de la France présente, pour ce qui est de ses élites), il n'en persiste pas moins.
Mis en ligne le 26 juin 2014 à 12H25
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