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6037• La décision de blocus sélectif de la Lituanie vis-à-vis de l’enclave de Kaliningrad va-t-elle conduire la Russie à une stratégie de guerre ? • On admettra que la question est grave. • Contribution : dde.org et Larry Johnson.
Larry Johnson a été l’un des premiers, – le premier à notre connaissance, – à détailler la gravité de la décision de la Lituanie d’établir un blocus sélectif de l’enclave russe de Kaliningrad que son territoire sépare de la Russie. Le 18 juin, il analysait la nouvelle et posait la question : « La Lituanie a-t-elle allumé la mèche menant à l’explosion de la Troisième Guerre mondiale ? »
Bien que la Lituanie ait précisé qu’en principe le blocus ne porte que sur les matières entrant dans les sanctions de l’UE, — et alors que ce blocus ne concerne que le territoire et l’espace aérien, et bien sûr nullement les voies maritimes, – il est évident que la Russie considère cette décision comme une violation des lois internationales et un traité établie entre elle et la Lituanie lors de l’indépendance de ce pays en 1992. Un texte paru le 20 juin sur RT.com confirme la gravité de cette situation et pose la question d’un ‘Casus Belli’.
« En tant qu'enclave, c'est-à-dire un territoire qui appartient à la Russie mais qui est géographiquement séparé du continent, Kaliningrad devrait bénéficier d'un accès total à la Russie continentale, conformément au droit international. Par conséquent, certains analystes estiment que la décision de la Lituanie de bloquer l’accès de la Russie à son propre territoire pourrait, dans une certaine mesure, être considérée comme un “casus belli”, c’est-à-dire un motif de déclaration de guerre. »
La situation ne présente pour l’instant aucun caractère d’urgence opérationnelle vue la situation de Kaliningrad du point de vue des moyens de subsistance, et du fait que des navires sont déjà affrétés pour apporter des cargaisons divers vers l’enclave. Les autorités de Kaliningrad se sont montrées rassurantes à cet égard.
« Ce blocus peut-il entraîner des pénuries d'approvisionnement dans la région ?
» Selon les responsables de Kaliningrad, ainsi que les dirigeants de la plupart des chaînes de magasins, la région est bien approvisionnée en denrées alimentaires et en fournitures et ne souffrirait pas de contretemps de livraison avant trois à six mois. Une part importante de la viande, des produits laitiers et du poisson est produite dans la région et, selon la directrice du principal port de la région, Elena Zaitseva, Kaliningrad a même exporté du maïs, du blé et du colza ces dernières années. »
Mais cette question doit bien entendu être analysée du point de vue général, stratégique et selon les principes de souveraineté, par la Russie, d’autant qu’à cette question de Kaliningrad s’ajoute celle de l’attaque d’une station de forage pétrolier en Mer Nouure par l’Ukraine. Ces deux événements sont perçus par les Russes comme une extension hors-Ukraine de l’actuel conflit et, d’une certaine façon, constituent une extension proche d’une “internationalisation” du conflit. Les Russes ne sont pas actuellement enclins aux concessions et aux arrangements, et se considèrent au contraire engagés dans un combat existentiel où ils n’entendent ne rien céder fae aux américanistes-occidentalistes qu’ils considèrent avec une extrême hostilité.
C’est à ce point que Larry Johnson envisage la question de la possibilité que la Russie adopte une “stratégie de guerre”, expliquant en quoi l’‘Opération Militaire Spéciale’ en Ukraine ne constitue pas, selon les Russes, un véritable acte de guerre au sens conceptuel et opérationnel.
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Deux événements survenus ces derniers jours, – la décision de la Lituanie d'empêcher le transit de fournitures russes à destination de Kaliningrad et l’attaque de missiles ukrainiens sur une plate-forme pétrolière russe en mer Noire, – pourraient constituer le point de basculement de la Russie vers une stratégie de guerre plutôt que de poursuivre l'opération militaire spéciale. Je m'explique.
L'opération militaire spéciale, outre les objectifs déclarés de démilitarisation et de dénazification de l'Ukraine, comportait des règles d'engagement restreintes. La Russie n'a pas détruit toutes les infrastructures et tous les réseaux de communication. L'Internet est resté opérationnel dans la plupart des régions d'Ukraine. Les tours de téléphonie cellulaire et les réseaux électriques n'ont pas été ciblés et détruits. Les lumières sont restées allumées dans les villes et les villages, y compris à Lviv et à Kiev. Les dépôts de carburant civils et les raffineries de pétrole n'ont pratiquement pas été attaqués.
Les bâtiments du gouvernement ukrainien, y compris le ministère de la Défense, n'ont pas été réduits en ruines. Ils sont toujours debout et les activités quotidiennes se poursuivent. Le réseau de transport civil fonctionne toujours. Certains transports ferroviaires ont été interrompus afin d'empêcher l'acheminement des fournitures militaires de l'OTAN vers la partie orientale de l'Ukraine, mais les trains continuent de rouler, même s'ils sont alimentés au diesel.
En dépit de la propagande occidentale selon laquelle les “Orques” russes violent, pillent et tuent sauvagement des civils, la vérité est tout autre. La Russie n'a pas pris pour cible des zones purement civiles (contrairement à l'Ukraine, qui bombarde la ville de Donetsk où il n'y a pas d'activité militaire russe) et a fait pression sur l'Ukraine pour qu'elle ouvre des voies d'évacuation sûres aux civils pris dans une zone de combat. L'Ukraine a bloqué un grand nombre de ces opérations de secours.
La caractéristique principale de l'opération militaire spéciale est la taille de la force militaire russe déployée en Ukraine, – seulement 250 000 soldats russes, selon les estimations, contre une armée et une force de défense territoriale ukrainiennes de 600 000 hommes. La conception unanime des stratèges militaires est qu'une armée attaquante devrait avoir un avantage de 3 contre 1 pour espérer réussir :
“La règle 3-1 du combat terrestre est un aphorisme militaire issu de la recherche opérationnelle qui stipule qu'une force d'attaque doit avoir un avantage de 3 contre 1 sur une force de défense pour réussir. La raison pour laquelle la force d'attaque doit être si importante est, bien sûr, de tenir compte des pertes qui peuvent survenir lors de l'assaut d'une position fortifiée. De même, le choix du terrain, la couverture, le niveau de préparation, le déni de zone, la distance de réapprovisionnement, la distance des renforts et l'avantage du terrain (moral) sont généralement du côté du défenseur.”
La Russie a bouleversé les idées reçues. Bien qu'elle ait été dépassée en nombre par près de trois fois par l’Ukraine, qui menait une bataille défensive à partir de positions fortifiées, la Russie a rapidement obtenu la suprématie aérienne et a paralysé la capacité de l'Ukraine à fournir un soutien aérien rapproché aux unités assiégées. Les aéronefs à voilure fixe et à voilure tournante ukrainiens n'ont pas joué un rôle offensif significatif dans les opérations ukrainiennes.
La Russie s'est également appuyée sur les milices des républiques de Louhansk et de Donetsk et les a laissées porter le poids de la bataille en reprenant les territoires détenus par l’armée ukrainienne. Il semble que la Russie ait joué le rôle de forces de soutien tandis que les forces militaires de Louhansk et de Donetsk étaient les forces combattantes soutenues. En d'autres termes, la Russie a fourni de l'artillerie, des blindés, un soutien aérien et des missiles pour appuyer les opérations militaires des républiques du Donbass. La Russie a également fourni des renforts de troupes selon les besoins. Malgré les affirmations occidentales selon lesquelles la Russie a subi des pertes catastrophiques, aucune preuve sur les médias sociaux en Russie ne vient étayer cette affirmation. Vladimir Poutine n'a pas le pouvoir d'empêcher les parents et les conjoints endeuillés de pleurer leurs fils perdus sur le champ de bataille.
Le carnage que les forces ukrainiennes subissent sur le terrain sera peu de choses en comparaison si la Russie décide de ne plus prendre de gants et de mener une guerre totale contre l'Ukraine en tant que commandant soutenu. Vous ne verrez plus de séances de photos avec des politiciens occidentaux et des célébrités se promenant dans les rues de Kiev. La Russie dispose de plusieurs options : elle peut détruire le réseau électrique de l'Ukraine ou fermer la centrale nucléaire de Zaporizhzhia, la plus grande centrale d'Europe. La Russie peut également bloquer l'accès de l'Ukraine au pétrole et détruire les raffineries. Et la Russie peut commencer à cibler l'infrastructure gouvernementale de l'Ukraine.
J'espère qu'on n'en arrivera pas là, mais Vladimir Poutine a clairement fait savoir qu'il s'agissait d'un combat existentiel pour la Russie et l’Occident, par ses paroles et ses actions, a renforcé cette conviction. Un journaliste allemand a pris conscience du danger :
« La télévision allemande admet ce qui est devenu de plus en plus évident : l’Occident est dans le déni du fait que la Russie a pratiquement gagné son conflit militaire avec l’Ukraine.
» “Je crains que nous ne soyons maintenant confrontés à une vérité inconfortable”, a déclaré le journaliste Wolfram Weimer la semaine dernière. “C’est que la Russie a gagné cette guerre”.
» “Maintenant, notre chancelier travaille avec cette narrative : ‘La Russie ne doit pas gagner cette guerre. L'Ukraine doit gagner’”, a poursuivi Weimer.
» “Je me demande simplement où cela va nous mener politiquement, car en fait, la Russie a pratiquement conquis le Donbass en quelques jours seulement. Les gains de superficie sont énormes, ils sont à peu près aussi importants que la Hollande et la Belgique réunies. La connexion terrestre avec la Crimée est là. Autrement dit, comment la Russie est-elle censée perdre cette guerre maintenant ?”
» Weimer a poursuivi en disant que l'Ukraine “n’a pas la force” de combattre militairement la Russie, malgré les milliards de dollars d'armes et d'assistance reçus de l'Occident, et que la Russie “gagne aussi le jeu international des sanctions”. »
Nous vivons une époque historique. Le monde qui a été créé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale s'est éteint le 24 février 2022. Les États-Unis ne sont plus en mesure de dicter l'issue de la situation en Ukraine et en Europe. Ce pouvoir appartient désormais à Vladimir Poutine.
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