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437L’armée régulière syrienne aurait tué 1300 Syriens la nuit du 20 au 21 août en utilisant des gaz neurotoxiques.
Les corps de plusieurs dizaines d’enfants enveloppés dans leur linceul sont montrés dans la presse, allongés dans un local dont se devine un mur en parpaing et qui ne semble être ni une mosquée, ni un hôpital ni une morgue, ni une colonie de vacances, ni une école. La photographie est titrée le plus souvent, ‘massacre d’innocents’, ‘carnage’. Elle suscite tout naturellement une grande émotion faite de compassion et de colère.
Elle semble bien avoir été composée et scénarisée pour obtenir cet effet puisque les corps de ces petites victimes n’ont pas d’autre raison d’être ainsi regroupés. (*)
Les Us(a) renforcent leur présence en Méditerranée, David Cameron et Laurent Fabius espèrent passer outre l’ONU pour déclencher la «riposte militaire» ‘contre’ le régime de Bashar El Assad. Laquelle frappe ne l’atteindra très probablement pas, ni sa famille et pas non plus les dignitaires du régime. En cas d’engagement du bloc occidental plus direct qu’il ne l’est aujourd’hui en Syrie, le nombre des morts atteindra très vite des centaines de milliers comme l’a prouvé l’exploit de L’OTAN en Libye. Les obus et les missiles n’épargneront pas des milliers d’enfants qui seront peut-être à peine évoqués comme victimes collatérales nécessaires.
En quoi mourir d’asphyxie rapide rendrait le crime plus inacceptable que de périr d’hémorragie par balles provenant d’une arme automatique d’un sniper posté à une terrasse d’immeuble ? Ou même de perdre la vie sous des missiles tirés depuis un drone commandé par un soldat distrait dans son poste de commande au Texas ?
Dans tous ces cas, la victime est incapable de riposter ou de se défendre d’un ennemi invisible.
L’armée égyptienne a réprimé dans le sang des manifestants cette semaine dernière, le nombre de victimes a été estimé à plus de mille morts dans le plus pur style des dictatures militaires que l’on croyait révolues appartenant au siècle dernier et passées de mode.
Ces morts-là n’ont provoqué qu’une protestation molle du bloc occidental par la voix de l’Union européenne. Barak H Obama a été plongé dans une indécision grave, incapable de définir sémantiquement les évènements en Égypte, coup d’État ou révolution populaire légitime, bain de sang ou bain de sang.
Pour sortir de la torpeur induite par une confusion liée aux difficultés d’interpréter le réel, voici exhibés quelques symptômes, susceptibles d’éclairer le jugement des démocrates et ‘personnalités engagées à gauche’ qui apprécient Sissi comme un libérateur.
Le 12 août, des troupes de soldats dans des véhicules blindés ont interrompu un sit-in de travailleurs qui protestaient devan l’usine Suez Steel. Deux ouvriers ont été arrêtés puis relâchés.
Quelques jours après, des officiers de police en ont arrêté quatre autres. Une véritable chasse à l’homme des leaders de la grève a été entreprise sur ordre du propriétaire de l’usine, un homme d’affaire libanais du nom de Rafik Daou.
Parmi les 34 ministres qui composent le gouvernement post-Morsi, installé par les militaires, seuls onze n’appartiennent pas à l’ère Moubarak. Il est peu probable qu’ils s’engagent en faveur des doits des travailleurs, en particulier que soit autorisée leur libre association au sein de syndicats indépendants de l’ETUF, « Egyptian Trade Union Federation », contrôlé par l’État. La présence dans le gouvernement de Kamal Abou Aita qui a dirigé jusqu’à sa nomination en juillet une fédération dissidente de syndicats née dans la vague révolutionnaire de janvier 2011 n’est pas une garantie d’une politique en faveur des défavorisés.
Outre la liberté syndicale, elle devrait instituer un salaire minimum garanti, des prestations sociales en particulier en matière de santé, la sécurité au travail et une stabilité des temps travaillés.
Briser une grève en faisant appel aux blindés rappelle plutôt les régimes qui criminalisent toute revendication ouvrière, taxée d’anti-patriotique voire bientôt de terroriste.
Un comité technique de dix membres a été désigné depuis un mois pour réviser la Constitution adoptée par referendum en 2012. Le prochain texte sera livré au public dans quelques jours.
Il modifie l’article 6 pour interdire l’existence de partis politiques qui se déclareraient fondés sur la religion.
Il maintient son article 2 institué en 1980 par Anouar Sadate qui stipule que la Shariaa reste une source d’inspiration législative, assurant la nature musulmane de l’État, de quoi satisfaire le parti Al Nour d’obédience séoudienne. Il abolit l’article 219 qui précisait que les principes de la Shariaa incluaient ses interprétations habituelles communément admises, ses règles jurisprudentielles et ses sources des écoles sunnites.
Le projet annule la disposition inscrite sous l’article 232 de 2012 qui bannissaient de toute représentation les membres dirigeants du Parti National Démocratique de Moubarak.
Le rôle de la Chambre Haute avec ses 270 membres sera minoré. Son Président est accusé d’avoir perçu de l’argent de la Libye, du Qatar, de la Tunisie et de la Turquie pour faciliter l’adoption de lois complaisantes favorables aux Frères Musulmans.
Tous les articles relatifs aux autorités militaires grâce auxquels elles connaissent une parfaite immunité fiscale et judiciaire présents dans la Constitution de 2012 sont maintenus.
Les règles électorales vont être modifiées dans le sens d’une plus grande représentation des candidats individuels, plus de 50% de la Chambre des Représentants, au détriment des listes des partis, ce qui rendra le Parlement impuissant en raison de plus importantes difficultés pour dégager une majorité.
Le 13 août, 25 gouverneurs ont prêté serment devant le Président de la République par intérim. Six seulement parmi eux avaient été nommés sous Morsi et n’ont pas été remerciés.
Sur les six, cinq sont des généraux.
9 généraux de l’armée viennent d’être promus.
3 officiers de police avec rang de généraux vont contrôler les provinces d’Assuit, de Minya et de Sohag.
Le nouveau gouverneur du Caire, un certain Galal Said, a été ministre du Transport au sein du gouvernement Gandouzy en 2011, il est membre du Parti National Démocratique de Moubarak et ami intime de son fils, Gamal Moubarak.
Au total quatorze généraux dont deux officiers du renseignement contre seulement sept pour le gouvernement remanié de Morsi de juin 2013.
Nul doute que ces hauts gradés, passés par une formation étasunienne, ont pour fonction de lutter contre le terrorisme, le credo universel institué par les néo-conservateurs qui ont théorisé et appliqué la guerre perpétuelle, sans fin, contre un ennemi qui n’est même pas une doctrine ni une idéologie mais un artefact créé pour écouler une surproduction d’armement.
En dehors du cas unique de la Révolution russe, 1905 puis 1917, la répétition d’une révolution n’a jamais abouti à l’amélioration de la situation de ceux qui se sont rebellés.
En Égypte, les militaires qui n’ont jamais été éloignés du pouvoir disposent actuellement de l’arme fatale de la lutte contre le terrorisme.
Sous ce chef d’inculpation, ils étêtent le parti des Frères Musulmans et le démembrent. Cette organisation qui a une très sérieuse implantation populaire a permis la sécurisation des semaines durant la révolte de la place Tahrir, au début de ce que l’on a appelé à tort la Révolution. Elle n’a pas été à l’origine de la révolte populaire mais sans son aide très structurée, l’occupation permanente de Tahrir (filmée et transmise au monde entier) aurait été compromise ne serait-ce que par l’introduction de provocateurs. Qu’ils n’aient pas marqué leur rupture avec la politique économique libérale et leur indépendance vis-à-vis du pouvoir militaire a été le carburant de la manifestation du 30 juin. Les accuser de terrorisme et d’intelligence avec l’ennemi appartient davantage au registre de la propagande éculée.
Une intense campagne de déshumanisation est menée contre les Frères Musulmans par les libéraux et les militaires et par beaucoup de partis de gauche mais pas tous. L’ambassadeur de l’Égypte à Londres n’a pas hésité à qualifier l’emploi de la force armée contre une foule de protestataires majoritairement sans armes comme une nécessité analogue à la lutte des Britanniques contre le régime nazi lors de la deuxième guerre mondialisée de l’occident.
Sissi assez fraîchement émoulu du US Army War College, promotion de 2006, applique les enseignements stratégiques qui lui ont été inculqués par des officiers étasuniens qui veulent confondre Islam et terrorisme.
Pour parfaire la fermeture opérée par le système militaire sur la société civile, deux jeunes femmes activistes du Mouvement de la Jeunesse du 6 avril se voient accusées par le Procureur de la République d’espionnage au profit de puissances étrangères. La Constitution en cours d’amendement prévoit d’interdire la destitution d’un Président de la République par des manifestations de rue, invalidant a posteriori les chutes de Moubarak et de Morsi !
Les scénaristes des films de masses syriennes intoxiquées par des gaz prohibés devraient savoir que le sarin et tous les organophosphorés ont une très grande pénétration cutanée et sont mortels par cette voie. Une simple consultation sur Wikipedia les aurait renseignés. Pour faire ‘vrai’ si toutefois la vraisemblance était incluse dans leur cahier de charges, les sauveteurs devraient être revêtus convenablement selon les normes usuelles sans quoi ils s’exposent aux mêmes risques que les victimes.
Les déclarations contradictoires du Ministre de l’Intérieur intérimaire mis en place par Sissi à propos de la tuerie des 56 prisonniers ‘islamistes’ le dimanche 18 août accusent les militaires. Ils seraient morts au cours d’une tentative d’évasion dans leur prison ou dans les camions qui les y transportaient.
Ils ont en réalité succombé, asphyxiés par des gaz irritants jetés par des soldats à l’intérieur du fourgon militaire.
Devant quelle cour les criminels répondront-ils de leurs actes ? Celle de la Ligue Arabe ou celle de l’OTAN ?
Le racisme anti-musulman à force de propagande a fait quelques conquêtes faciles, peu vont s’émouvoir de ce que des musulmans qui méprisent les femmes au point de les recouvrir au lieu de les dénuder se fassent lâchement assassiner alors qu’ils sont en état d’arrestation.
On l ‘avait cru mort, occis par quelque dague sortie de derrière une lourde tenture ou enivré à mort par quelque subtil poison. Il est revenu, en négociateur de la maison des Séoud avec le défenseur des marches orientales.
Le prince Bandar a été poliment mais fermement repoussé par Poutine qui se pose en défenseur des souverainetés nationales et n’a jamais ignoré l’origine du financement des autonomistes tchétchènes.
Les mercenaires ou simples volontaires recrutés dans les mosquées du Machrek au Maghreb en passant par le Turkestan oriental des Ouighours dirigées par des imams payés en rials séoudiens ont activé le plan ‘fil rouge’ en Syrie sur instruction directe des organismes payeurs.
Le réveil de l’ancien ambassadeur à Washington correspond à une fièvre d’investissement pour les fonds des Séoud qui se découvrent un appétit de géant pour l’Égypte. Par exemple, dès le mois de juin, le Fonds Arabe pour le Développement Économique et Social offre sa participation dans un projet de production électrique de 1,6 milliards de dollars, rendant inutiles les offres de prêt de la Turquie et de la Banque Mondiale.
C’est que le temps presse pour écouler les dollars étasuniens.
Parmi les facteurs directs qui expliquent l’embrasement de l’Orient arabe, on peut noter la volonté délibérée des pays du Golfe, incluant le Qatar et l’Arabie des Séoud de libeller les échanges énergétiques dans une autre monnaie que le dollar étasunien. Il s’agit d’une simple prise en compte de ce que la Federal Reserve imprime près de 80 milliards de dollars par mois sans aucune contrepartie dans la production d’une quelconque richesse.
La Syrie comme l’Égypte doivent donc devenir le terrain de jeux exclusif de la bande à Bandar.
En vérité, vouloir continuer d’imposer une monnaie de singe comme l’étalon indépassable de mesure de la richesse, de sa réserve et comme outil indispensable du commerce alors qu’elle ne vaut rien, là réside la transgression dans la pesée.
Le césarisme de Moubarak a été rejeté car il n’apportait aux Égyptiens ni bien-être économique ni fierté nationale.
Il les a appauvris et profondément humiliés.
Les prémisses des orientations du futur empereur Sissi n’indiquent aucun fléchissement objectif dans le sens voulu par eux.
Ils sont trop nombreux à n’avoir rien à perdre pour ne pas envisager une troisième étape dans la prise en main de leur histoire. Il ne suffira pas alors de crier « dégage », il faudra venir avec un programme économique et social précis qui exclut la prédation capitaliste.
Badia Benjelloun
(*) A comparer avec les photos prises lors du massacre des manifestants égyptiens contre le coup d’État militaire
(**) Dans la sourate 35 ‘Le Miséricordieux’, traduction approximative des versets 7 et 8.