Les 30.000 d’Obama, – pardon, de Mullen?

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On sait désormais que le président du comité des chefs d’état-major (le JCS, ou Joint Chief of Staff), l’amiral Mullen, a des intentions précises pour ce qui concerne l’Afghanistan. Mullen a annoncé que les USA enverraient en Afghanistan, d’ici la mi-2009, 30.000 hommes de plus. C’est un renforcement théorique de 100% (actuellement, les USA déploient 32.000 hommes dans le pays). C’est évidemment considérable en terme d’intention stratégique. Cela justifie bien entendu de se demander si Mullen a l’accord d’Obama.

...C’est ce que fait Robert Dreyfuss, dans The Dreyfuss Report, dans The Nation, le 23 décembre. Et la réponse semble bien être: “oui”, ce qui effraie considérablement Dreyfuss. Il rappelle qu’Obama avait annoncé qu’il renforcerait le contingent US en Afghanisan “de deux à trois brigades”, soit autour de 10.000 hommes, – mais «30,000 is a huge escalation.»

Extraits du billet de Dreyfuss, qui se réfère également au Chicago Tribune du 23 décembre):

«It's hard to ready this any other way than the worst way, however: that Mullen is speaking with Obama's (unspoken) approval. During the campaign season, and since, Obama said that he'd send “at least two or three additional combat brigades” to Afghanistan, which ought to mean something like another 10,000 forces or so. But 30,000 is a huge escalation.

»Currently, the US has something like 32,000 troops in that hell-hole, including 14,000 under a rickety NATO coalition. Mullen's plan would send at least four combat brigades and thousands of additional support forces.

»According to the Chicago Tribune, the Bush administration is pounding away at Obama to escalate in Afghanistan, and no doubt Robert Gates is in there hammering:

«“The Pentagon and national security officials are transmitting a battery of new information concerning the Afghanistan war to President-elect Barack Obama's transition team in hopes the new administration will act quickly to prevent U.S. fortunes there from eroding further. ...

»“Obama was briefed in person last week by Adm. Mike Mullen, the chairman of the Joint Chiefs of Staff, on details of war plans. Among other issues, Mullen described the size of the units the Pentagon plans to send to Afghanistan and when they would be sent, defense officials said.”

»So it's clear Mullen got Obama's approval first, since it's unlikely he would have announced the 30,000 figure if Obama had indicated any opposition to the idea. That's scary.

»Even Karzai is skeptical, though he's under political pressure at home, telling the Tribune: “Sending more troops to the Afghan cities, to the Afghan villages, will not solve anything. Sending more troops to control the border is sensible, makes sense That is where I need help. I don't need help anywhere else.” But the US seems determined, according to sources I've talked to, to use the new forces to control Afghan cities.»

L’interprétation de Dreyfuss, qui paraît logique, est qu’Obama a donné son feu vert à Mullen pour un renforcement massif en Afghanistan. Cela semble indiquer deux choses, dans la logique de la situation à Washington et des intentions des divers acteurs.

• Le Pentagone, et particulièrement les chefs d’état-major (les militaires) veulent à tout prix remporter une victoire en Afghhanistan, pour des raisons de prestige autant que pour des raisons stratégiques. Raisons de prestige, pour effacer pour cette période le précédent du désastre irakien, qui reste effectivement un désastre malgré toutes les interprétations virtualistes des services de relations publiques du système. Raisons stratégiques, parce que les militaires, influencés par la Navy (Mullen président du JCS) et soutenus par Gates, jugent l’Afghanistan comme une zone stratégique clef, autant pour sa position terrestre entre l’Iran et le Pakistan et près de la Russie, que pour sa position de relais et de point d’appui vers le contrôle des voies de communication navales du sous-continent indien. Au contraire de l'Irak, l'Afghanistan est “la guerre des militaires” US.

• Comme on l’a déjà vu, Obama semble décidé à déléguer le plus possible aux acteurs de la politique de sécurité nationale. En laissant Mullen annoncer une augmentation de forces si importante qu'on pourrait parler d'inflexion majeure de la stratégie US, il remplit son programme de mise en avant du conflit afghan tout en ne portant pas directement la responsabilité de cette décision. Sa responsabilité est moins engagé, son implication peut paraître moins importante et lui laisser les mains libres pour les problèmes intérieurs.

Quoi qu’il en soit de ces diverses positions, il reste le fait objectif de l’engagement renforcé en Afghanistan qui semble devoir être très important relativement aux forces qui y sont déjà déployées. La méthode utilisée semble la même méthode habituelle du poids et de la masse, appuyée sur la même habituelle certitude des militaires US de détenir la formule victorieuse. Cette voie suivie, parce qu’elle implique le renforcement de la stratégie actuelle, écarte évidemment la recherche d’une alternative sérieuse d’aménagement de la forme de l’intervention. Elle implique que la stratégie actuellement suivie est la bonne, sauf qu’il ne lui a pas été donné assez de moyens pour qu’elle réussisse. L’analogie vietnamienne, que les adversaires du renforcement en Afghanistan mettent en avant a, dans ce cas, toute sa place, bien qu’elle renvoie à une situation politique paradoxalement inverse: dans le cas vietnamien, le président Johnson s’était totalement impliqué dans la politique d’engagement, qu’il avait minutieusement contôlée; dans le cas d’Obama, c’est l’inverse qui se dessine. Le résultat ne serait pas différent, tant les contraintes et les pressions venues du Pentagone sont, elles, complètement similaires. La perspective serait également sans grande originalité. Si l’engagement US grandit et si les résultats opérationnels ne s’améliorent pas, l’Afghanistan, bien entendu, risque fort de devenir le bourbier d’Obama et il en sera nécessairement comptable en tant que nouveau président.


Mis en ligne le 26 décembre 2008 à 07H28