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3043Dans notre arsenal dialectique, nous tendrions à contrer l’affrontement dialectique autour de la notion de ‘post-vérité’ par une libération permise par la détermination de ce que nous nommons “vérité-de-situation” (le sujet le plus lu de la rubrique Glossaire.dde, et certainement parmi les plus lus de ce site). Lorsque nous introduisions ce concept essentiel de notre Glossaire.dde, nous offrions en effet ce que nous jugeons être un moyen de lutter contre les diverses techniques de détournement de la réalité et de la vérité, et bien entendu cela valait, disons un peu prémonitoirement, pour l’idée de ‘post-vérité’ apparue et popularisée depuis ce développement du 18 octobre 2015.
Cette introduction disait ceci, immédiatement selon les nécessités de l’actualité contre les manœuvres de subversion radicale de la perception opérée durant les crises ukrainienne et syrienne : « L’expression de “vérité de situation” nous est venue dans une tentative de lutter, justement, contre une “situation” ; nous voulons dire lutter contre la situation de désordre de la perception, de la confusion créée par l’effondrement des structures prétendant former un concept de l’objectivité de l’information et de la communication qui avait été proposé d’une manière pressante sinon comminatoire immédiatement après l’attaque du 11 septembre 2001, et ce concept “nouveau” (nous verrons en quoi plus loin) frappant aussitôt les concepts spécifiques classiques de “réalité” et de “Vérité” (*) d’une terrible mise en cause. Nous pensons en effet que ce “concept nouveau” développé aussitôt après 9/11 sous forme de virtualisme puis de narrative est irrémédiablement sur la voie de l’autodestruction avec diverses dérives rassemblées sous le concept de déterminisme-narrativiste établissant une véritable dictature de la perception, intenable sur le terme et déjà mise en cause gravement dans l’actuelle crise syrienne. Ce destin catastrophique et clairement identifié comme tel rend d’autant plus nécessaire la recherche d’une référence qui nous soit propre, – et c’est bien le cas envisagé et espéré avec notre concept de “vérité de situation”. »
Aujourd’hui, cinq ans plus tard, et alors qu’effectivement le concept si radical de ‘post-vérité’ qui sonne comme une tentative de libération haineuse, furieuse et définitive de la nature du monde, la lèpre de l’esprit et du langage alors en cours à propos des crises ukrainienne et syrienne, a atteint d’une façon catastrophique les diverses contrées de la matrice de la Grande Crise qu’est le bloc-BAO.
C’est à la lumière de cette dynamique que l’auteur et journaliste de The American Conservative Rod Dreher observe la crise centrale de l’américanisme, dans la séquence de la présidence Trump et des élections présidentielles catastrophiques et chaotiques actuellement en cours. Nous dirons sans la moindre hésitation que c’est effectivement la lumière qui convient à un éclairage révélateur de cette crise ; cette lumière qui convient par ailleurs au reste, tant le reste se ressemble, pour comprendre la crise française, la crise du bloc-BAO et de la chute de la civilisation américaniste-occidentaliste, bref la Grande Crise de l’Effondrement du Système.
On observera pour notre compte que Dreher met parfaitement en évidence les extraordinaires phénomènes de blocage et de paralysie qu’entraîne cette situation. Les responsables et les manipulateurs de la crise, le Système d’une façon générale et ses exécutants que sont les élitesSystème, ou ZélitesZombies (ZZ), occupant des positions de force, sont les premiers touchés par cette crise. Ils en sont à la fois les manipulateurs, les responsables et les “idiots utiles”, et les victimes, essentiellement parce que les conditions catastrophiques qui sont apparues les obligent à sortir à visage découvert.
La crise de l’américanisme a franchi une étape importante avec les élections, au cours de laquelle, malgré les pressions inouïes des opérateurs de la ‘post-vérité’ disposant de tous les instruments de puissance de diffusion des narrative, simulacres, FakeNewsisme, etc., s’est imposé le fait révélateur de la structuration du mouvement politique du ‘Trumpisme’. L’accident du trumpisme est devenu substance trumpiste ; la gloire de Trump est complète : son nom a donné un substantif majeur de la politique aux USA.
Peu nous importe, certes, les intentions prêtées à Trump, ses manigances, ses manipulations, etc., puisqu’il reste que cette vérité-de-situation apparue dans les urnes malgré ce que Biden avait désigné dans un lapsus révélateur qui vaut pour bien plus qu’un lapsus comme « l’organisation la plus extensive et la plus intégrée de fraude électorale dans l’histoire de la politique américaine... », constitue une indication d’une extrême puissance de la force du courant de révolte à l’œuvre dans la population. Cette révélation, qui est le grand événement de USA-2020, est elle-même un facteur formateur d’une formidable panique chez les ZZ, les ZélitesZombies constituant la cible favorite du processus de Servilité volontaire décrit par le jeune Etienne de La Boétie il y cinq siècles et demie.
Les observations de Dreher s’adaptent singulièrement bien à la situation actuelle parce qu’elles suggèrent
1) que cette situation a déjà largement atteint et dépassé ce qu’on peut considérer comme un point de non-retour ;
2) que dans la dynamique ainsi décrite, l’élection n’est qu’une étape parmi d’autres, qui ne fixe rien, qui ne clôt rien du tout, qui ne résout absolument rien ;
3) que dans les diverses circonstances décrites, les personnages, les acteurs principaux font preuve d’une surprenante grandeur dans leur médiocrité, comme grandeur invertie bien entendu, tendue vers le bras, plongée dans le trou noir des agitations sans nombre relevant des activités courantes du crime organisé.
Dreher situe également l’importance des Black Live Matter (BLM) et de tout ce qu’ils ont accompli ces derniers mois pour bien préparer la catastrophe du 3 novembre. (A l’image d’Al Nusra selon le finaud jugement du ministre parfumé Fabius, BLM « fait du bon boulot » ; cette organisation doit en être remerciée et l’on peut préparer une sorte de Prix Nobel spécial, qui pourrait devenir régulier par les temps qui courent : pourquoi pas un ‘Prix Nobel de la Déconstruction’ ?)
En quelques lignes, le 'questions-réponses' du journaliste Rod Dreher a l ‘avantage de ramener l’affaire de l’élection du 3 novembre dans son véritable contexte, qui est celui de la néantisation de notre civilisation, de la désintégration de la modernité, tous ces avatars pouvant être appliqués à l’actuelle situation des États-Unis d’Amérique, et naturellement dans le chef du parti démocrate qui s’est constitué en une force si totalement néantisatrice.
Nous avouons bien volontiers et une fois de plus, notre incompréhension, après lecture de ces paroles de Dreher, qui nous restituent sans aucun doute une vérité-de-situation essentielle, à suivre les évolutions et les raisonnements de tant de ces gens de bonne volonté, avec le cœur fermement ancré à gauche (rien à redire à cela), qui tirent avec une haine extraordinaire contre Trump-Hitler depuis cinq ans en s’époumonant que “le fascisme ne passera pas”... Certes, il ne passera pas, puisqu’il n’y a point là-dedans une de ces histoires obsessionnelles vielle d’un siècle et réglées toutes de la manière apocalyptique qu’on sait en 1945...
Dans notre esprit qui se veut antiSystème et qui reconnaît nombre d’antiSystème chez ces aboyeurs de l’antitrumpisme, cette question est également obsessionnelle à force d’être répétée, à force de les entendre dénoncer en Trump cette force qui menacerait notre formidable vertu civilisationnelle ; et cela, sans goûter l’ironie, au côté de la force la plus corrompue, la plus acquise au Système, dans le chef d’un parti démocrate flanqué de sa planche pourri de Biden. Nous ne devons pas avoir d’estime particulière, comme si souvent dit sur ce site, pour ce Trump, tel qu’il est et tel qu’on le connaît ; sauf à lui reconnaître, volens nolens, un formidable talent de démolisseur des arrangements du Système, de fouteur de désordre dans la machinerie qui détruit le monde. Rien que pour cela, le sort de Trump et ce qu’il est capable de produire méritent réflexion. Mais non pardi, nous disent-ils, aucune réflexion n’est nécessaire ni même autorisée ! Car “le fascisme ne passera pas”. Fermez le ban, il se fait tard.
Ci-dessous, on trouve les quelques questions posées à Rod Dreher, avec les réponses du journaliste, dans Le Figaro-Vox de ce 6 novembre 2020.
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Figaro-Vox – À l’heure qu’il est, les États-Unis ne connaissent toujours pas avec certitude le nom de leur nouveau président, et l’image que le monde entier se faisait de la démocratie américaine est détériorée. Quel sentiment vous inspire cette situation?
Rod Dreher – L’année 2020 a été apocalyptique pour mon pays, dans la mesure où nos fragilités nationales ont été révélées au grand jour. L’élection présidentielle en cours n’est qu’un nouvel épisode de ce phénomène. Notre nation est en train de se désagréger. Nous oublions que nous formons, quoi qu’il arrive, un seul peuple. Ce mouvement se prépare depuis des années, mais aujourd’hui il est si manifeste qu’il n’est plus possible de se bercer encore d’illusions.
Figaro-Vox – Même si les résultats définitifs de l’élection ne sont pas connus, une tendance s’est néanmoins dessinée: Donald Trump, contrairement à ce que beaucoup annonçaient, a fait un score plus élevé qu’en 2016 chez les femmes, les Noirs, les hispaniques. Comment l’expliquez-vous?
Rod Dreher – Il faut encore attendre des données complètes avant de tirer des conclusions définitives, mais ce que je peux au moins dire c’est que le logiciel intellectuel de la plupart des journalistes et des élites, qui prétendent dire quelles doivent être les convictions politiques des personnes de couleur, est complètement obsolète. Les élites américaines sont enfermées dans une bulle épistémologique. Ces gens ne comprennent pas leur pays, ils le craignent et le détestent à la fois. Il est intéressant de voir que pour la seconde élection consécutive, les sondages se sont sérieusement trompés. Pourquoi? Tout simplement parce que les citoyens américains n’osent pas avouer aux sondeurs qu’ils comptent voter pour Trump. Ils craignent de donner des informations compromettantes à des inconnus. Ils ont vu comment la gauche fonctionnait à l’Université, dans les médias et dans les entreprises, et ils savent que s’ils sortent des bornes fixées par l’idéologie des “politiques identitaires” de la gauche, ils peuvent en pâtir, et même perdre leur emploi. La gauche a répandu partout dans le pays une atmosphère d’intimidation, qui n’est pas sans rappeler le totalitarisme - tout cela au nom de la pureté et de la «justice sociale». Ces dangereux Robespierre méritent la claque que représente, à bien des égards, cette élection qui est loin de confirmer la «vague bleue» qu’ils espéraient.
Figaro-Vox – Dans quelle mesure le mouvement Black Lives Matter et ses conséquences sur la société américaine ont pesé sur l’élection?
Je crois que ce mouvement a beaucoup compté. D’abord parce qu’il est associé, dans l’esprit de nombreux Américains, aux pillages et aux émeutes qui ont ravagé le pays. Les gens n’osent pas le dire à voix haute, pour ne pas être pris pour des racistes, mais c’est ce que beaucoup pensent en leur for intérieur, – et, je crois, ce qu’ils ont exprimé dans les urnes.
Ensuite, Black Lives Matter a fait se lever une nouvelle terreur idéologique dans toutes les institutions contrôlées par la gauche, notamment les médias et les facultés. Si vous n’êtes pas d’accord avec leurs propositions, même les plus extrémistes, c’est donc que vous êtes raciste. C’est une sorte de chasse au bouc-émissaire, et les gens n’osent pas se dresser publiquement contre ce mouvement. Mais dans l’intimité de l’isoloir, ils peuvent enfin s’exprimer. Au lendemain de l’élection, j’ai vu sur Twitter certains des partisans les plus engagés de Black Lives Matter dénoncer cette élection comme étant la preuve selon eux que l’Amérique est bel et bien raciste. J’espère que nous serons de plus en plus nombreux à nous opposer à la terreur idéologique qu’ils répandent, et qui est en train de déchirer le pays.
Figaro-Vox – Vous avez publié un nouvel essai, intitulé «Live Not by Lies». Cette élection et l’imbroglio sur les résultats, contestés dans certains États par l’équipe de campagne de Trump, confirme-t-elle l’entrée de l’Amérique dans l’ère de la post-vérité?
Rod Dreher – Tout dépend de ce que vous appelez la «post-vérité». La nuit précédant l’élection, mon fils, qui étudie à l’université, me disait que l’on devrait relire Jean Baudrillard pour comprendre l’époque que nous vivons. Il a peut-être raison.
Je pense en effet que les États-Unis sont plongés dans la «post-vérité» de plusieurs façons. D’abord parce que nos divisions ne sont plus seulement politiques, elles portent désormais sur nos mythes fondateurs, – la «vérité poétique» de notre destinée nationale, le sens collectif que nous apportons à notre histoire, comme chaque nation le fait pour se forger une unité. Nous avons vu émerger à gauche, au cours de ces dernières années, un puissant récit alternatif qui fait de notre pays une création démoniaque, un ramassis de racistes et de méchants. Sauf que c’est ce récit qui désormais triomphe au sommet de nos institutions, et a conquis nos élites.
Cette élection a montré à nouveau le fossé qui sépare le monde dans lequel vivent les médias et les classes dirigeantes, et celui du reste des Américains. Lorsque nos enfants apprennent à l’école, ou dans la culture de masse, que les vieilles vérités poétiques, mythologiques concernant les États-Unis, sont en réalité des mensonges, et que la seule vérité est que notre pays est un enfer, alors le seul avenir qui nous attend c’est une forme ou une autre de guerre civile. C’est en ce sens que notre pays vit dans une ère de «post-vérité»: nous ne partageons plus de récit narratif commun sur ce que signifie l’Amérique.
Ensuite, et de façon plus inquiétante, comme Hannah Arendt nous en a avertis dans Les Origines du totalitarisme, on reconnaît une société pré-totalitaire à ce que les gens ne croient plus en l’existence de vérités objectives, – une société dans laquelle les gens tiennent des mensonges pour des vérités du moment que cela sert leurs objectifs. Nous vivons certainement dans une telle société aujourd’hui. Mais est-ce seulement vrai de l’Amérique, ou est-ce que cela ne concerne pas l’ensemble de l’Occident, plongé dans la décadence post-moderne?
Enfin, dans un sens plus limité, nous sommes dans une ère de «post-vérité» dans la mesure où nous devenons incapables de dire la vérité de peur de nous attirer les foudres et les châtiments de la classe dominante. En France par exemple, c’est la même chose vis-à-vis de l’islam. Vous savez très bien comment cela fonctionne. À la longue, les gens ordinaires sont las des mensonges officiels, et même si le courage de vivre publiquement dans la vérité leur fait défaut, au moins votent-ils en conscience dans l’isoloir.