Les 700.000 morts de ElBaradei

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Nous avons ici à offrir des excuses pour une erreur que nous avons commise et quelques réflexions sur cette erreur et cette rectification de l’erreur. Dans notre article du 19 septembre sur la crise iranienne, nous avions primitivement inclus dans le texte, dans le paragraphe “Position autonome des institutions internationales”, la remarque suivante, entre parenthèses :

«Les 70.000 tués civils en Irak cités par ElBaradei dans l’extrait ci-après sont une estimation extrêmement modérée. Pendant qu’il y est, ElBaradei devrait mettre en avant des chiffres plus vraisemblables [voir le décompte de l’institut britannique ORB]. Cela rappellerait les vrais effets de la politique occidentaliste/américaniste.»

Un lecteur, “Miquet”, nous écrivit rapidement pour signaler notre erreur, dans le Forum général, à la date du 20 septembre:

«Petite précision concernant le dernier article de DeDefensa: El-Baradei a bien parlé de 700.000 civils tués en Irak et non de 70.000.»

Effectivement, une simple lecture de l’extrait cité plus bas montrait que nous avions fait une lecture inattentive ou trop rapide des déclarations de ElBaradei, et pris “700.000” pour “70.000”. Erreur d’inattention ou lapsus révélateur? Car cette précision des “700.000” est importante, — en tant que telle, bien sûr, mais également pour sa signification politique.

Ce chiffre est une référence directe, “actualisée” à 2007, de l’étude effectuée par des chercheurs de la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health (USA) et de l’université Al Mustansiriya de Bagdad, et publiée par The Lancet au début de l’automne 2006. L’étude concluait à cette époque au bilan de 600.000-650.000 morts civils en Irak depuis 2003. (Voir l’interview de l’un des auteurs de l’étude sur Democracy Now !, du 12 octobre 2006). L'étude, qui offre toutes les garanties possibles de sérieux, avait été largement passée sous silence par tout ce que compte d'honorable le monde médiatique et politique occidental.

Alors qu’il nous paraissait notable que ElBaradei ait cité le bilan de 70.000 morts, il nous paraît significatif qu’il ait en réalité cité 700.000 morts. C’est, à notre connaissance, la première prise en compte officielle de la part d’un responsable international d'aussi haut niveau d’un tel chiffre des pertes civiles, qui nous rapproche effectivement de la notion de “génocide” en Irak, dont la responsabilité originelle est celle des USA. Dans tous les cas, la rareté de la chose nous invite à la signaler et à mettre son importance en évidence.

En général, les responsables US citent le chiffre de 30.000 morts après 4 ans de guerre ou bien ils ne citent rien du tout et basta (“nous ne faisons pas le décompte des morts civils”, parole immortelle du général Tommy Franks en 2003). Les autres responsables occidentaux hochent gravement la tête et déplorent, comme on s’indigne que la pluie mouille, que les guerres tuent des civils (on en déduit en général qu’ils le déplorent également pour la guerre en Irak, ce qui nous rassure quant à leur vertu humanitariste). Bref, il est de bon ton de n’en pas trop dire à propos des tueries américanistes. Il est donc intéressant d’entendre un ElBaradei prendre à son compte un décompte un peu plus sérieux de cette épouvantable guerre. Cela fait entrer dans le champ officiel une réalité en général occultée avec une impudence incroyable par l’accord général d’un système qui se fonde sur l’humanisme, la vertu morale, la démocratie, les droits de l’homme et tout le toutim. Il est probable que les responsables occidentaux trouveront le comportement de ElBaradei encore plus “trouble” et suspect qu’ils ne l’avaient cru.


Mis en ligne le 20 septembre 2007 à 10H54