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621Pierre Lellouche est connu dans le milieu. Abattage, sarcasme de bon aloi et bon aloi parisien, belle allure de “toujours-jeune expert” portant beau, — en avant la musique. Là-dessus, un pro-américanisme à peine dissimulé derrière un atlantisme classique qu’il arrive à faire passer, par le ton et par la véhémence, pour de l’originalité et du non-conformisme. Bravo l’artiste. (D’autant qu’il est président en exercice de l’Assemblée de l’Atlantique Nord.)
Là-dessus, bis repetitat, on pourrait penser que quelque chose a bougé. Les deux derniers articles de Lellouche, coup sur coup et le même jour dans Le Monde (le 9 août) et Le Figaro (évidemment du 9 août), trahissent un agacement considérable du député pour l’“ami américain” (en même temps qu’une critique ouverte de l’action israélienne, chose également nouvelle dans ce degré d’intensité de la critique).
Quelques phrases méritent d’être retenues, pour l’exemple.
Du Monde du 9 août : « Absence de structures, mais aussi absence de leadership et retour au chacun pour soi : l'Amérique est entrée en guerre contre le terrorisme. Mais cette guerre unilatérale, sans alliés, sans stratégie politique, et qui ne s'appuie que sur une illusoire supériorité technologique est déjà en échec en Irak, compromise en Afghanistan, de plus en plus critiquée à l'intérieur même des Etats-Unis. Elle attise aussi la haine antiaméricaine et éloigne les alliés. Au sortir de l'Irak, elle risque de fabriquer une Amérique du repli, que son “internationalisme botté” isolera encore plus des autres nations démocratiques. »
Du Figaro du 9 août : « Enfin, le troisième facteur dominant est que paradoxalement, malgré leur immense puissance économique et militaire, malgré leur apparent activisme diplomatique, les États-Unis sont désormais marginalisés au Proche-Orient, voire hors jeu. Le fait que Madame Rice ne peut même plus se rendre à Beyrouth en dit long sur le niveau atteint par la haine anti-américaine dans le monde arabe. Quant à l'initiative caressée par Washington d'envoyer ses supplétifs européens sous la bannière de l'OTAN désarmer le Hezbollah à la suite de l'armée israélienne et alors même que l'Amérique elle-même annonçait d'entrée de jeu qu'elle n'enverrait aucune troupe, elle en dit long là aussi sur la confusion des esprits qui règne à Washington. Le fait que cette idée ait fait long feu en quelques heures montre à quel point le leadership américain sur l'Otan est en miettes. Décidément l'Amérique paye cher son échec en Irak. Elle le paye d'autant plus cher que l'Iran a pu ainsi émerger face à elle comme le grand challenger du “remodelage du nouveau Moyen-Orient”... version islamiste cette fois. »
A défaut de boussole pour les jeunes âmes perdues, nous dirions que le député est un bon baromètre, pour nombre de raisons. Son attaque implicite jusqu’à être explicite contre l’impotence US et les erreurs israéliennes a une grande signification. On pourrait par exemple avancer l’hypothèse qu’on commence vraiment, ici et là, sur telle rive de l’Atlantique et sur telle autre, à en avoir plus qu’assez des inconséquences washingtoniennes et bushistes.
Si cela ne change pas grand’chose au fond du problème (les bushistes et les inconséquences washingtoniennes), cela le rend d’autant plus intéressant à observer.
Mis en ligne le 10 août 2006 à 15H05