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29 janvier 2005 — La saison qui s’ouvre, avec le deuxième mandat de GW, sera dure aux partisans du marché transatlantique, notamment et particulièrement le marché fondamental de la coopération et du transfert technologiques. Non seulement la situation est très mauvaise mais elle va empirer. Dans les milieux européens et transatlantiques, on se gardera bien de la décrire comme désespérée, — ce qui est le cas, grosso modo, — car nous ne supportons pas l’évidence des situations historiques.
La situation très mauvaise est aujourd’hui évoquée sans ambages du côté des industriels et de quelques officiels, comme on l’a déjà vu sur ce site. Elle devrait empirer, comme nous le suggère l’affaire de la vente de la division ordinateurs individuels (PC) de IBM à une compagnie chinoise. (Cette vente porte sur un montant de $1.75 milliards, soit €1.35 milliards. Elle a été conclue en décembre 2004 et a été présentée à la fin de ce mois pour obtenir l’autorisation officielle du Congrès.)
Cette vente a attiré l’intérêt de parlementaires américains d’influence, des membres de la Chambre qui jouent un rôle central dans les questions de transfert de technologies. Il s’agit de Duncan Hunter, de California, et de Henry Hyde et Don Manzullo, de l’Illinois. Hunter et Hyde, notamment, forment une paire redoutable pour cette question de la surveillance du transfert de technologies. Hunter préside le House Armed Services Committee. Hyde le International Relations Committee (Manzullo, un compère rameuté pour l’occasion, préside le House Small Business Committee).
(On connaît Duncan Hunter sur ce site, notamment pour son action sur la question du transfert des technologies avec l’Europe (l’UE). On a aussi envisagé son action dans le cadre plus large du marché transatlantique en général.)
Les trois parlementaires ont demandé que le Committee on Foreign Investment in the United States examine le cas. (Il s’agit d’une commission qui se réunit en secret et comprend des représentants des départements du trésor, de la justice, de la défense et du commerce.) Pour Hunter-Hyde-Manzullo, cette vente de la division d’IBM à Lenovo Group Ltd « may result in certain U.S. government contracts with or involving personal computers being fulfilled or participated in by the Chinese government ». La commission devait examiner le cas hier pour répondre aux trois parlementaires et décider si elle effectue ou pas son enquête.
Un commentaire sur cette affaire de Harris Miller, président de l’Information Technology Association of America, association professionnelle qui a suivi la transaction et l’a favorisée: « Laughable… They're really chasing a rabbit down a hole if they're launching a prolonged investigation. » Miller explique que la préoccupation de sécurité nationale est complètement déplacée, ne serait-ce que dans la mesure où les composants d’ordinateurs IBM et les ordinateurs IBM sont largement fabriqués hors des USA, et particulièrement en Chine. Une source proche des commissions de la Chambre impliquées: « Some committee members have questioned whether the sale could affect purchases of IBM computers by U.S. government agencies or whether it could encourage industrial espionage in North Carolina, where IBM and dozens of other technology firms conduct research. »
Cette affaire est prise ici comme exemplaire et symbolique, même si sa signification elle-même peut être jugée comme limitée et son importance propre assez mineure. (Le prestige du sigle IBM joue évidemment son rôle, il a sa valeur symbolique qui implique certainement un poids politique.) Elle doit être considérée en fonction des circonstances politiques, notamment le début du deuxième mandat de GW Bush et la spéculation générale sur ce que seront les relations des USA avec le reste du monde, particulièrement les centre de puissance perçus comme concurrents (c’est le cas de la Chine). Chacun, chaque centre d’influence à Washington prend garde à déterminer ses positions dans cette situation.
Il y a un activisme nouveau du Congrès après le coup de massue de l’attaque du 11 septembre qui a vu les parlementaires obligés de s’aligner sur toutes les consignes de la Maison-Blanche. Cet activisme est apparue fin 2003 et en 2004 et se développe effectivement dans des domaines comme le contrôle du transfert des technologies et des armements, où de nouvelles attitudes ultra-nationalistes et protectionnistes peuvent se développer et affirmer un statut politique qui est en général très populaire même si certains le jugent démagogique. Cela est d’autant plus faisable que la politique de l’administration dans ce domaine est plutôt incertaine, tantôt très protectionniste, tantôt tentée par l’internationalisme.
Cet activisme du Congrès n’a pas à être coordonné avec une politique générale américaine, elle représente aussi bien une volonté d’affirmation de la branche législative, et une volonté de regagner du terrain perdu en fait d’influence depuis le 11 septembre. C’est une politique de franc-tireur, là où le Congrès excelle lorsque certaines personnalités parviennent à s’affirmer. Plus que jamais, Duncan Hunter tient un rôle central dans une partie où les étiquettes (républicains, démocrates, conservateurs, libéraux) n’ont que très peu d’importance ; lui qui a fait sa spécialité de cette activité de “sentinelle” protectrice de la technologie américaine, devient de plus en plus l’homme-clé pour toute question de transfert de technologies et d’armement. Ce n’est pas de tout repos.