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1045Alors que le nombre de journalistes et collaborateurs du projet Greenwald-Omidyar (connu sous le nom temporaire et générique de NewCo) ne cesse de grandir, il s’avère de plus en plus évident que les ambitions de ce projet sont considérables, sinon révolutionnaires. On en a une idée avec une réflexion du dernier rallié au groupe, Jay Rosen, professeur de journalisme à l’université de New York et éditeur du site PressThink. Rosen, qui a beaucoup écrit et édité, est d’abord un spécialiste de la technique et disons de la philosophie du journalisme ; s’il rejoint le groupe Greenwald-Omidyar et NewCo, c’est certes selon une orientation antiSystème évidente mais aussi et surtout comme conseiller pour la manufacture d’un nouveau type de média, voire la recherche d’une nouvelle sorte de journalisme.
Le texte du 17 novembre 2013 de Jay Rosen sur son site est très intéressant. L’auteur l’introduit de cette façon : «Because it doesn’t exist yet, NewCo could take many forms. Only a handful of those possible paths will lead to a strong and sustainable company that meets a public need. Figuring that out is a hard problem, to which I am deeply attracted. So I signed up to be part of the launch team. This post explains why I made that decision and what I hope to contribute...» Ces remarques introductives montrent bien que Rosen perçoit NewCo comme autre chose qu’un média de plus, fût-il doté d’une somptueuse dot de $250 millions. Il s’en explique donc dans son développement, où il met bien en évidence que cette ambition de faire quelque chose de différent et de nouveau est aussi dans l’esprit d’Omidyar, et évidemment de Greenwald, – d’où cette question que pose Rosen et qui devient, en un sens, la devise de l’entreprise «Is Glenn Greenwald the Future of News?»
«Omidyar believes that if independent, ferocious, investigative journalism isn’t brought to the attention of general audiences it can never have the effect that actually creates a check on power. Therefore the new entity — they have a name but they’re not releasing it, so I will just call it NewCo — will have to serve the interest of all kinds of news consumers. It cannot be a niche product. It will have to cover sports, business, entertainment, technology: everything that users demand.
»At the core of Newco will be a different plan for how to build a large news organization. It resembles what I called in an earlier post “the personal franchise model” in news. You start with individual journalists who have their own reputations, deep subject matter expertise, clear points of view, an independent and outsider spirit, a dedicated online following, and their own way of working. The idea is to attract these people to NewCo, or find young journalists capable of working in this way, and then support them well.
»“Support” means a powerful publishing platform that talented journalists can bend to their will. It means an up-to-date technology company resting inside the news company. It means editors to save writers from their errors, and maintain high standards. It means first class security and encryption for reporting on sensitive stories. A legal team for when trouble calls. Training and development for young journalists who are learning the NewCo style. Ownership that has pledged to invest it all in the journalism if and when revenues exceed expenses.
»“Support” also means: “when you have a big story we bring a large audience to it.” Perhaps the most challenging part of the plan is this: Not a niche product. Has to serve a more general market for news. “And how are they going to do that?…” is the one question I got more than any other in talking to people after my first post on Omidyar’s plan. Runner-up: what’s going to make this different from other ways to get news online? Those are good questions. So good that when Dan Froomkin and Glenn Greenwald called to ask me if I wanted to help create NewCo, I had to listen.
»I also had to ask myself: what could I contribute? I don’t have credentials as an editor or a reporter and I have never started a business. Instead, I’ve been watching journalism evolve with the web since 2003. I’ve been trying to explain what makes it different in the digital era, paying close attention to problems of trust, shifts in authority and the pro-am or participatory forms that have slowly emerged since the rise of blogging around 2000. To put it another way, I have been all over this discussion: “Is Glenn Greenwald the Future of News?” I’ve also been advising media companies on adapting to the web and teaching young journalists — my graduate students at NYU — how to contribute to innovation in their craft.
»Nobody has titles at NewCo yet. The agreement I have with Pierre Omidyar is that I will advise on building the company and participate in planning discussions as NewCo takes shape. One voice at the table, in other words. I will also explain its approach to journalism in written pieces that resemble my essays for PressThink. I am especially interested in the civic engagement and user participation puzzle, which is one part of …And how are they going to do that
»Also important: building a learning culture within the organization. (NewCo has to be its own J-school or it cannot succeed.) The contract I signed — yes, I am getting paid — is part time for the remainder of 2013. By luck I am on leave from NYU for the spring 2014 term. After the new year I can devote much more time to this venture, which I intend to do.
»NYU, where I have made my home since 1986, is a research university. The purpose of that institution is to produce new knowledge. For me and the things I write and care about, NewCo is the most exciting project in journalism today. To be involved from the beginning in the birth of a company based on these ideas is the best test of my learning that I could devise. And I’m sure it will produce new knowledge, which I will share.»
Rien n’apparaît précisément du projet NewCo (Greenwald-Omidyar) dans ce texte de Rosen parce que rien de précis n’est encore réalisé. Cela ne signifie pas que les choses vont traîner ni qu’elles traînent, mais, d’une façon complètement différente, que l’ambition de NewCo s’avère considérable. (Du point de vue de la réalisation, effectivement, l’outil que serait NewCo peut être très rapidement réalisé et opérationnalisé une fois sa formule trouvée, le domaine de la communication et de l’information, et des nouveaux médias permettant une telle souplesse.) Lorsque nous parlons d’“ambition”, nous ne parlons certainement pas d’une ambition commerciale, voire capitaliste dans le chef du milliardaire Omidyar, mais d’une ambition conceptuelle dont on peut deviner qu’elle est révolutionnaire. Nous-mêmes n’avons pas caché (voir le 17 octobre 2013 et le 14 novembre 2013) combien nous estimons que cette occurrence de la rencontre Greenwald-Omidyar constitue un événement aux potentialités considérables pour le système de la communication, lui-même dans toute la possibilité de l’opérationnalisation de ses tendances antiSystème d’ores et déjà affirmées. Pour une fois, un chiffre considérable d’argent (les $250 millions d’Omidyar) a une réelle signification ontologique, et une potentialité vertueuse évidente, – évidemment et nécessairement, et obligatoirement antiSystème. Cela nous change dramatiquement de toute la quincaillerie des $milliards et $trillions dont le Système nous accable et se rengorge en faisant tourner ses rotatives de fabrication de billets et les illusions des narrative qui vont avec ; cela ne représentant, outre leur poids en papier, qu’une entreprise mécanique d’abaissement, de subversion et d'un nihilisme totalement infécond.
Il est manifeste que la saga Greenwald-Snowden et son fabuleux rapport poids-efficacité, – deux individus travaillant de concert avec leur machinerie informatique, et mettant le Système cul par-dessus tête dans un embourbement qui ne cesse de grandir, – ont fait jaillir la question de l’avenir, non seulement du journalisme, non seulement des “News”, mais du système de la communication. C’est évidemment ce qui est à l’esprit d’un Rosen, lorsqu’il nous donne les explications du professeur de journalisme habillé pour cette occurrence du titre de professeur de “recherche pour un nouveau journalisme”. Greenwald-Omidyar, Snowden, Rosen et les autres se trouvent devant la perspective de la possibilité d’un bouleversement ontologique. Ils sentent qu’ils ont en main les éléments d’une formule qui peut véritablement porter un coup décisif et fatal au Système ; ils sentent qu’ils ont en main les éléments d’une formule qui, plus précisément, peut faire s’effondrer tout l’aspect traditionnel, la dimension pro-Système du système de la communication, l’influence de la presse-Système, la communication-Système des directions politiques, etc., au profit de sa dimension antiSystème avérée. C’est la réalisation et l’exploitation de cet “aspect Janus” du système de la communication, que nous présentions encore dans notre Glossaire.dde du 14 décembre 2012 :
«Le système de la communication est plus puissant qu’il n’a jamais été, grâce à l’apport massif de nouveaux moyens et de nouvelles possibilités d’arrangement du matériel diversité/complexité. Il a démontré dans son histoire son savoir-faire, son extraordinaire capacité à donner le “crédit de la vérité” à l’univers dont il pénètre ceux qu’ils touchent, en faisant en sorte que tout se passe comme si ces “élus” y pénétraient à leur façon et en toute liberté. Mais cet univers est changeant, selon les circonstances et la puissance des sources qui alimentent ce système, c’est-à-dire que le système ne détermine des univers qu’en fonction des impulsions qu’il reçoit, sans se soucier du sens des choses. Ainsi le système de la communication est-il par-delà le Bien et le Mal, notamment par rapport à l’échelle de valeurs du Système dont il devrait être pourtant la créature ; il se révèle, au bout du compte, pour le Système, trompeur et déloyal dans des occasions importantes (tout en restant nécessaire au Système).»
Il est manifeste que l’affaire NewCo pourrait s’avérer une de ces “occasions importantes” où le système de la communication se retourne complètement contre le Système et lui porte des coups furieux. Il est manifeste que Greenwald-Omidyar, Rosen & compagnie sont en train de chercher quelle forme et quelle dynamique donner à l’instrument qu’ils sont en train de forger, pour que le coup furieux le soit encore plus. Pour quelle raison ?, demanderont avec inquiétude et scepticisme ceux qui jugent que la possession d’argent ou la disposition de la notoriété suffit à faire d’une intention antiSystème originelle la probabilité d’une trahison d’elle-même. Nous répondrons évidemment par l’évidence : parce que l’attaque du Système est devenue, aujourd’hui, une dynamique d’obligation intellectuelle et même d’enrichissement (au sens intellectuel) de soi-même qui exerce de plus en plus une attraction irrésistible sur l’un ou l’autre. La bassesse du Système, sa bêtise, les effets catastrophiques qu’il engendre pour le profit de rien ni de personne (nous n’appelons pas des tonnes de $milliards en papier imprimé “du profit” au sens vrai du mot), tout cela finit par peser sur les esprits, même de la sorte qu’on jugerait la plus inexpugnable parce qu’il s'agirait de celui d’une personne fortunée (celui d’Omidyar), – jugement d’ailleurs un peu court, qui accorde bien trop d’importance et de profondeur à l’influence de l’argent et de la comptabilité. Il devient de plus en plus intellectuellement excitant, – en même temps qu’angoissant bien sûr, mais l’angoisse nous l’avons depuis longtemps, – d’attaquer le Système dans sa massive et surpuissante vacuité, surtout lorsqu’il s’avère que cette attaque peut être conduite avec une extraordinaire efficacité et même qu’on peut retourner contre lui (le Système) les outils de sa masse et de sa surpuissance. (“Faire aïkido”.) «NewCo is the most exciting project in journalism today», écrit justement Rosen : le mot “excitation” est bien présent, tout comme la justesse du jugement avec ses nécessaires implications. Ces gens cherchent à mettre au point une machine antiSystème, dans un domaine où une machine bien au point pour délivrer des coups d’une puissance équivalente à une arme thermonucléaire dans la guerre moderne. Le “Greenwald’s band”, avec son rythme, est passionnant à suivre.
Mis en ligne le 19 novembre 2013 à 09H16
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