Les Américains croient-ils à la menace iranienne? Et les Russes croient-ils que les Américains croient…?

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Les points confus, obscurs ou incontrôlables ne manquent pas dans la crise de la BMDE. Un éditorialiste de Novosti en offre un de plus, dans un texte publié le 24 octobre (texte repris par UPI, puis par Spacewar.com).

Il s’agit d’une appréciation optimiste de la situation. Pyotr Goncharov estime qu’un arrangement est possible entre Russes et Américains sur la question de la BMDE. Nous ne discutons pas directement ce jugement implicite mais nous le mettons en question par le biais de la méthodologie qu'il utilise.

Nous citons plutôt ce passage, où Goncharov parle de la proposition présentée à l’OTAN par le secrétaire d’Etat adjoint aux affaires européennes Freid, et répercutée ensuite par l’International Herald Tribune

«The proposal voiced by Fried is a win-win initiative. Whether Moscow accepts it or not, Washington has again confirmed that its ABM system in Europe is geared exclusively toward Iran, thus gaining an additional argument in dialogue with Moscow.

»There is one more interesting side to the Iranian problem, which has appeared only recently.

»Russian, American and European experts currently tend to think that the Iranian problem can be solved without going to extremes, such as harsh sanctions, let alone the use of armed force, but by ensuring cooperation between Russia and the United States.

»The two countries should form a common attitude to the problem, with Russia assigned the main role, similar to China's role in the North Korean quandary.

»In other words, the U.S. initiative put forth by Fried is a trial balloon aired to test Moscow's readiness for cooperation with Washington.

»Will the Kremlin accept this proposal, which has not been made official yet?

»Russian Foreign Minister Sergei Lavrov said with regard to the recent consultations between the Russian and American defense and foreign ministers that Washington “often links the issue of the European ABM system to the solution of the Iranian nuclear problem.” This may mean that the system has indeed been “designed to repel the Iranian threat,” he said.

Cette analyse semblerait avancer l’idée que les Russes semblent découvrir chez les Américains une réelle conviction qu’il existe une menace iranienne. Ce constat signifierait alors qu’il n’y a pas, ou qu’il y a moins de duplicité du côté US que les Russes ont sans doute cru initialement (duplicité dans le sens où la menace iranienne n’aurait été qu’un prétexte pour déployer un système en fait destiné à contrer les capacités russes). Cette évolution russe, si elle se confirme, signifierait que les Russes font la part belle dans cette affaire à la psychologie, et surtout à la psychologie américaniste. Ils ont raison car c’est bien le cas: la psychologie américaniste est omniprésente comme clef d’explication.

Il nous apparaît assuré que les experts du Pentagone et leurs chefs croient à la menace iranienne comme ils ont cru aux armes de destruction massive de Saddam; c’est le cas classique de groupthink, que rien ne résout, qui refuse l’expérience et qui ne fait que s’amplifier à mesure des déboires parce qu’il s’agit aussi de virtualisme (ce qui implique que ceux-là même qui émettent les analyses faussaires croient fondamentalement à ces analyses, – cas de la “menace” iranienne). Mais on ne voit pas qu’il y ait là matière à optimisme, notamment selon le raisonnement implicitement évoqué par Goncharov. (Ce raisonnement implicite est de penser: puisqu’il n’y a pas duplicité, puisque les US y croient, c’est que la bonne foi est là; par conséquent, il sera facile de convaincre les USA de leur erreur concernant la capacité en missiles de l’Iran; dans tous les cas, puisque la bonne foi est supposée présente des deux côtés, il sera facile de s’entendre.) Au contraire, la situation psychologique US dans ce cas est celle de l’enfermement, et la bonne foi ne fait que verrouiller cette situation; elle refuse évidemment tout apport extérieur qui serait une intrusion de la réalité dans son système de pensée virtualiste. Avec la même bonne foi, si le désaccord d’évaluation avec les Russes persiste, et il persistera et grandira, la bureaucratie pentagonesque en viendra à juger que la Russie est aussi une menace dans cette affaire, qu’il faut prendre des mesures contre elle, et que la BMDE fait l’affaire.


Mis en ligne le 26 octobre 2007 à