Les Anglais révisent-ils leur copie ?

Dans l’article du quotidien londonien Daily Telegraph en date du 19 avril, que nous donnions en référence de notre Bloc Notes du 20 avril, on trouve deux membres de phrase, anodins à la première lecture, situant le cadre dans lequel le rapport dont il est question dans l’article fut réalisé. Voici les deux membres de phrase situés à une certaine distance l’un de l’autre et que nous rapprochons intentionnellement: le Brigadier Général Sharpe « wrote the comments in a paper on Britain's influence on US foreign relations… […His paper was] written during a year-long course with other leading military figures from around the world, run by the Royal College of Defence Studies. »

Autrement dit: le Royal College of Defence Studies est engagé dans une étude massive, avec contributions du maximum d’officiers britanniques, sur le thème “les militaires britanniques travaillant avec les Américains influencent-ils la politique américaine?” Il faut se rappeler qu’il s’agit là, — la capacité britannique d’influencer la politique US, — de ce qui est devenu l’argument principal pour poursuivre la politique de coopération quasiment unilatérale des Britanniques, sans guère d’avantage concret en retour, avec les Américains.

Il s’agit d’un signe précis d’une grande entreprise de réévaluation stratégique en cours au Royaume-Uni sur l’avantage ou non de poursuivre la politique de coopération avec les USA. Un autre aspect de cette démarche, c’est bien sûr l’attitude britannique dans le programme JSF, depuis l’automne dernier. Les Britanniques veulent absolument obtenir des concessions des Américains pour rester dans le programme. Le résultat de leurs efforts aura un effet également plus important : il contribuera à ce grand travail d’évaluation sur l’intérêt de poursuivre leur stratégie d’engagement pro-américain.

Un travail similaire est engagé du côté de la force de frappe nucléaire britannique, pour le remplacement des SLBM Trident (d’origine US et sous contrôle US). Qu’est-ce que proposent les Américains ? Sont-ils disposés à donner une certaine autonomie aux Britanniques ? Existe-il des solutions alternatives à la coopération-allégeance avec les Américains ? (Sur ce dernier point, des contacts ont été pris avec d’autres pays.)

On se rappelle que, lors de son audition devant la Commission des forces armées du Sénat US sur le JSF, Lord Drayson avait évoqué des possibilités de révision britannique sur cette question, par rapport à la politique d’alignement sur les USA : « Au-dessus, ou à côté de cet imbroglio, la voix de Lord Drayson, osant des avertissements sérieux, au-delà du JSF : “The row, said Lord Drayson, could affect future co-operation on military deals such as a replacement of Trident as Britain’s independent nuclear deterrent.” »

On comprend bien entendu le potentiel révolutionnaire d’une telle (ré)évaluation de l’axe central de la stratégie britannique, — essentiellement, en cas de constat général négatif, ce qui est probable.

Mis en ligne le 23 avril 2006 à 13H49