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953L’ironie du calendrier rejoint peut-être les réalités cachées. Le pays aujourd’hui le plus inquiet du référendum en France et de la forte position du “non” est celui qui, de réputation, est le moins “européen” : le Royaume-Uni. On a déjà eu des échos de cette inquiétude, qui sont confirmés hier par des déclarations du secrétaire au Foreign Office Jack Straw. Une déclaration dont la sobriété dissimule à peine l’inquiétude, et qui intervient alors que les opposants britanniques à la Constitution lancent une campagne dans un référendum britannique dont nul ne sait quand il aura lieu (autour de septembre 2006, date généralement avancée, — ce qui promet une campagne d’une longueur inusitée), ni même s’il aura lieu…
Commentaire de BBC.News ce matin: « Jack Straw has said there will be a “problem” if France votes to reject the EU constitution — but he insisted the UK will still hold its own referendum. The foreign secretary insisted a French “no” vote later this month would not automatically kill off the treaty. His comments came as opponents launched their campaign against the constitution, saying it would hand too much power to Brussels. »
Les Britanniques ont deux raisons d’être préoccupés: ils assurent la présidence de l’UE du 1er juillet au 31 décembre, ce qui les place dans une position très délicate en cas de “non” français; et il y a la perspective de leur propre référendum, déjà très difficile en temps normal et qui pourrait devenir un énorme et permanent sujet de controverse pendant des mois. (Faut-il toujours envisager un référendum si la France votre “non”? N’est-ce pas alimenter une polémique sans raison, puisque la Constitution serait quasiment mort-née? A l’inverse, ne pas tenir bon pour le référendum, n’est-ce pas pour Blair et les pro-européens abandonner une tentative de rapprocher décisivement le Royaume-Uni du cœur des institutions européennes? Etc.)
La présidence britannique sera marquée par cette préoccupation centrale de la question européenne au Royaume-Uni à la lumière du vote français, avec un gouvernement pourtant très affaibli. La vigueur des réactions britanniques à la situation française peut être mesurée par l’article du correspondant du Guardian à Paris, Jon Henley, qui fait un réquisitoire passionné contre le “non” français, quasiment assimilé à une sorte de pathologie, et une apologie de l’Europe à venir, effectivement devenue une sorte de Royaume-Uni au niveau continental (ce qui permet à Henley de faire une apologie du système britannique). L’argument va même jusqu’à la divination puisque les avantages actuels du système français sont reconnus pour annoncer qu’ils n’existeront plus demain dans ce pays moyenâgeux (« Yes, today I would rather be treated in a French hospital than a British one — but in five years' time, I'm not so sure. ») En bon Britannique traditionnel et chaleureusement anti-français, Henley termine son article par un sempiternel: « Quel magnifique pays, quand même » (parlant de la France et en français dans le texte). (Ce qui nous amène au lieu commun si souvent visité: “Ah, que la France serait grande et belle sans les Français!”)
Pour avoir une idée de la confusion du débat (au Royaume-Uni comme ailleurs), on lira avec intérêt le courrier des lecteurs de BBCNews, qui sont invités à donner leur avis sur la question. Pour nombre de Britanniques, la Constitution menace de pérenniser une Europe sous le strict contrôle de la France et de l’Allemagne. La Constitution est une voie étrange pour établir la compréhension, avant l’union, entre les Européens.
Mis en ligne le 20 mai 2005 à 06H30