Les arrière-pensées de BAE, — de Airbus à Boeing?

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Les rumeurs de l’intérêt de BAE de vendre sa participation (20%) à Airbus datent d’il y a quelques mois. Elles se sont précisées ces dernières semaines. Elles alimentent des spéculations précises sur l’évolution du groupe britannique, — qui l’est de moins en moins, britannique.

Des sources officielles européennes nous ont ainsi donné des précisions sur des hypothèses concernant les projets de BAE, selon leurs évaluations et, sans doute, certaines informations dont elles disposent. Pour ces sources, BAE tient d’abord à réaliser des avoirs importants alors que les actions EADS sont très hautes, tandis que les bénéfices du consortium Airbus sont beaucoup moins attractifs. Il y a aussi une explication politique, beaucoup plus intéressante parce qu’elle introduit et renforce l’hypothèse : « BAE veut se sortir d’un engagement dans Airbus, qui est aujourd’hui extrêmement mal vu Washington, à l’heure de l’affrontement Airbus-Boeing, ou Mandelson-Zoellick si vous voulez. »

A ce point de l’hypothèse, quels pourraient être les projets de BAE? Disposant d’un cash-flow important, « BAE pourrait être tenté par un investissement important, voir le “big bang” derrière lequel le groupe britannique court depuis quelques années, c’est sans doute même le fondement de cette hypothèse stratégique ». A ce point, on doit noter la disparition, dans un ridicule scandale sexuel, de Harry Stonecipher, l’homme qui, chez Boeing, autant comme vice-président venu de McDonnell Douglas que comme président, avait toujours repoussé avec mépris et fracas toute idée d’association avec BAE.

En additionnant ses activités à celles de Boeing (ou d’un autre partenaire pourvu que l’opération soit financièrement prometteuse), BAE aurait réalisé son American Dream: concurrencer victorieusement Lockheed Martin pour devenir le premier fournisseur du Pentagone. Bien évidemment, la nationalité de BAE ne serait qu’un souvenir et il faudrait envisager que le groupe ex-britannique, réalisant cette opération, modifie son nom en se débarrassant d’un “B” embarrassant. Le véritable spectre de l’association anglaise, via Airbus, à une lutte très dure contre le gouvernement américain et les milieux industriels serait ainsi oublié.

Et le gouvernement britannique justement ? Pour l’instant, il songe aux élections, ce qui d’ailleurs laisse les mains libres à BAE. L’équipe Blair affecte de n’être pas préoccupée par les rumeurs de la volonté de BAE de sortir d’Airbus. La vérité est qu’une telle évolution, avec l’hypothèse suggérée, serait un embarras stratégique et politique majeur pour le gouvernement. Sa stratégie du “pont transatlantique” s’effondrerait: BAE ne deviendrait pas une firme transatlantique mais une firme américaine et les Britanniques perdraient définitivement l’essentiel de leur base technologique dans le domaine aérospatial et de l’armement. Et, d’autre part, ce point cardinal : les Britanniques pourraient-ils poursuivre leurs programmes de “coopération” sur les armements (on pense aussitôt au JSF) sans risquer de tomber régulièrement sous le coup de menace de représailles comme de vulgaires Européens? Autre interrogation, plus générale : qui sait si Washington ne s’aviserait par un jour que même l’exportation de l’Airbus dernière génération ne vaudrait pas l’imposition d’un nouvel embargo contre les Européens?


Mis en ligne le 15 avril 2005 à 12H25