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518519 décembre 2022 (08H45) – Il est vrai que, sur le chemin de la composition du texte de ce 18 décembre (« Ésotérismes de l’Apocalypse ») est venue cette idée d’introduire le concept d’“ésotérisme” comme clef d’exposition et d’interprétation des événements. Je n’y ai pas prêté attention d’abord car la chose s’est imposée d’elle-même, sans explication, comme venue du dehors (c’est le truc du ‘logocrate’ : voyez cela dans « Ma “vérité-de-situation” » et ceci de George Steiner :
« “Le point de vue ‘logocratique’ est beaucoup plus rare et presque par définition, ésotérique. Il radicalise le postulat de la source divine, du mystère de l’incipit, dans le langage de l’homme. Il part de l’affirmation selon laquelle le logos précède l’homme, que ‘l’usage’ qu’il fait de ses pouvoirs numineux est toujours, dans une certaine mesure, une usurpation. Dans cette optique, l’homme n’est pas le maître de la parole, mais son serviteur. Il n’est pas propriétaire de la ‘maison du langage” (die Behausung der Sprache), mais un hôte mal à l’aise, voire un intrus”… ») ;
... mais y réfléchissant et prenant conscience du phénomène, il me semble que l’on touche alors avec cet emploi de l’ésotérisme à une sacrée découverte et une découverte sacrée, comme seule notre époque si cruelle et trompeuse des temps-devenus-fous est capable de nous ménager.
Cette introduction du “concept d’“‘ésotérisme’” (quelle drôle d’expression pour un si grand mystère) signifie que l’on peut désormais considérer que la perception de la réalité, – on dit aussi, si l’on veut, “vérité-de-situation” (VdS, pour faire court), – lorsqu’elle est juste et pouvant être considérée effectivement comme VdS, devient un « enseignement secret réservé à des initiés »... C’est ce qu’on sous-entendait sans vraiment le réaliser dès le début du texte :
« ‘Ukrisis’ nous conduit évidemment, au terme de son paroxysme permanent, à l’affrontement entre les USA et la Russie. L’affrontement est essentiellement le fait des USA qui entretiennent des intentions extrêmement agressives à l’encontre la Russie. C’est au travers de ce prisme qu’il importe de considérer la guerre en Ukraine, mais en ne craignant certainement pas les interprétations originales, – c’est-à-dire “ésotériques” (selon une référence élargie à ce qu’on définirait comme l’“ensemble des enseignements secrets réservés à des initiés” que l’on peut tirer de telle matière ou de tel événement). »
Il faut prendre conscience, et des circonstances qui nous obligent, et de la situation dans laquelle elles nous plongent. Décomptez ces facteurs et mesurez leur importance : la puissance du système de la communication est si grande, l’usage du mensonge et de la narrative est si générale, la construction des simulacres est si répandue (on dirait bien volontiers “les bâtisseurs de simulacres” comme l’on parlait des “bâtisseurs de cathédrales”, n’est-ce pas ?)... Tout cela est d’une telle importance qu’on peut affirmer que la perception de la réalité, cette précieuse VdS d’un instant, est aussi rare qu’un diamant roulé dans un torrent de lave brûlante et grondante du feu du plus terrible volcan du monde ou qu’une pépite d’or perdue dans le fond torturé et mille fois roulé d’un torrent tumultueux et furieux jaillie des neiges glacées des plus hautes cimes.
L’on comprend alors que tout s’éclaire : la réalité, la VdS est un “précieux” réservé aux seuls initiés. Aujourd’hui, on est “chercheur de VdS” comme hier, on était chercheur d’or. Et ne croyez pas, s’il vous plaît, que je fais des catégories et des étiquettes ! Je crois que le Système, qui est ainsi producteur de fabrications faussaires jaillies du “déchaînement de la Matière”, ne désigne pas le seul coupable dans le chef de celui qu’il soumet à sa loi, ni le seul vertueux innocent sous la bannière de celui qui le dénonce. Je veux dire par là que nombre, oh grand nombre de ceux que l’on classerait de mon parti, que je pourrais moi-même classer “de mon parti”, – même si je commence à avoir de l’expérience dans la méfiance des alliances qui vous semblent naturelles, – profèrent de considérables sottises et tombent aisément dans des pièges à ciel ouvert.
(J’irais même jusqu’à dire, on le sait, qu’on trouve parfois, chez un crétin d’en face, un sot qui applaudit au Système, qu’on l’entend proférer ce qu’il prend pour une injure ou une menace et qui s’avère être une de ces précieuses VdS.)
L’agitation est si grande aujourd’hui, le grésillement des technologies, la rapidité des communications, l’affaiblissement de la mémoire, l’étouffement de la perception par les images, une sorte de “culture de l’inculture” généralisée, à la fois une accélération du temps de percevoir et une compression de l’espace dévolu à la perception. Il en résulte ce sentiment de plus en plus présent chez moi d’événements de plus en plus puissants qui nous concernent directement, en train de se faire sans nous, indifférents à nos tracas et à notre sensibilité farcie de “valeurs”, comme s’ils étaient dirigés d’ailleurs et d’au-dessus de nous, et notre rôle réduit à enquêter sur ces événements pour tenter de les comprendre... D’ailleurs, est-ce bien un rôle “réduit à” ? Ne nous leurrions-nous pas, dans l’inconscience de notre arrogance et de notre hybris, lorsque nous croyions déterminer les événements, puis dominer leurs cours jusqu’à en faire nos choses ?
Bien entendu ! On reconnaît là une de mes tendances les plus récurrentes, résilientes, aussi dure que du granit qui se serait fait marbre de Carrare. On comprend également les difficultés de la perception, et les fissures horribles qui s’ouvrent pour permettre aux entreprises les plus funestes de tracer leur chemin. Mais ces terribles épreuves ne sont qu’un retour au “réel”, dont nous étions privés depuis si longtemps. Ce retour se fait dans d’atroces difficultés, alors que le Système, déchaîné comme sa Matière originelle, fait feu de tout bois pour répandre ses mensonges rassemblés en simulacres, clamés sans la moindre pudeur, comme les cris du naufragé qui se noie, surpuissance et autodestruction enfin rassemblés dans un fatal amalgame
Alors, l’on comprend évidemment qu’il s’agit d’ésotérisme et d’initiation. Les constructions déconstructrices de la modernité ont acquis une telle puissance et jouissent d’une telle abondance que parvenir à identifier la réalité, distinguer quelque chose d’une VdS, relèvent d’une exceptionnelle endurance et d’un discernement fortement charpenté d’intuition. C’est une véritable initiation que de “recouvrer la réalité” comme l’on “recouvre la liberté”, mais cette initiation est fondée sur une référence fondamentale, la seule “vérité” inaliénable, – la connaissance assurée de l’Ennemi, du transmetteur des influences du Malin. Nous savons désormais contre qui nous nous battons et pourquoi. Si ce n’est une initiation, alors le mot n’est qu’une tromperie de plus.
Ainsi, aux “bâtisseurs de simulacre”, j’oppose les “bâtisseurs de la vérité [VdS]” ; les premiers exposent les schémas diaboliques, les seconds retrouvent la voie de l’harmonie, de l’équilibre et de l’ordre que donne le rétablissement d’une relation avec la réalité du monde.
Là-dessus et sur ces belles paroles, l’on me dirait : “Et vous, là, qui parlez tant et écrivez encore plus, dites-nous donc ce qu’est une VdS, votre VdS, pour que nous sachions sur quelle voie l’on se dirige ? Vous qui vous prétendez initié, dites-nous comment vous identifiez quelque don de votre initiation que vous recueillez par instant ?” Ce sont des questions difficiles, sans réponses assurées, et qui me déconcertent et font naître le doute avant que je ne me reprenne. Je ne peux que donner quelque constat de mon expérience, qui concerne mon travail qui fait l’essence même de ma vie, sur des sujets dont on connaît l’actualité immédiate et brûlante et de laquelle il faut sortir des vérités éternelles.
Ce que je sais, c’est que parfois, lorsque je viens à bout d’un texte dont je devinais qu’il pouvait être fait et qu’il y avait peut-être en lui quelque chose qui vaudrait son pesant d’or, mais que j’ignorais comment l’écrire ; puis m’y mettant, presque en aveugle, l’écrivant, parfois d’un trait, mais sans aucune certitude, parfois sans y rien comprendre, jusqu’à son terme ; puis l’écartant, un moment, plus ou moins long, n’en sachant rien du résultat, ni de la catastrophe chaotique qu’il constituerait peut-être, ni de la quasi-perfection de la structure qu’il pourrait être ; le laissant de côté, non pour le laisser dormir mais pour qu’il se constitue, s’institue de lui-même, acquiert sa forme et sa puissance... Puis le reprenant, le relisant, et pour cette fois-là dont je vous parle qui est celle de l’initiation, soudain ébloui par sa puissance et sa clarté... C’est là que je parle d’un instant de « bonheur fou », – expression souvent employée par moi et qu’a repérée un des lecteurs fidèles de ce site qui se reconnaîtra, – non pas parce que j’ai créé de moi-même quelque chose, – quelle vanité imbécile ! – mais parce que j’ai retrouvé, sur mon chemin cahotant et incertain, en aveugle mais en aveugle croyant, – une vérité !
Alors, je sais que, pour cet instant, pour cet assemblage de mots, je suis en cet instant un initié, auquel quelque puissance tellurique montée jusque dans les cieux a daigné confier le fruit de son initiation. C’est l’instant de « bonheur-fou » de l’initié.
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