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26 janvier 2004 — L’administration GW va demander $420 milliards pour le Pentagone pour l’année 2005 (FY2005). Ce qui signifie qu’en fait, ce sera $470 milliards, parce qu’on en demandera certainement $50 milliards supplémentaires, — mais après la réélection de GW, évidemment, qui ne fait pas de doute, évidemment. Atmosphère “bizarro”, non ? Ou bien pour sacrifier à notre lubie, du virtualisme à 250% ... D’autant plus que ces $420-$470 milliards ne signifient rien puisque ce sera beaucoup plus, puisque les $400 milliards de 2004 signifient, en fait, $465 milliards, selon Antiwar.com, ou plus encore, beaucoup plus, autour de $695 milliards, selon The Independent Institute ... Eh, eh, eh, dit le fou qui se tape sur la tête avec un marteau, c’est si bon quand on s’arrête.
Il y a là, en action, la comptabilité et l’art de la gestion du Pentagone, la plus puissante bureaucratie et le premier acheteur du gouvernement de cette nation qui s’affirme et se proclame l’empire de la rentabilité et de la compétitivité économiques. L’énormité des propos et la hauteur suffocante des chiffres ne doivent pas dissimuler la médiocrité de la cause. Le Pentagone présente un cas typique de dégénérescence comptable et bureaucratique, où l’orientation centrale, — la protection de la sécurité nationale, — a été remplacée complètement par les batailles pour les intérêts particuliers, qui sont ceux de services, de bureaux, de groupes informels, et où s’affrontent des conceptions réductrices, des appréciations compartimentées, des vanités, des entêtements et ainsi de suite.
(L’Amérique offre un cadre particulier, très fécond pour cette sorte de mal bureaucratique. Les notions de bien public et d’État régalien n’existent pas dans ce pays, elles sont remplacées par une notion contractuelle d’intérêt national commun qui peut être aisément supplantée par des notions d’intérêts particuliers lorsque ces intérêts expriment la puissance et la soi-disant orientation patriotique du Pentagone.)
Il y a beau temps que le Pentagone est, comme disent les bureaucrates, out of control. A la fin des années 1970, c’était déjà l’évidence. A cette époque, un du sérail, un peu moins médiocre que les autres, c’est-à-dire avec une bonne dose d’ironie et de dérision, écrivit The Augustine’s Laws où il tournait en dérision le fonctionnement de cet énorme machin et proposait des perspectives absurdes dont on jugeait alors qu’elles étaient satire pure. On connaît la plus célèbre de ces “lois” de Norman Augustine (haut fonctionnaire du Pentagone devenu grand capitaine d’industrie et architecte de la fusion entre Lockheed et Martin Marietta, en 1993) : « En 2050, le budget entier du Pentagone ne permettra d’acheter qu’un seul avion de combat tactique. Celui-ci sera utilisé, pour une semaine standard, trois jours par l’USAF, trois jours par la Navy et un jour par le Marine Corps. » Les événements ne démentent pas la prophétie d’Augustine et la réalité tend à se rapprocher de la satire depuis que le B-2, démarrant à $280 millions l’exemplaire en 1985 a finalement coûté $2,4 milliards l’exemplaire en 1996-98 (hypothèse basse, certaines estimations de très bonnes sources proposant $4-$6 milliards l’exemplaire si l’on y ajoute le coût du développement de la stealth technology). Le choix absolu du Pentagone, avec les pressions de l’industrie, pour le développement systématique de toutes les technologies de pointe, quel qu’en soit le coût, quel qu’en soit le besoin, quelle que soit leur efficacité, est également un facteur fondamental du caractère incontrôlable de cette situation.
La question du budget du Pentagone est évidemment un cas majeur de crise nationale dans un temps où le déficit du budget fédéral commence à menacer l’économie nationale. La crise a pris des proportions considérables avec la “guerre contre la terreur”, qui écarte pratiquement tout contrôle gestionnaire extérieur. Il faut, en plus, ajouter l’élément stupéfiant que de telles dépenses aboutissent à un outil militaire qui est aujourd’hui en crise profonde par manque d’effectifs, de réserves et de moyens avec la guerre en Irak. On aura une idée du caractère incontrôlable des coûts parcellaires avec la facture de $1,9 milliard pour le seul poste d’entretien et de remise à neuf des véhicules roulants et chenillés de l’U.S. Army engagés dans la “guerre contre la terreur”, en Irak depuis mars dernier, pour l’année fiscale FY2003. Toute programmation budgétaire est devenue aujourd’hui impossible avec le poste “guerre contre la terreur” qui est off limits de tout contrôle comptable, y compris de l’intérieur du Pentagone.
La question qui se pose est de savoir comment le Pentagone pourrait revenir à un rythme “normal”, celui d’avant septembre 2001, — et encore, celui-ci qui était déjà hors de contrôle. Cela paraît impossible et dans tous les cas impensable, avec le risque majeur, devant la perspective de telles éventuelles réductions, d’une mise en pièces de la machine militaire américaine. C’est un des arguments de base qui font penser que l’Amérique ne peut plus se sortir de cette “guerre contre la terreur”, que l’“Ennemi” terroriste existe ou non.
Voici l’évaluation que fait Defense News du budget FY2004 :
« Despite nagging concerns about rising deficits, protracted wars and costly weapons, budget and political analysts predict U.S. President George W. Bush will ask Congress for about $470 billion in defense spending for 2005. And Congress seems poised to approve.
» The request won’t come all at once: The first installment will be delivered to Congress Feb. 2 in the form of a $420 billion defense budget request, and the second — a $50 billion supplemental bill to pay for Iraq war costs — won’t come until after the Nov. 2 presidential election, said Steven Kosiak, the director of budget studies at the Center for Strategic and Budgetary Assessments.
» As Congress prepares for work on the 2005 defense spending plan next month, politics and practical circumstances are aligned in the military’s favor. In an election year with U.S. troops under fire, when a Republican president presents a Republican Congress with a budget, he will get pretty much what he wants, Kosiak told reporters and industry executives during a Jan. 14 budget briefing. »