Les Britanniques et le discours de Sarkozy

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Les Britanniques ont été lents, ou bien discrets c’est selon, à réagir au discours du 27 août de Sarkozy. Il n’y a pas eu, naturellement, de réactions officielles mais nous avons pu recueillir, entre temps, des indications de sources officieuses, britanniques ou plutôt proches des Britanniques, dans les milieux européens.

L’impression majeure du discours rejoint celle que nous avions relevée à propos du Financial Times le 28 août : «Le Financial Times a pris de la distance et lu le discours à sa façon. Dans le texte qu’il a mis en ligne, le 27 août et réactualisé le 28 août au matin, pas une seule fois le mot “Iran” n’apparaît. Pas un mot sur le passage qui a mobilisé l’attention générale. Le FT se concentre sur les projets européens de Sarko, qu’il juge manifestement comme le passage plus important dans le discours.» Les Britanniques proches des cercles gouvernement, disent nos sources, considèrent que la question européenne est le point le plus important du discours, et notamment le passage très précis sur les projets français pour la présidence française de l’UE du 1er juillet 2008.

(Ils auront été confortés par ce passage du rapport Védrine : «…l'élaboration avec Mme Merkel et Gordon Brown, et les autres Européens, pendant cette année 2007/2008 d'une position sur ce que les Européens attendent des États-Unis : une vraie alliance entre partenaires et l'acceptation d'un pôle européen de défense plus fort dans l'alliance? Une vraie concertation sur les projets de système défensif? Une autre politique au Proche et au Moyen Orient? Un engagement dans le post Kyoto? La présidence française au second semestre 2008 juste avant le changement d'administration à Washington favorise ce scénario. Il y a là un moment à saisir, une formidable opportunité pour la France et pour l'Europe.»)

D’une façon générale, les Britanniques ont surtout été attentifs, effectivement, aux projets de Sarkozy concernant la défense européenne, — ce que nous avons désigné comme la recherche d’une sorte de “Saint-Malo-II”. «Les Britanniques savent parfaitement qu’en cas d’initiative majeure des Français dans ce domaine, ils sont évidemment en première ligne, comme partenaires privilégiés naturels des Français». D’où un intérêt certain en même temps qu’un certain malaise devant l’inconnu Sarkozy: que prépare le président français, — dont ils ont pu déjà apprécier la capacité tactique et la vitesse d’action? Quelle réponse préparer, quelle position choisir? Où en seront les relations avec les USA à cette époque, et donc quels seront les intérêts britanniques? C’est justement les actuelles fluctuations des relations privilégiées qui ccroissent les incertitudes britanniques.

Bien que les Britanniques entretiennent toujours leur méfiance traditionnelle vis-à-vis des projets européens, il existe désormais une petite minorité dans la communauté de sécurité nationale qui ne serait pas nécessairement insensible à des propositions radicales venues des Français, justement à cause de la dégradation des rapports avec les USA. «Les Français pourraient retrouver au Royaume-Uni, mais pour des raisons très différentes, un climat britannique semblable à celui de 1998, qui avait abouti au traité de Saint-Malo de décembre 1998, qui était alors à l’initiative des Britanniques», estime la même source européenne.

La poussée actuelle, au Royaume-Uni, pour un référendum sur le projet de traité remplaçant la Constitution, peut jouer son rôle dans l’attitude du gouvernement. Pour renforcer la cause européenne, il faut trouver des initiatives qui confortent la position du gouvernement, qui cherche à éviter une rupture avec l’Europe. Dans ce cas, une initiative de défense, basée sur des relations avec la France considérée de plus en plus comme un partenaire très sérieux, plus très loin d’être également “privilégié” (mot habituellement réservé aux USA) dans ce domaine, peut aller dans ce sens en même temps qu’elle atténuerait, par un principe de complémentarité concurrente, les effets des difficultés anglo-américaines dans ce même domaine. Le très fort sentiment anti-américain dans le public peut renforcer une attitude pro-européenne si celle-ci s'appuie notamment sur un projet qui, à cause de la présence des Français, sera considéré comme peu favorable aux USA.

Ces remarques se complètent d’une déception supplémentaires des Britanniques avec le signature d’un accord des USA avec les Australiens sur des transferts de technologies US. Les Britanniques soupçonnent que cet accord est plus avantageux que celui que Blair a signé en juin avec Bush dernier et dont ils attendent toujours le premier effet.


Mis en ligne le 6 septembre 2007 à 18H23