Les cent jours de Napoléon Barack Obama

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Il nous a paru inutile d’aller chercher quelque référence et autre lien que ce soit pour illustrer ce sentiment de piété dévote générale qui entoure la célébration des premiers “cent jours” du président. Il y a presque unanimité pour l’homme, au-delà du jugement sur sa politique, sauf dans le cas des irréductibles neocons et mauvais perdants de droite, qui jugent que BHO brade l’empire, et les irréductibles antiwarsde gauche et de droite, qui jugent que BHO ne tient pas ses promesses d’arrêter le mouvement guerrier; c’est en général les seules démarches où la politique colore le jugement et prend le pas, y compris sur l’homme lui-même. L’opinion publique, selon les sondages, soutient en général un jugement très favorable sur le président, quels que soient par ailleurs les jugements sur la politique.

Cette séparation entre l’homme et la politique semble avoir un répondant dans la psychologie du président. Le trait principal de la psychologie de BHO, c’est bien la distance que son caractère établit entre les événements, dont ses propres politiques, et lui-même. Certains jugent favorablement que c’est du sang-froid et de la mesure, d’autres, défavorablement, que c’est de la légèreté et de l’indifférence. D’un point de vue politique et psychologique à la fois, on pourrait juger qu’Obama se tient encore “en réserve”, qu’il ne s’est pas encore complètement “engagé”, – mais dans quel sens?

Effectivement et logiquement dans ce cas, il y a une singulière séparation entre la perception qu’on a du président Obama et la perception qu’on a des politiques, intérieure et extérieure, qu’il conduit ou semblent conduire. Comme déjà vu dans les deux cas extrêmes des neocons et des antiwars (extrêmes parce que le jugement sur la politique l’emporte sur l’homme), les jugements critiques les plus divers, voire les plus contradictoires, sont proposés vis-à-vis de sa politique. D’une façon significative, cela vaut pour les deux domaines, l’intérieur et l’extérieur, tous deux jugés en pleine évolution par rapport à ce qui précéda sans que personne ne puisse exactement dire quelle sera l’issue.

D’une façon générale, notre propre sentiment est qu’Obama entérine essentiellement un retour à la réalité de la politique US qui s’effectue sous l’effet de forces très puissantes, qui est marqué par la prise en compte de l’affaiblissement très marqué de la puissance US, et tout cela constituant un processus très rapide et très incertain dont on est loin, bien entendu, d’avoir vu tous les effets. La popularité d’Obama, à cet égard, est un leurre; elle n’assure aucune unité ni aucune stabilité, parce qu’il n’existe aucune connexion impérative entre les jugements sur l’homme et les jugements sur les politiques, et parce que cette popularité, comme on l’a vu, se situe selon des classifications très polarisées. Cette dualité générale et constante qui marque Obama et son gouvernement des choses, et aussi les circonstances elles-mêmes, se transcrit alors dans les politiques: constituent-elles des politiques effectivement voulues, structurées ou conduites, ou bien constituent-elles une gestion bien tempérée, habile et même créatrice, de courants par ailleurs irrésistibles? Notre réponse serait que la responsabilité d’Obama est plus engagée dans la politique intérieure que dans la politique extérieure, ce qui donne un résultat saisissant. Là où ce que nous nommons “les courants irrésistibles” sont les plus pressants et les plus révolutionnaires, c’est en politique extérieure, et c’est là qu’Obama laisse faire les courants plus qu’il ne les suscite; le contraire pour la politique intérieure, où la situation générale est sans aucun doute très fragile mais reste verrouillée par des forces puissantes du système; dans ce dernier cas, cela pourrait conduire Obama, s'il veut imposer sa propre politique, vers une confrontation avec les forces dominantes en place. La combinaison des tendances est évidemment plus déstabilisante que stabilisante, puisque ce sont deux courants politiques avec des tendances ou des potentialités radicales, dans un sens ou l’autres, qui se développent.

D’une façon générale et en bonne logique avec ce qui précède puisqu’on désigne le domaine intérieur comme le terrain où Obama impose le plus sa marque, c’est dans ce domaine que se situe les possibilités les plus grandes d’affrontement. Obama a choisi, là aussi, une politique contrastée, avec des aspects de fort interventionnisme de la puissance publique d’une part, une soumission presque complète au diktat de Wall Street d’autre part. Cette situation n’est finalement pas tellement différente de celle de FDR en 1933, et assez classique pour les démocrates; mais il y a une différence importante: à l’arrivée de FDR au pouvoir, en 1933, Wall Street avait beaucoup perdu de sa puissance depuis 1929 et les forces économiques contraignantes étaient beaucoup plus concentrées du côté de l’industrie en général (le Big Business) qu’elles ne sont aujourd’hui, avec une économie très tournée vers le service et la finance; FDR put donc manœuvrer avec Wall Street plutôt contre le Big Business (et les républicains), de façon beaucoup plus aisée qu’Obama. C’est là qu’est le nœud de la situation quant à l’équilibre, voire la confrontation des forces en présence: aujourd’hui, Wall Street n’est pas l’“allié objectif” ou l’“allié occasionnel” d’Obama comme il le fut pour FDR, il est le “maître objectif” d’Obama.

Nœud de la situation et, par conséquent, nœud de la présidence Obama. Si l’“embellie maniaque” qui se développe actuellement réussit sans trop d’à-coups, Obama a toutes les (mal)chances d’être complètement subjugué par Wall Street, phagocyté, “banalisé”, etc. Sa présidence devient un simple faire-valoir des forces financières. Si, au contraire, un nouvel “accident” financier se produit, –un nouveau 15 septembre 2008, – alors s’ouvre une très forte possibilité d’affrontement et ce que nous continuons à considérer comme l’“énigme Obama”, avec l’hypothèse “Gorbamatchev”, jouera un rôle fondamental.


Mis en ligne le 30 avril 2009 à 16H09

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