Les chaleureux projets US à l’égard du Pakistan

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Nous apprécions beaucoup, pour l'expérience diplomatique et la vieille sagesse indienne de l'auteur, les commentaires de M.K. Bhadrakumar, ancien ambassadeur de l’Inde en Ouzbekistan et en Turquie, sur les questions liées à la situation dans “l’arc de crise” du Moyen-Orient et du sous-continent indien. D’où notre intérêts pour ce commentaire sur la situation au Pakistan de Bhadrakumar, repris le 10 mai par Information Clearing House.

Bhadrakumar se réfère à un discours du diplomate US John Negroponte (diplomate “musclé”, pour ceux qui connaissent ses exploits dans les pays d’Amérique Latine, lorsqu’il aidait à l’interrogatoire de tel ou tel régime également “musclé” de tel ou tel pays ami). Cela se tenait le 5 mai, à un forum sur le Pakistan du National Endowment for Democracy (NED), institution publique US qui sert de courroie de transmission à diverses actions subversives US, y compris de la CIA. (C’est la NED, comme le rappelle Bhadrakumar, qui a joué un grand rôle dans les diverses “révolutions“ de couleur, dans les anciens pays de l’Est ces dernières années, en Ukraine, en Géorgie, etc.)

«It is extraordinary that a seasoned diplomat like Negroponte has chosen the NED forum to make such a major speech on Pakistan. But then, “promoting democracy” - the motto of NED - also happens to be a stated objective of US policy towards Pakistan. Over the past quarter century, the US government-funded NED has specialized as a handmaiden of American regional policies.

»The NED is well known for covertly funding and supporting politicians in Latin American countries with strong support to the military. Its activities in many countries are known to run parallel to those of the Central Intelligence Agency. Its sensational role in conceptualizing and orchestrating the “color révolutions” in Ukraine and Georgia was a high-water mark in the organization's history since its inception in 1983, mitigating to an extent its dismal failures in Iran, Venezuela and Cuba.

»Rarely does a top diplomat speak so openly from a public forum as Negroponte did on the centrality of Pakistan for the US's national security. He spoke in Winston Churchill terms. “More than ever, our [US] national security depends on the success, security and stability of Pakistan ... We recognize that our fate - that is, our security, our freedom, our prosperity - is linked to the fate of the people of Pakistan,” Negroponte said, echoing the gravitas of the British statesman during World War II.

»What Negroponte implied was that Washington will categorically assure Pakistan that no matter the change of administration in the White House next year, the US commitment to a “long-term, substantial and compréhensive” partnership with Pakistan will remain a cornerstone of American regional policies.

»Negroponte seems to have perceived that allies like Pakistan are increasingly beginning to look beyond the Bush administration and that is not going to do the "war on terror" in Afghanistan any good. In his recent visit to China, President Pervez Musharraf's mind desultorily wandered, inviting the Shanghai Cooperation Organization (SCO) to come and help stabilize the Afghan situation. But, why go to the SCO when the North Atlantic Treaty Organization (NATO) could still do a first rate job? The SCO comprises China, Russia, Kazakhstan, Kyrgyzstan, Tajikistan and Uzbekistan.»

Résumons (ce passage et le reste). Echaudés par quelques avatars précédents, les USA, en la personne de son diplomate de choc Negroponte, avertissent qu'ils ne laisseront pas le Pakistan prendre la tangente et feront tout, – vous entendez et comprenez, tout ?, – pour que le Pakistan reste dans leur escarcelle, Bush ou pas Bush (dito, après Bush)… (En passant, appréciez combien le diplomate musclé nous avise que les présidents passent et que le système, lui, reste en place, fidèle comme un bloc, attentif comme un mercenaire de Blackwater; autant pour le changement de politique qu’on attend du futur président, à moins d’un accident “gorbatchévien”.)

Du coup, en tenant compte de la situation actuelle du gouvernement et de la digne enceinte d’où Negroponte nous parle, Bhadrakumar fait l’hypothèse justement fondée qu’en cas d’élections précipitées (la majorité au pouvoir est fort instable), on pourrait voir le NED en pleine action, – ce qui signifie : 1) une vente aux enchères de quelques dirigeants de partis bien placés et, s’il le faut, 2) une de ces belles petites révolutions spontanées, une “révolution-couleur”, – proposons “la révolutions des pavots” (because la proximité de l’Afghanistan), – ce n’est qu’une suggestion pour le NED. Auparavant, le Pentagone aura rétabli des liens pleins et entiers, chiffrés en $millions, pour établir une coopération de bon aloi avec les militaires pakistanais…

«The NED has gained vast experience in cajoling unwilling politicians in foreign countries to play ball with the US regional agenda. Its expertise will come in handy in building working relationships between civilian politicians and the military in Pakistan, as well as in persuading recalcitrant Pakistani politicians to see the light of reason and to cooperate with the imperatives of US strategy.

»Its role will be truly decisive for US policy if Pakistan finds itself facing another parliamentary election any time soon, in case the present uneasy ruling coalition sharing power in Islamabad begins to unravel. The NED's forte lies in finessing effective ways of promoting favored politicians and political parties abroad.»

Tout cela est bel et bon, et voilà le schéma habituel, – les méchants US préparant à manipuler le Pakistan pour en faire un satellite. Sauf que.. La situation du Pakistan est que ce pays est effectivement un satellite des USA depuis quasiment son indépendance, que les dictateurs ont été jusqu’ici le meilleur moyen des USA pour assurer leur contrôle, que Musharaff était de cette trempe, que ce sont eux (les USA) qui ont en partie allumé la mèche d’un retour à la démocratie avec Benhazir Bhutto, lequel retour à la démocratie implique un retour à l’anti-américanisme, et ainsi de suite. Ainsi, coincés entre leur moralisme, enfant de leur hypocrisie et de leur conformiste fondamentaux, et les besoins affirmés avec une brutalité et une grossièreté inouïes de leurs intérêts, les USA ne cessent depuis la fin de la Guerre froide de subvertir les pays qu’ils jugent indispensables à leurs intérêts, de subvertir les pouvoirs corrompus qu’ils ont installés parce qu’ils s’avèrent de bien piètre réputation, de subvertir les régimes un peu plus anti-US qui leur succèdent, et ainsi de suite.

Le parler churchillien de Negroponte, appuyé sur une expérience personnelle dans la pratique de la coercition des individus, son style musclé et rouleur de mécaniques, n’empêchent pas la stratégie suivie d’être d’une stupidité qui ressemble à une impasse, tant les contradictions ne cessent de défiler. Les américanistes ne cessent de se heurter à leurs contradictions, essentiellement entre leur brutalité grossière et leur hypocrisie conformiste. Le Pakistan est un champ d’expérimentation presque sans égal pour la chose.


Mis en ligne le 13 mai 2008 à 12H34