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15 juin 2002 — L'institut suédois SIPRI (l'Institut International de Recherches sur la Paix de Stockholm, en Suède, site http://www.sipri.se) publie son appréciation des comptes des dépenses militaires dans le monde pour 2001, extrait de son annuaire annuel (Yearbook 2002). Le compte-rendu qu'on peut donner de cette publication est le suivant :
• Les dépenses militaires des Etats Unis font 36% des 839 milliards de dollars dépensés par les États dans le monde en 2001 pour leurs armées. « Ce chiffre de 839 milliards de dollars marque une progression de 2% par rapport à 2000 et représente désormais 137 dollars par habitant de la planète soit 2,6% de la production brute mondiale. »
• La Russie, représentant le deuxième budget mondial selon le SIPRI, arrive très loin derrière les Etats Unis avec 6% des dépenses mondiales. (Le SIPRI situe ce budget russe autour de $50 milliards mais d'autres sources occidentales ont une évaluation très différente, beaucoup plus basse, du budget russe de la défense. Pour l'année 2000, certaines de ses sources proches de services de renseignement ouest-européens allaient jusqu'à offrir le chiffre de $5 milliards comme somme effectivement dépensée pour la défense en Russie. Ces sources disent que le budget nominal n'est absolument pas respecté par le gouvernement en état de déficit chronique, et que le ministère des finances verse à peine 10% de ce budget nominal.)
• Ensuite, un groupe de pays représentant chacun 5% : France, Japon, Royaume-Uni.
• Enfin, le dernier groupe des budgets conséquents assez loin, en valeur absolue, avec les 4% de l'Allemagne, et les 3% respectifs de la Chine, de l'Arabie Saoudite et de l'Italie. Le Brésil et l'Inde représentent chacun 2% des dépenses mondiales tandis que la Corée du Sud, Israël, la Turquie et l'Espagne comptent chacun pour 1%.
On peut également trouver des évaluations et des appréciations du SIPRI sur la perception qu'on a de la puissance de chacun de ces pays en fonction des poids budgétaires, par rapport aux activités militaires réelles des pays. Ainsi peut-on apprécier une mise en perspective de la puissance militaire américaine réelle, dans son engagement, dans ses applications, etc, en comparaison avec l'engagement et les applications des pays européens, par rapport à l'''image'' médiatique qui en est entretenue et qui nourrit l'appréciation conformiste d'une énorme puissance américaine assumant l'essentiel des tâches de sécurité. Le résumé (Abstract) que donne le SIPRI de son étude sur la question des dépenses militaires, extrait de son Yearbook 2002, fait une place, notamment, à cet aspect des choses. On peut le constater ci-après :
« After the decline from 1987 to 1998, military expenditure began to rise again, both globally and in most regions of the world. Over the 3-year period 1998–2001, it increased by around 7% in real terms. The increase of 2% in 2001 is smaller than the increases in 1999 and 2000, but world military expenditure is likely to rise much faster in the coming years, owing primarily to a substantial increase in US military spending.
» The increase in military spending since 1998 is primarily the result of the change in trend in the Middle East, CEE, N. America and East Asia. The most marked change in trend has taken place in Russia, where the rapid reduction of military spending changed into growth in 1999 and stabilized in 2001 at a level comparable to that of some major West European countries. In Western Europe, military expenditure has increased only slightly.
» There are different reasons for the change in trend. Military expenditure can be seen as a function of driving forces within prevailing economic and political constraints. Determinants of military expenditure are of four broad types: security-related; technological; economic and industrial; and more broadly political. One of the factors behind the change into growth in Europe and North America is the assumption of new military tasks in the form of peace support operations while at the same time inertia in existing procurement programmes continues to absorb large-scale funding. In Russia, the main explanation for the change in trend is economic: the earlier economic constraints, the primary reason for the reduction in Russian military expenditure, have eased since the late 1990s. In East Asia, economic factors also seem to be a determinant of the trend in military spending. There is also a strong security-related element in China and on the Korean peninsula. External security factors play a major role in South Asia and the Middle East, while in Africa the acceleration in military expenditure is primarily due to domestic armed conflict and restructuring of the armed forces.
» The 11 September terrorist attacks raised the profile of NATO burden sharing. A US Congressional Budget Office study has concluded that, while US military expenditure is higher in terms of GDP share and population, the gap has narrowed. Moreover, the gap reflects US global security interests in addition to its contributions to NATO. As regards specific contributions to NATO peacekeeping operations and donations of economic aid, the European allies are taking on a more than proportional share of the burden.
» A US General Accounting Office study concluded that while total US military expenditure is higher than European expenditure, the cost of the US supporting its military presence in European NATO countries in 2000, estimated at $11.2 billion, was 50% lower than in 1990. The shortcomings of European countries were in specific military capabilities, such as mobility of forces and the technological level of their equipment »
Ces appréciations du SIPRI renforcent l'analyse selon laquelle il y a deux réalités de la puissance militaire :
• La ''réalité'' budgétaire, qui est en fait une extrapolation simpliste de l'argent dépensé. Puisque les USA dépensent 36% des dépenses militaires du monde, ils ont au moins cette part de la puissance militaire (sans compter leur soi-disant énorme avantage technologique), avec la démultiplication impliquée par le rassemblement d'un tel budget dans un seul pays. En d'autres termes, ils pèsent d'un poids écrasant sur l'activité militaire et assument l'essentiel des tâches militaires, notamment parmi les alliés de l'Alliance. Cette ''réalité'' budgétaire alimente fortement l'image virtualiste de la puissance militaire américaine, qui réduit les autres puissances au rang de comparses et fournit aux USA un point d'appui remarquable à leur prépondérance stratégique et à leur hégémonie politique.
• La réalité tout court qui, comme l'indique le SIPRI dans le cas des Européens et pour les missions OTAN, est infiniment plus nuancée et montrent que les alliés des USA interviennent souvent bien plus que conformément à leur budgétaire.
Bien qu'elles n'excipent d'aucun argument révolutionnaire, ni même simplement d'aucun argument contradictoire tranché par rapport à ceux qui sont d'habitude avancés pour soutenir les points de vue conformistes, les observations du SIPRI renforcent une thèse marquée par deux points :
• d'une part, le constat que l'acceptation de l'hégémonie américaine est d'abord une décision politique, passive ou pas, et nullement une nécessité militaire ;
• d'autre part et indirectement, la très forte absence de rentabilité et de productivité du dollar dépensé par le DoD aux États-Unis. La gestion et les dépenses du DoD sont marquées par le gaspillage, la redondance, l'expansion considérable des missions de soutien et de la bureaucratie. On a évidemment nombre d'indices de cette situation, le plus important étant l'incapacité opérationnelle où se trouvent les forces US d'intervenir en Irak au moins avant 2003, et peut-être beaucoup plus gravement que cela, après un conflit d'aussi faible intensité du point de vue des moyens que celui de l'Afghanistan.