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57226 avril 2025 (12h30) – Jeudi dernier, le président Trump recevait le Premier ministre norvégiens et, au terme de la rencontre, il y eut une conférence de presse. Bien entendu, l’Ukraine était, une fois le plus, le sujet du jour. Une question fut posée à Trump : pourquoi faire une telle concession aux Russes, avant que les négociations aient vraiment avancé, en reconnaissant que la Crimée est russe ; et les Russes, eux, quelles concessions ont-ils faite pour qu’on leur fasse cec cadeau ?
Je vous donne un extrait de la réponse de Trump, telle que la rapporte RT.com, en un titre qui ne se prive pas d’être assez visible et d’importance assez grande :
« La Russie a fait une concession majeure dans les négociations de paix en Ukraine en s'abstenant de prendre le contrôle de l'ensemble du pays, a déclaré le président américain Donald Trump.
» Jeudi, lors d'une conférence de presse avec le Premier ministre norvégien Jonas Gahr Store, Trump s'est dit optimiste quant à la réalisation de progrès majeurs dans le règlement d'ici deux semaines.
» Interrogé sur les concessions faites par la Russie dans les négociations de paix sur l'Ukraine, le président américain a répondu : « Arrêter la guerre… Arrêter de prendre le contrôle de l'ensemble du pays, une concession considérable. »
A la première compréhension informée qu’on en a, cette réponse a de quoi déclencher, chose assez rare, un éclat de rire ironico-sarcastique. Si l’on remonte la logique de la réponse, on conduit à constater que les Russes pouvaient donc, s’ils le voulaient, balayer l’armée ukrainienne hyper-otanisée et envahit toute l’Ukraine le temps d’une décision dans ce sens ? Comment peut-on dire cela alors que tous les gens encore mieux informée dans le sens du simulacre de l’Occident-admiratif (dont la bande à Biden, et comment) n’ont cessé et ne cessent de vanter l’état délabré de l’armée russe, sa désorganisation, ses pertes colossales, ses matériels remontant à la bataille de Samothrace, ses retraites transformées en déroute ? Qu’ils ne cessent d’annoncer que l’Ukraine prendra Moscou assez vite, puis qu’elle le prendre moins vite mais à son heure, qu’elle recule un peu pour mieux lancer son offensive, qu’elle a cédé du terrain pour laisser les Russes s’embourber, qu’elle a complètement immobilisé le front et que nous nous trouvons dans un stalemate honteux pour l’armée russe ?
Etc., etc. Inutile de s’étendre là-dessus. On peut simplement constater que le président de la plus puissante armée du monde, selon la presseSystème, et premier allié des Ukrainiens jusqu’il y a peu, nous sort cette énormité dans une sorte d’indifférence bien informée. Il est vrai que l’armée des illusionnistes du simulacre a tout de même été forcé d’avaler les multiples péripéties qui massacrent les Ukrainiens en leur infligeant de méchantes défaites et que cela prive de l’enthousiasme nécessaire pour moquer et condamner l’affirmation de Trump. Restons-en là, fin de l’éclat de rire ironico-sarcastique : passer son temps à mettre en évidence la grossièreté des divers constituants du simulacre, cela finit par être une perte de temps.
Voyons plutôt le cas-Trump. Qu’il soit un menteur, comme l’on dit, c’est possible. Mais cela ne me satisfait pas. Il faut aller plus loin. Trump ment avec une telle ingénuité, une telle sincérité, que le verbe “mentir” ne rend pas compte du phénomène. Cet homme a son propre univers et c’est dans la logique de cet univers évidemment complètement irréel, – donc mensonger, en un sens si vous voulez, – qu’il faut s’aventurer pour le retrouver.
Son maître-livre, son chef d’œuvre, se nomme ‘The Art of the Deal’, qui définit pour un accord (business au départ mais le reste suit) la recherche d’une dimension esthétique répondant à l’équilibre et nullement d’une dimension agressive répondant à la recherche de la victoire qui est déséquilibre pur par annihilation du partenaire. Il est acquis que Trump veut absolument un deal sur l’Ukraine, et qu’il ne peut l’avoir qu’avec les Russes, Zelenski n’étant décidément qu’un bâton merdeux sans le moindre intérêt.
Trump a compris que les Russes ne feront pas de concessions et qu’ils ont des exigences irréfragables. Eh bien, on va satisfaire ces exigences, peu à peu, en inventant telle et telle grandioses concessions que les Russes ont fait en échange : ne pas envahir complètement l’Ukraine pour le cas cité. Peut-être les Russes n’ont-ils pas trop été gourmand pour laisser à Trump un peu d’espace pour ventiler les illusions de leurs propres pseudo-concessions.
Car Trump ne veut pas la victoire en Ukraine. Il veut l’équilibre, l’apaisement autant que possible, – ce n’est pas sa guerre, il ne cesse de le répéter. Il veut un apaisement, une sorte de simili-paix dont les USA peuvent se retirer, ce qui augmenterait considérablement sa popularité at home., et peut-être bien jusqu’à un Prix Nobel en forme de Trump Tower. Il ne peut avoir cela qu’avec les Russes, – les autres, Zelenski, les Européens, « Allez jouer avec vos poussières ».
Je suis affreusement honteux de faire cette référence mais on me le pardonnera si l’on sait que je ne parle que de la méthode, que je considère le personnage cité comme mille et mille fois plus intelligent, plus sensible, plus délicat, d’un caractère infiniment plus superbe que Trump. Mais pour la méthode et certainement sans le vouloir ni le savoir (il ignore de qui je parle), Trump se conduit comme Talleyrand. Le Prince de Bénévent arrivant à Vienne en 1814, représentant un pays vaincu après avoir mis l’Europe à feu même s’il est délégué par Louis XVIII (beaucoup plus intelligent qu’on ne dit et du calibre de Talleyrand qu’il approuve tout en ne l’aimant pas) et non l’Empereur ; déclarant aux quatre grands (Autriche, Angleterre, Russie, Prusse) qui sont prêts à le dévorer : “Mes Seigneurs je viens ici au nom d’un pays qui entend restaurer l’équilibre et la justice en Europe en abandonnant toutes les rapines effectuées par le brigand Bonaparte et en retrouvant ses limites naturelles de 1789” :
« En cessant d’être gigantesque la France redevenait grande. »
A partir de là, tous les alliés ne firent rien dans leurs intrigues sans consulter Talleyrand devenu le maître du Congrès ; en ce temps-là, on savait mentir sans mentir ni humilier l’adversaire... J’arrête ici la comparaison, notre époque n’en mérite pas tant.