Les connexions électives...

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Les connexions électives...

Depuis plusieurs mois, quasiment depuis un an, nous observons que s’est établie une distance entre la dissidence antiSystème européenne et la dissidence antiSystème US qui a mené la résistance sur les réseaux depuis 9/11 et même depuis la guerre du Kosovo (voir le 10 juillet 1999) ; et nous parlons notamment, sinon essentiellement, de la dissidence US organisée autour de la droite libertarienne, ou “paléo-conservatrice”, qui n’est comptable d’aucun lien épisodique avec le Système (comme l’est au contraire une partie de la gauche progressiste lorsque les démocrates sont à la Maison-Blanche). Le site emblématique de cet activisme est évidemment Antiwar.com et son directeur de la rédaction Justin Raimondo, qui furent les pionniers de cette résistance, justement avec le Kosovo.

Effectivement, depuis le putsch-US de Kiev, en février 2014, nous avons accordé toute notre attention à cette crise, selon un mouvement général observé dans la dissidence antiSystème/réseau en Europe, d’ailleurs selon une dynamique qui a permis également à cette dissidence de s’étoffer notablement (exemple du site Saker-francophone), notamment en s’ouvrant sur la documentation et l’activisme de la communication russes, ceci et cela s’avérant d’une qualité exceptionnelle (voir le 19 février 2015). Pendant ce temps, la dissidence antiSystème US est restée essentiellement concentrée sur le Moyen-Orient, et sur la saga ISIS/Daesh/État Islamique, avec tous ses innombrables pièges d’interprétation, ses connexions sans fin des complicités contradictoires, bref son désordre extraordinaire confinant parfois et heureusement à l’hyperdésordre. (Avec l’exception, du côté libertarien, du groupe autour du Ron Paul Institute for Peace, très attentif à la crise ukrainienne.) Ainsi s’est établie la distance dont nous parlons plus haut, qui avait un petit goût de regret dont nul savait vraiment à qui faire porter la responsabilité puisqu’elle dépend (dépendait) des réflexes régionaux et conceptuels, sinon des priorités récurrentes des uns et des autres... Puis vint le constat de la nouvelle dimension de “djihadisation” des campagnes spasmodiques de la bande de Kiev, ces exceptionnels maraudeurs-explorateurs de poubelles (voir le 28 février 2015). Effectivement, la crise ukrainienne, montrant par là son universalité de “crise haute”, siphonne littéralement du côté de Kiev absolument tout ce qu’il y a de dynamiques chaotiques et de rebuts des forces déstructurantes-Système, – les hyper-libéraux mondialistes, les allumés type-neocons/BHL, les oligarques et corrompus-Système, les bandes extrémistes, les terroristes de profession sous étiquette islamise manipulée diversement, etc. (Que ces force soient ou non directement des forces-Système, dès lors que les USA jouent leur rôle habituel dit-“de faiseur de chaos” pour les amateurs de théories rationnelles, en réalité de facture autodestructrices selon la logique de la Résisrance, elles le deviennent et suivent.)

Dans sa chronique du 6 mars 2015, Raimondo constate de facto ce tournant, sans nécessairement le conceptualiser. Il le fait à partir des articles de The Intercept que nous signalions le même 28 février 2015, de Marcin Mamon et de Glenn Greenwald, dont le rôle de “lanceurs d’alerte” d’un nouveau genre (“alerte” sur le déplacement du centre de la crise haute vers l’Ukraine, implicite avec ces reportages et analyses qu’il donne) vaut d’être salué. Raimondo reprend dans son article les principaux éléments donnés par les gens d’Intercept et en tire les réflexions et conclusions qui importent dans son introduction et sa conclusion...

«While we’re fighting the Islamic State, a.k.a. ISIS, in Iraq and Syria, and American officials tout the alleged danger of an attack on the US homeland, in Ukraine Washington and the Caliphate are fighting on the same side. A remarkable series of articles by Marcin Mamon in The Intercept has documented an aspect of the Ukraine conflict that no one else has paid any attention to: the role played by the "Dudayev Battalion," a fighting force of radical Islamists consisting of Chechens, but also including fighters from throughout the Caucasus as well as some Ukrainains. [...]

»We are told that ISIS is planning terrorist attacks in Europe, and security forces are busy rounding up suspects all across the continent – and yet here is this gaping hole in the West’s defenses, where "the brothers" are quietly infiltrating without much notice in the Western media. In cooperation with ultra-nationalist groups like Right Sector, which have also formed their semiautonomous battalions, the Islamists of Ukraine, brandishing Ukrainian passports, have opened a gateway to the West. [...] As the US-funded-and –supported Syrian "moderate" rebels defect to ISIS in droves, the international jihadist network is extending its tentacles into Ukraine to take up the fight on behalf of their "brothers.” [...]

»As US aid flows into Ukraine, how much of it will trickle down to these allies of ISIS – and to what future use will it be put? If John McCain and Lindsey Graham have their way, US arms will soon find their way into the hands of these terrorists, whose jihad against the Russians is bound to turn westward and strike at the capitals of Europe. This is blowback with a vengeance: we are creating our own enemies, and giving them the weapons to harm us, even as we claim the need for universal surveillance in order to fight them. The mad scientists formulating US foreign policy are raising an army of Frankenstein monsters – who are sure to come after their deluded creators.»

Comme on le voit, ces constats sont sans grande originalité : on retrouve la même nébuleuse des groupes armés par les USA et leurs divers alliés moyen-orientaux, que les USA affrontent désormais au Moyen-Orient après les avoir constitués et armés et sans oublier de continuer éventuellement à les aider et à les armer parallèlement ; on les retrouve sur un autre “front”, en Ukraine, aux côtés des mêmes USA jouant sur tous les tableaux en bons automates d’une subversion élevée au rang de grand art-foutoir, type “Art Contemporain”, prêts à lancer des opérations terroristes ou dans tous les cas de communication dans ce sens sur le théâtre européen cette fois, éventuellement contre les pays européens grands alliés des USA au sein du bloc BAO. Vraiment, mais vraiment aucune originalité dans tout cela (bis), selon un schéma convenu qui marque l’activisme-Système américaniste au sommet de sa surpuissance depuis 9/11 ; toujours ce tourbillon de contradictions et d’affrontements sans aucune orientation, – encore une fois baptisé vertueusement de “chaos” comme on s’emploie de temps en temps à le valoriser, histoire de lui donner un sens rassurant pour la raison-subvertie, c’est-à-dire arroser d'un Bourbon faisandé la bouillie pour les chats qui sert de politique étrangère aux USA depuis quinze ans. Le véritable résultat intéressant de ce fameux tourbillon, qui montre que ce faux-“chaos” a un sens mais que ce sens n’est en rien l’effet d’une politique humaine, d’un but “stratégique” (le nihilisme comme stratégie...) mais bien d’une logique mécanique animant l’activité du Système comme l'outil d’un dessein de déstructuration-dissolution-entropisation (dd&e), le véritable résultat intéressant disons-nous c’est qu’il rassemble les forces et renforce constamment le centre bouillonnant de la crise, la véritable crise haute qu’est l’ensemble Europe-Ukraine-Russie. Il contribue ansi à lui donner toute son importance, donc à faire prendre conscience des enjeux, – donc, pour notre cas, à attirer l’attention de la dissidence antiSystème US sur ce qui compte véritablement en fait d’événement crisique.

C’est là, dans cet “ensemble Europe-Ukraine-Russie”, qu’est aujourd’hui le cœur de ce monde de contre-civilisation plongé dans cette crise sans précédent qui ne peut être qu’ultime (du type “ça passe ou ça casse”, comme disent les chroniqueurs, – et voilà bien la vertu de la crise ukrainienne, en obligeant à cette confrontation suprême où le Système ne saura pas résister à sa tendance suicidaire). C’est là que se joue l’essentiel et c’est là qu’existent les vraies opportunités, notamment celle d’une possible fracture au sein du bloc BAO qui est l’événement nécessaire à l’accélération du processus d’effondrement du Système. Il est difficile pour nombre d’esprits de comprendre que l’avancement incontestable, partout, de la politique-Système en phase de surpuissance est absolument nécessaire pour enclencher le processus d’autodestruction, – l’un ne peut aller sans l’autre ... Nous ne sommes pas dans une logique politique ou géopolitique, bref dans une logique humaine qui élève le facteur du rapport des forces (des forces apparentes) au niveau d’un dogme qui r§gel toute l'opérationnalisation des événements, mais dans une logique de Système où l’essentiel est de parvenir à faire passer au Système le pic maximum de la surpuissance déchaînée pour commencer à voir se développer la dynamique d’autodestruction qui en est le complément inévitable, le double irrépressible, la deuxième face absolument symétrique.

Les textes que l’on commence à relever ici et là chez les dissidents US, grâce à cette fameuse “djihadisation” de la crise ukrainienne, et particulièrement ce texte de Raimondo dont l’influence dans la dissidence libertarienne et au-delà est considérable, constituent un signe important de ce qui est peut-être un déplacement stratégique des priorités dans le maniement de l’arme essentielle de la communication. Le paradoxe dans le cas de Raimondo est que cet isolationniste dans l’âme, qui travaille sur le Moyen-Orient depuis des décennies pour faire avancer ce programme isolationniste, commence à découvrir la crise ukrainienne comme étant bien plus qu'un simple putsch-US de plus, et l’Europe par conséquent. Cela devrait le conduire, toujours pour poursuivre cet agenda isolationniste qui comprend nécessairement un volet de lutte contre la politique-Système belliciste et antagoniste, à entrer dans le débat transatlantique dans le sens de la recherche de la rupture interne (rupture interne dans le bloc BAO), condition nécessaire et suffisante pour faire passer ce “pic maximum” entre surpuissance et autodestruction.


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Mis en ligne le 9 mars 2015 à 06H06