Les conseils des “néo-conservateurs” européens

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La crise existentielle que traverse l’Europe et où l’Europe pourrait bien y laisser nombre de plumes de son imposant plumage a fait naître une catégorie nouvelle de penseurs et d’experts. A l’image de la situation que connaissent “nos amis américains” (une coïncidence sans doute, cette homothétie?), les échecs des politiques et les rebuffades des peuples suscitent l’extrémisme le plus extrême de l’extrême : c’est cette catégorie nouvelle d’experts qui en est investie.

En général, ces experts présentent bien dans le genre “bon chic bon genre”. (Le col-cravate ou le col élégamment ouvert et la raie bien tracée ont remplacé le cheveu hirsute et la savate trouée pour identifier le révolutionnaire de l’ère postmoderne, tendance “révolution permanente”.) Leur hystérie s’abrite dans les colonnes des titres les plus respectablement bourgeois. Leur credo va de soi : ils conseillent toujours plus de ce qui n’a pas marché, et l’exact contre-pied de ce que les peuples nous font savoir. Désormais, l’Europe a ses “néo-conservateurs”.

En marge du sommet de l’UE, Gilles Meritt, président de l’association Jeune Europe et éditeur de la revue Europe's World, nous conseille, dans l’International Herald Tribune de ce jour, d’élargir toujours plus et de le proclamer bien haut ; et de dire aux peuples que leur “non” n’est pas recevable.

« In a world whose mid-century population will be well more than 8 billion, size matters, and that is among the reasons the EU is likely to bring in as many as 10 more countries. As well as increasing its numbers to well over 600 million people, further enlargement would extend Europe's zone of stability into the troubled Balkans and the equally volatile region of the Black Sea. »

L’élargissement actuel est une chose formidable et c’était la seule chose à faire mais, en plus, ce n’est qu’un début (notez dans l’énumération la gâterie faite à la Russie : quand sa population aura été démolie, elle pourrait également entrer dans l’UE, enfin réduite au Grand-Duché de Moscou, — mais cette destruction aura-t-elle bien lieu, selon la nouvelle orientation prise par le pays ?) : « Hard on their heels are Macedonia, Bosnia-Herzegovina, Kosovo and Serbia itself. Then there is Turkey and Ukraine, and eventually countries that Russia still considers satellites of a sort, such as Belarus and Georgia. Taking a long view of 25 years or more, other Black Sea, Caspian and Central Asian states may want to hitch their wagons to the EU's star — perhaps even Russia, with its rapidly shrinking population. »

Ah oui, les gens, les peuples... « Yet EU enlargement is being branded as a political liability. It is unpopular with voters because of widespread but erroneous fears that it threatens jobs.... » Bref, les peuples se gourent. Voici donc la consigne donnée aux dirigeants européens: «  In other words, it is time for Europe's leaders to stop nervously saying “we hear you” to public opinion, and instead tell the voters “you're wrong.” »

Nous pouvons donc remercier le ciel et l’américanisation de nos contrées de ce que les élites politiques européennes sont à peu près les plus médiocres du monde, à peu près à égalité avec les américanistes (une coïncidence sans doute, cette homothétie?). Malgré tout le désir qu’ils en ont, ils n’ont pas les tripes de dire à leurs petits électeurs : “you're wrong.” Les “neocons” européens ont encore bien du chemin à faire pour la compréhension de la psychologie des élites américanisées de l’Europe.


Mis en ligne le 16 juin 2006 à 12H15