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616123 mai 2020 – Naturellement, j’aime bien Israël Shamir. C’est un de ces commentateurs assez mystérieux, quasiment infréquentables pour les âmes inquiètes et très-bienpensantes mais difficile à classer dans les “accessoires négligeables” dont on ne dit mot ; qui distille des avis souvent explosifs, sans peur de rien, qui est instructif à plus d’un égard, parfois avec ce qu’on sent être du vrai, une révélation vraiment inédite. Il faut le lire avec des pincettes et en marchant sur des œufs, mais en sachant qu’au travers de ses chroniques il peut arriver que l’on ferrât du très-gros poisson.
...Mais voilà qu’il commence son plus récent article (22 mai 2020 sur UNZ.News), avec son titre très parlant de « Coronavirus Conspiracies », par deux phrases qui valent à elles seules un long développement, qui sont absolument fécondes et inspiratrices, – mais dont il ne s’occupe plus vraiment une fois écrites ; quant à moi qui parle tant du complotisme ces temps-ci, j’en fais mon miel :
« J’aime bien les théories de la conspiration ; elles tentent d’injecter un sens à des ensembles de faits divers qui, autrement, n’auraient aucun sens. Elles font entrer le Logos dans notre vie, comme le dirait notre ami E. Michael Jones. »
(Je précise, pour être moi-même sûr de la juste exposition de mon sujet, qu’on prend ici le concept de Logos comme il faut, c’est-à-dire comme celui de “raison” dans notre langue, – c’est-à-dire, selon Wiki : « Dans la pensée grecque antique, le logos (grec ancien λόγοςlógos “parole, discours, raison, relation”) est au départ le discours parlé ou écrit. Par extension, logos désigne également la raison... »)
Ainsi tout est dit, venu de la plume d’un homme d’expérience, d’esprit libre, qui ne mâche pas ses mots : le complotisme, – autre “isme” pour désigner le “conspirationnisme”, – n’a paradoxalement comme fonction essentielle que d’introduire la raison dans l’appréhension de tous ces événements qui déferlent sur nous sans que nous parvenions à les comprendre, et donc à les expliquer. L’essentiel de la démarche, c’est bien de « leur injecter un sens ». Le paradoxe est dans ce que, jusqu’à il y a peu, – car, désormais, ils tendent plutôt à faire dans la plus extrême discrétion, – les adversaires du complotisme dénonçaient le complotisme selon l’argument de l’“irrationalité”, – alors que c’est exactement le contraire ; les complotistes, comme nous le dit Shamir, sont absolument rationnels, des hyper-rationalistes, rationalistes jusqu’à la folie...
(Alors, bien entendu et aussitôt, j’ajouterais que je ne tiens en rien du tout la raison comme un instrument assurant la mesure et la sagesse, encore moins l’harmonie, l’équilibre et l’ordre. « Que j’aime à voir cette superbe raison humiliée et suppliante », écrit Pascal, voilà plutôt ce qui me va diablement. Dans son ‘La nuit de Gethsemani : Essai sur la philosophie de Pascal’ où il fait un parallèle saisissant entre Pascal et Nietzsche, qui eurent toute au long de leur vie, la maladie et la souffrance pour les hisser au-dessus de la raison [laquellle, « par ses vérités propres, fait de notre monde le royaume enchanté du mensonge »], Leon Chestov observait ceci qui implique d’autres personnages :
« Platon disait à Diogène qu’il n’avait pas l’‘organe’ nécessaire pour voir les ‘idées”, et Plotin savait que la vérité n’est pas “un jugement obligatoire pour tous” : Pour voir la vérité, enseignait-il, il faut ‘survoler’ toutes les choses obligatoires, il faut s’élever ‘au-delà’ de la raison et de la conscience »... On comprend bien que je me range derrière cette noble cohorte lorsque je parle, par exemple, – car je change de désignations pour personnaliser ces choses que je ne connais pas mais en l’influence et à l’inspiration desquelles je crois, – de ces « fameuses forces suprahumaines »)
Ce qui fait que je m’empresse tant de citer le complotisme ces temps-ci du Covid19, et de l’entourer de toute mon attention, c’est parce qu’il a acquis ses lettres de noblesse, une véritable institutionnalisation notamment en se hissant au niveau d’une politique déclarée du plus puissant pays effondré de la terre en si piètre état, – merci Donald Trump, sans lui « Que sont mes amis devenus » C’est parce que nous sommes en panne de sens et sans aucun sens à offrir à nos observations des choses, qu’il (le complotisme) recouvre absolument tout le spectre des observations des “événements courants” ; parce que, bien entendu, s’il n’y avait ce garde-fou, cette rambarde rationnelle du complotisme, nous ne pourrions tenter « d’injecter un sens à des ensembles de faits divers qui, autrement, n’auraient aucun sens ».
C’est effectivement ce que dit Shamir mais sans préciser la chose pourtant essentielle que sans le complotisme, effectivement, ces choses n’auraient “aucun sens”, – mais elles n’auraient “aucun sens” pour nous, seulement pour nous, parce que nous vivons sous l’empire de cette Raison que nous adorons comme une sublime déesse. Les choses et les événements ont leur sens et il n’est pas nécessaire que nous connaissions ce sens pour qu’il existe.
« La grande panique du Coronavirus de l’An 2020 avec ses énormes conséquences est un événement qui appelle une explication sensée. Comment une maladie mineure tuant une partie infinitésimale de la population (0,000045%) a-t-elle pu provoquer l'effondrement de la civilisation telle que nous la connaissons ? Pourquoi une civilisation qui a résisté avec force en sacrifiant la fleur de sa jeunesse sur les champs de bataille de Verdun et de Stalingrad est-elle incapable de survivre à la disparition de quelques hommes retraités au point de se replier sur elle-même, tout en abandonnant la foi, l’amour du prochain, l’opposition aux ennemis de toujours et en détruisant ensuite son économie, son éducation et sa reproductivité ?
» Il nous faut trouver une conspiration pour expliquer tout cela... »
Dans le dernière phrase, qui est une adaptation de « One wants to find a conspiracy to explain it away », je croirais presque distinguer de l’ironie... C’est cela, il faut une bonne dose d’ironie pour observer ces efforts désespérés de la déesse-Raison pour fournir clef-en-main des explications extraordinairement abracadabrantesques pour éclairer d’une lumière fantomatique cette étonnante succession et cet enchaînement irrésistible, et à quelle vitesse, des événements vers l’effondrement... Ah, les charmes du précipice, la fascination des abysses.
Je crois que nous tenons la preuve suprême, d’“au-dessus“ de la raison bien entendu, de la GCES à son terme : quand tout est complotisme, c’est que nous sommes au terme.
Quant à moi, mes amis, je me garderai bien de vous confier à quel complot je me suis inscrit... Il y a tant de choix.
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