Les contradictions britanniques, legs de la politique Blair

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Il y a au Royaume-Uni, une évolution de la diplomatie qui doit beaucoup aux dix années de pouvoir de Tony Blair. On y trouve la contradiction du mélange d’une duplicité forcenée, du maniement et de la manipulation de tous les moyens possibles pour parvenir à des fins spécifiques présentées comme vertueuses (l’affaire irakienne notamment), et, d’autre part, des buts affichés et qui influencent effectivement une partie de cette diplomatie britannique de soutien à certains principes et valeurs postmodernes comme les droits de l’homme, la démocratie, etc. Il en résulte des hiatus étonnants qui amoindrissent considérablement l’habileté et l’efficacité de cette diplomatie.

C’est le cas de l’actuelle offensive britannique, qui met Moscou en fureur, pour obtenir l’extradition de l’ancien officier Andrei Lugovoï, dans l’affaire de l’assassinat à Londres d’un autre ancien officier du KGB, Alexander Litvinenko. Les Britanniques n’ont pas été et ne sont pas avares de coups de menton vertueux dans cette affaire où l’“on ne transige pas avec les principes”. On veut bien considérer l’argument mais en en mesurant sa relativité à la lumière, par exemple, de la manipulation de l’affaire Yamamah-BAE et de ses suites par le gouvernement britannique. C’est le signe que, lorsqu’il le faut, l’habitude immémoriale et compréhensible de considérer les principes de façon relative subsiste.

Là où apparaît un étrange aveuglement montrant qu’effectivement la politique blairiste a considérablement perverti le fonctionnement de l’hypocrisie efficace des Britanniques, c’est lorsqu’on oppose la dégradation des rapports UK-Russie à cause des affaires type Litvinenko-Lugovoï et les obligations de bonnes relations avec la Russie qui attendent Londres dans un futur très proche. C’est un article du Daily Telegraph de ce jour sur la dépendance à venir des Britanniques du gaz russe qui nous éclaire.

«With North Sea oil and gas in decline, imports from Norway will pick up some of the slack, but in the longer term Britain and much of western Europe will become increasingly dependent on Russia.

»This has put Gazprom in a powerful position. So influential has Gazprom become that critics talk of Russia's “pipeline troops” or “gas guerillas”. Moscow is no longer a military superpower. But this resource-rich country is fast becoming an energy superpower.

»Mark Spelman, head of global strategy at the consultancy Accenture, says: “I don't think that we recognise the pace at which things are going to move over the next four to five years. In the middle of the next decade we will suddenly wake up and say to ourselves: wow, look at how many assets Gazprom owns,” he said.

»The company is already targeting the UK. Gazprom owns 10pc of the interconnector pipeline between Belgium and Britain, ensuring it can get gas into the UK. And the proposed Nord Stream pipeline through Germany and Holland into the UK, will provide even more gas.

»Last year, Gazprom bought a UK energy retailer, Pennine Natural Gas, which supplies industrial users such as Headingley Cricket Ground, and is it now targeting NHS hospitals.

»Gazprom also has a thriving UK-based trading arm, dealing in gas, oil, and emissions credits. According to one source: “There was a time when Gazprom seemed to be in Ofgem's office [the regulator] every other day trying to understand how the UK energy market worked.”

»Gazprom's expansion in mainland Europe is moving far faster than the UK. The company has done asset swaps in Italy, Hungary, and Germany with the likes of Eni and Eon. Similar asset swaps are expected in the UK.

»Infrastructure restrictions mean that Gazprom supplies about 2pc of UK gas, but this will rise to 10pc and then 15pc in the short to medium term.»

Les commentateurs s’étendent beaucoup sur les tactiques, les effets et les conséquences des rachats de Gasprom au Royaume-Uni. Ils ne s’interrogent pas sur l’évolution de la politique britannique qui place sa diplomatie en mauvaise position pour traiter avec les Russes, à cause de certains engagements moraux, alors que ces mêmes engagements moraux s’effacent devant de soi-disant “impératifs de sécurité” quand il s’agit essentiellement de protéger une société (BAE) dont l’establishment britannique, particulièrement en l’occurrence Blair et les cercles proches de lui, est prisonnier pour son fonctionnement et la défense de ses intérêts de caste. Le “réalisme” britannique ne s’est pas effacé devant les “valeurs”, il a simplement changé de registre. Il est difficile de penser que l’intelligence et le sens des intérêts nationaux y trouvent leur compte.


Mis en ligne le 23 mai 2007 à 07H55