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18 juin 2003 — L’Institut suédois SIPRI a fait paraître ses estimations annuelles sur les dépenses d’armement. Il n’y a rien de révolutionnaire dans ces estimations mais il paraît bon de s’y arrêter, dans la mesure où la présentation qui est faite des résultats du SIPRI permet de mieux fixer les phénomènes actuels de la situation mondiale.
Bien entendu, il y a un pays (les USA) et le reste. Tout est à charge, ou à l’actif c’est selon, des USA. Ce pays représente l’essentiel de l’augmentation des dépenses de défense pour 2002, ce pays représente à lui seul 46% des dépenses militaires du monde. (C’est certainement l’un des indicateurs où la part des USA est la plus grande pour les domaines ayant une signification stratégique ; par exemple, en PNB, les USA ne représentent que 23% du PNB mondial ; du point de vue des émissions de pollution industrielle, les USA représentent 25% du total mondial ; du point de vue de la population, les USA représentent 6% de la population mondiale ; etc.)
Ce qui est le plus frappant, c’est la dynamique américaine (les USA représentent trois quarts de l’augmentation mondiale de défense pour 2002) contrairement au relatif sur-place, ou à l’augmentation modérée dans d’autres pays. Cela pose un problème étrange : les USA développent leurs dépenses d’armement selon l’argument qu’ils ont à faire face à des menaces extrêmement graves (sinon, comment justifier autrement cette augmentation ?). Mais où donc s’alimentent ces menaces si le reste du monde reste à un rythme d’augmentation modérée, sinon à un régime de stagnation des dépenses de défense ?
On ne peut d’autre part échapper à l’observation que, si des augmentations sont déclenchées dans les années qui viennent (SIPRI en annonce pour 2003), c’est plus pour tenter de réduire l’écart avec les capacités américaines que pour s’opposer à une menace dont on ne trouve nulle part la trace budgétaire. Cette observation vaut notamment pour les augmentations du budget militaire français, qui seront importantes cette année. Cette remarque est d’autant plus fondée que les systèmes d’arme traditionnels, qui tiennent une place essentielle dans les augmentations budgétaires, ne sont de guère d’utilité dans les guerres actuelles. (SIPRI le note effectivement : « While the war on terrorism was a major factor in the increase in U.S. military expenditure, that was not the case in most other countries, SIPRI said, suggesting that “major weapons might not be the most effective means for fighting terrorism”. »)
En effet, “la guerre contre le terrorisme” est, comme on le sait, la seule activité guerrière envisagée sérieusement aujourd’hui, et cette activité n’a aucune part sérieuse dans les dépenses de défense. La question de la rationalité des dépenses de défense américaines est d’autant plus justifiée. (Son utilité est, elle, largement reconnue, puisqu’il s’agit de l’entretien d’un énorme complexe sur lequel est basée aujourd’hui ce que les dirigeants américains perçoivent comme étant la puissance de leur pays.)
En réalité, ce que découvre SIPRI, c’est une évolution basée complètement sur l’irrationalité, qui ne répond plus à aucune appréciation de raison et qui fait soupçonner une réelle pathologie de la décision politique. Le contraste est frappant avec la Guerre froide, autre période de grandes dépenses militaires en temps de paix : dans cette période, il y avait une logique dans la situation, puisque l’importance des augmentations des dépenses de défense était justifiée par la concurrence de deux puissances et de leurs systèmes.
Ci-après, des extraits du texte de l’Agence France Presse, reproduit par Defense News sous le titre : « U.S. Drives World Military Spending up Sharply in 2002, SIPRI Reports », qui nous donne la présentation sur laquelle nous appuyons ce rapide commentaire. D’autre part, on peut trouver sur le site même de SIPRI des indications substantielles sur l’annuaire annuel de cette institution.
« World military spending rose by 6 percent in 2002, almost exclusively because of increased U.S. military efforts under the current administration, the Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) said June 17.
» After a decade-long decline following the end of the Cold War, military spending rose for the fourth consecutive year in 2002, this time sharply, the institute said in its annual report. According to its estimates, spending rose by 6 percent in real terms to $794 billion, accounting for 2.5 percent of world gross domestic product (GDP) and $128 per capita. Last year, the world spent 14 percent more on military weaponry than in the post-Cold War low of 1998, but 16 percent less than the 1988 Cold War peak.
» The United States accounted for almost three-quarters of the increase in 2002, with a 10 percent increase in its military spending in the wake of the September 2001 attacks. SIPRI noted that further substantial increases were planned up until 2009, not counting the war in Iraq, which was not included in the U.S. budgets for 2003 and 2004. “The acceleration in world military expenditure in 2002 is due almost exclusively to the huge increase in U.S. military expenditure under the Bush administration,” the institute said. The rest of the world “is not prepared, or cannot afford, to follow the U.S. example in increasing military expenditure at the current level or for the same purposes,” it added.
» With currencies converted at market exchange rates, the U.S. alone now accounts for 43 percent of world military spending.The five top spenders — the United States, Japan, Britain, France and China, in that order — together account for 62 percent of world military spending. »