Les deux porte-avions britanniques sont lancés, — reste à voir ce qu’on mettra dessus

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Il est assez rare dans l’histoire navale de voir lancé un programme aussi important que les deux porte-avions d’attaque britanniques de 65.000 tonnes, — les HMS Queen Elizabeth et Prince of Walles, — avec, en guise d’accompagnement, autant d’incertitude pour ce qui concerne l’essentiel: la flotte aérienne embarquée (aéronavale). Les deux porte-avions coûteront £3,9 milliards, ils sont prévus pour 2014 et 2016. C’est BAE Systems et le VT Group (avec Thalès) qui se chargeront du programme. Dans sa déclaration annonçant la décision, le ministre Des Browne précise que les possibilités de coopération avec la France vont continuer à être explorées, mais le Financial Times précise de son côté aujourd’hui :

»However, French hopes of a significant role in construction of the vessels have been dashed. Senior defence officials said that, after negotiations between London and Paris, none of the main blocks would be built in France. The announcement coincided with a merger of the shipbuilding assets of BAE Systems and VT Group, which will have lead roles in building the carriers.»

Si l’on s’en tient aux performances récentes de BAE dans les grands programmes nationaux UK, il est très probable qu’on doive s’attendre à divers prolongements déstabilisants dans la structure du programme autant que dans les coûts. Mais ce point est encore peu de choses à côté de l’incertitude entourant la composante aérienne. Les quotidiens britanniques sont en général très discrets sur la chose. Seul le Guardian donne, aujourd’hui également, quelques précisions reflétant suffisamment d’incertitude pour justifier toutes les inquiétudes, — et, bien sûr, nous retombons dans la saga JSF :

«However, it remains uncertain which warplanes will fly from the carriers — they will each be able to take 40 aircraft — and when. The Ministry of Defence wants to buy US-made Joint Strike fighters in a deal previously estimated to cost up to £12bn.

»Defence officials admitted they did not know whether the US strike aircraft would be ready when HMS Queen Elizabeth sets sail in 2014 or whether it would have to make do with Britain's ageing Harriers.»

Répétons combien ces incertitudes concernant l’armement essentiel de ces navires sont rares et surprenantes pour un programme de cette sorte, qui représente en plus un bond stratégique en avant puisque la Royal Navy passe de petits porte-avions pour ADAC/V de défense aérienne à des grands porte-avions d’attaque, avec des avions ayant des capacités d’attaque. Autant on peut se permettre l’incertitude dans le cas des forces aériennes (terrestres) à cause de contraintes d’emploi relativement plus souples, et un certain choix pour d’éventuelles alternatives; autant, dans le domaine naval, les navires porte-avions et les avions embarqués forment un tout dont l’intégration de départ, donc la disposition de certaines certitudes pour les deux, est une condition très importante pour le succès du programme.

Mentionnons les motifs d’inquiétude et/ou de surprise contenus dans les informations du Guardian.

• Malgré une récente réunion d’urgence à Londres entre partenaires coopérants du JSF et les USA, aucune précision ne semble apportée sur la programmation de la version que veut la Royal Navy (le J-35B à décollage/atterrissage verticaux [ADAC/V]). Les Britanniques ne savent pas s’il sera disponible en 2014. Ils ne savent pas non plus s’il ne sera pas abandonné d’ici là, moyennant quoi il faudrait passer au J-35C (version U.S. Navy, à décollage/atterrissage conventionnels), qui nécessiterait l’installation de catapultes sur les porte-avions. Même dans ce cas, aucune certitude, ni sur les délais (l’U. S. Navy ne cesse de retarder le développement de cette version), ni même sur sa survie.

• En attendant, la Royal Navy doit se préparer aux éventualités de délai ou d’abandon en envisageant une modernisation de ses Harrier actuellement en service, ce qui conduira ces superbes porte-avions d’attaque à être équipés pendant un certain temps d’ADAC/V à l’autonomie si réduite qu’ils en seront réduits à des missions de défense aérienne. Ils défendront un porte-avions d’attaque incapable d’attaquer. Enfin, la pire des perspectives: si le JSF ne débouche sur aucune version embarquée? La Royal Navy devra chercher, sans doute en catastrophe, un autre avion embarqué, qui nécessitera de toutes les façons des catapultes.

• Une surprise : le coût annoncé des possibles JSF, dont le nombre (de plus en plus d’incertitude là aussi) semble se diriger vers 80-100. Le marché, rapporte le Guardian, était estimé à £12 milliards, sans aucune explication pour le “previously” (“précédemment”) — ce qui ne nous dit pas où l’on en est aujourd’hui… (Et nous ne serons pas optimistes sur l’évolution.) Dans tous les cas, nous sommes dans le cas d’une flotte aéronavale incertaine prévue à trois fois le prix des deux porte-avions qu’elle doit équiper, sans garantie qu’elle les équipe effectivement. Voilà la situation créée par l’engagement dans le JSF, qui conditionne absolument le sort de toute la composante stratégique conventionnelle du Royaume-Uni.


Mis en ligne le 26 juillet 2007 à 14H55