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656016 octobre 2022 (18H10) – Dites-moi, ô amis-lecteurs, quel est le rapport entre l’évacuation imaginaire d’une ville et le terrain devenu trop boueux pour les chars à cause des pluies ? Entre AOC (dérobée à RT.com et ‘The-Duran.com’) et la ville de Kherson ? Considérable(s), en vérité. Il y a trois jours, on annonce que les Russes évacuent les civils de Kherson, ville essentielle dans le dispositif des nouveaux territoires russes du Donbass adjacents.
Qui, “on” ? “On “ verra plus tard.
Pourquoi ce retrait ? Certains disent que c’est pour éviter des pertes civiles du fait de tirs de missiles ukrainiens. D’autres, que c’est pour permettre aux troupes russes de tenir mieux, de meilleures positions dans et autour de la ville. Car il faut ici préciser que tout cela se fait sur le bruit de fond de l’annonce d’une nouvelle “offensive finale“ de reconquête de Kherson par les Ukrainiens. Ce qui introduit la dernière explication : on évacue Kherson parce qu’on laisse la ville aux Ukrainiens, on refait le coup de Kharkov et Cie de début septembre.
Imaginez le désarroi des réseaux sociaux russes et surtout des occidentaux pro-russes. C’est l’effondrement, la calamité, la pire chose qu’on pouvait imaginer quelques jours après l’intégration des pays du Donbass dans la Fédération de Russie. Une militante zélée (anonyme, quelque part sur ‘Telegram’) écrit que
« la perte de Kherson, la reprise de la ville par les ukro-nazies serait une catastrophe sans précédent, une défaite mais surtout un coup terrible porté au prestige de la Russie et de Poutine... Mais comment sont-ils tombés dans ce piège ? Poutine n’est pas assez dur, chaque fois il se fait avoir ! »
On suit sur cette affaire l’excellent Mercouris qui, le 14 octobre, décrit, en ouverture de son bulletin, le chaos des informations avec l’annonce de la décision de retirer de Kherson la population civile qui le désire, en même temps que les troupes russes, qui se replieraient sur la rive Est du Dniepr, laissant la ville aux Ukrainiens. Puis il remarque que cette annonce, faite par le gouverneur de la région, est largement relativisée, pas loin d’être contredite, par celle de son adjoint, semblant apprendre la chose, qui estime que ce possible (?) retrait consiste à mette les civils à l’abri de frappes ukrainiennes, mais ne concerne nullement les forces russes, donc l’intégrité de la réalité russe et bien-russe de Kherson. Là-dessus, d’autres déclarations viennent ajouter à la confusion, notamment re-celle du gouverneur de la région qui semble se démentir lui-même en annonçant qu’il n’est pas question d’abandonner la ville, et que l’évacuation de la “population civile” d’une ville comptant de nombreux dizaines de milliers d’habitant se limite en fait à 350 habitants...
J’y ajoute les précisions à la fois ironiques et légèrement excédées de Mercouris concernant d’autres informations, notamment (sur ‘Telegram’ où l’on trouve des fils complices) celles d’officiers russes stationnées autour de Kherson, furieux de toutes ces contradictions et annonces dramatiques, et affirmant qu’ils refuseraient, si jamais il en était question, tout ordre d’abandonner Kherson... Comme on dit “salade de mots” pour les discours actuels si furieusement incompréhensibles, on pourrait dire “salade d’informations”...
« Que peut-on faire de tous ces déclarations successives ?! s’interroge Mercouris. La première chose à dire est que je n’en sais rien... [...] Aussi il semble bien, et c’est mon opinion pour l’instant, au moment où je vous parle, qu’il s’agisse une fois de plus d’un exemple de la façon dont les Russes parviennent à brouiller et à embrouiller leur art de la communication de l’information... »
Je confirme donc bien : “Comme on dit ‘salade de mots’ pour les discours actuels si furieusement incompréhensibles, on pourrait dire ‘salade d’informations’”, comme si tous les prorusses, rassemblés en clans et chapelles assurés pour chacun de détenir la vérité-de-situation d’au-dessus de la Vérité, entendait imposer sa version de la victoire commune à tous, – laquelle, au lieu de les rapprocher fraternellement, semble palefrois les transformer en frères-jaloux sinon presque frère-ennemis ; qu’importe, cela, à la marche du monde ?
Car en attendant, et pour autant que cela soit le cas, “mon opinion pour l’instant” est que la ville de Kherson ne fut pas évacuée ce 13 octobre, non plus qu’elle ne fut prise le 15 octobre. Pour autant, l’aventure n’est pas finie, et Mercouris y revient dans une autre vidéo, tout aussi palpitante, le lendemain 15 octobre.
Cette fois, il s’avère qu’il y a bien une offensive en cours pour reprendre Kherson, plutôt qu’il y a eu et qu’elle a été repoussée ou en train de l’être. D’ailleurs, quelque chose de pas très impressionnant malgré certaines sources disant que jusqu’à 60 000 homme sont concentrées ; Mercouris déglutit un peu et s’en tient à 20 000... D’ailleurs, cette “grande offensive” semble être faite d’une addition de pseudo-offensives, dont même des chefs ukrainiens rigolent en mangeant de la pastèque sans trop se préoccuper des pertes importantes sinon massives comme d’habitude... Explication de la pastèque :
« Le 15 octobre, une autre grande opération offensive dans la région de Kherson s'est soldée par de lourdes pertes pour l'AFU et aucun gain sur les lignes de front. Au même moment, le commandant militaire ukrainien était interviewé à la télévision nationale. Il a ri et a mangé une pastèque.
» Il y a beaucoup de pastèques qui poussent dans la région fertile qui a récemment quitté l'Ukraine pour entrer dans la Fédération de Russie. Le signal du commandant ukrainien était clair et semblait drôle pour son interlocuteur. Cependant, les militaires ukrainiens déployés sur les lignes de front n'ont probablement pas ri, car les commentaires sont arrivés trop tôt et l'AFU n'a pas eu le temps de compter les pertes.
» C'est aussi un exemple clair de la couverture médiatique insensée des développements militaires dans le pays déchiré par la guerre. »
Le point auquel s’attache Mercouris, redevenu sérieux, est que “la fenêtre d’opportunité” pour une attaque ukrainienne est en train de se fermer à cause de la saison. Les pluies d’automne sont là et, bientôt, le terrain sera trop boueux pour une progression offensive. (Après, il redeviendra chenillable sur le sol glacé et bientôt gelé.) Or, une chose a marqué Mercouris : plusieurs articles du ‘Financial Times’ (FT), de la semaine dernière parlant de cette offensive sur Kherson, – c’est-à-dire, pour eux la reprise de Kherson comme si c’était déjà fait, – avec l’un de ces articles disant que l’Ukraine avait, notamment selon les estimations US, jusqu’à la mi-novembre pour reprendre Kherson à cause des conditions climatiques. Certes, le FT a toujours eu de bonnes relations avec les administrations US (qui en douterait ?), mais Mercouris insiste pour nous préciser qu’elles sont particulièrement bonnes avec l’administrations Biden, avec l’influence qu’on imagine de l’une sur l’autre, et éventuellement vice-versa... Et alors, quel rapport avec l’offensive contre Kherson et le temps qu’il fait ? Mercouris nous confie le fruit d’une nuit de sommeil passée sur ces différents éléments, et l’évidence devient alors irrésistible, comme un sourire de Biden :
« Le choix de la mi-novembre [lorsque les sols sont particulièrement boueux avant qu’ils ne commencent à durcir du fait du froid hivernal] me semblait particulièrement étrange [jusqu’à ce que je réalise] qu’il avait moins à voir avec le climat qu’avec les élections midterms aux USA... Et en fait, il semble y avoir une opposition grandissante aux USA à la guerre en Ukraine et à son financement... Et il se pourrait bien que le réel souci de l’administration Biden pour le temps qu’il fera à Kherson à la mi-novembre ait moins à voir avec les conditions propices à une offensive qu’avec l’état d’esprit des électeurs US le 8 novembre... »
En d’autres termes : prenez Kherson par tous les temps, en pataugeant dans la boue, “quoi qu’il en coûte“ comme disait l’autre, en cadavres sans compter d’hommes et carcasses déjà rouillées de matériels, pour, au dernier moment, convaincre l’électeur hésitant du New Hampshire et du Colorado, et surtout pour venir à l’aide de la malheureuse Alexandria Ocasio-Cortez. Cela n’est pas si mal pensé (je veux dire, du côté US, où l’on pense).
Ainsi raisonne l’administration Biden, dont l’élan et l’esprit d’entreprise sont à l’image de son chef-président : progressant dans le noir, tendant des mains amicales vers des ombres improbables, tapotant les joues râpeuses des spectres des combattants de la démocratie, laissant tout ce beau monde se faire écraser par des chars embourbés, attendant enfin l’électeur-miracle qui comprendra qu’à Kherson l’on se bat pour la démocratie du système de l’américanisme à la façon d’Hunter Biden, contre la corruption du système de la modernité par les hydres hideuses se réclamant du sinistre visage de la traîtresse Gabbard.
Certes, cette question vient clore ce rapide panorama qui vit de part et d’autre d’étranges chassés-croisés d’interprétations imaginaires, de superbes journalistes du FT qui s’entend si bien avec la Maison-Blanche nous expliquer qu’en novembre il ne pleut pas plus qu’en octobre, et toutes cette sorte de choses tourbillonnant dans la tempête du système de la communication.
Chacun avec ses tics et ses vices, chacun avec sa manière du désordre insaisissable. C’est là la grande leçon de l’humanité se débattant dans le plus extraordinaire soulèvement des perceptions et des psychologies que nous ayons connu, entre les malins et les habiles, soulèvement provoqué par la force maîtresse des comportements humains qu’est la communication portée à un tel degré de fusion que jamais personne n’aurait pu en imaginer un de semblable jusqu’à croire y voir l’image de Dieu.
Vous notez sans aucun doute que les observations anecdotiques qui sont faites ici ou là, d’un côté et de l’autre, sous le regard à la fois ingénu et ironique d’un Mercouris, – le personnage est ici parfaitement à sa place, – finissent par mettre en évidence combien le désordre, le brouillard furieux de la guerre qui enveloppe aussi bien Kherson que Washington, que Moscou à l’occasion, ne peut que s’incliner devant la force de l’immense événement en marche. Qu’ils fassent ceci d’un côté, cela de l’autre, qu’ils se montrent confus et contradictoires ici, simulacres et stupides de l’autre, rien ne change de l’orientation fondamentale qui nous est dictée d’Au-Dessus de nous.
Le changement, la modification par rapport à nos expériences passées, c’est que toutes ces agitations incroyables, tout ce déferlement d’une puissance sans précédent, – je parle de communication, – ne font qu’accélérer d’une façon exponentielle l’inéluctable progression de l’Événement dont l’accomplissement final sera la complète réalisation de l’explosion cosmique et finale de la GrandeCrise.
Je me suis fait une religion, je l’ai déjà écrit, de ne pas m’aventurer sur les terrains mouvants de l’observation commentée des événements classiques, humains et déformés systématiquement, de cette guerre à la fois tragique et héroïque (voyez les vidéos d’Erwan Castel), et complètement, absolument baroque et bouffonne dans les prodigieux écarts d’observation et d’interprétation. Ici, comme cela m’est tout de même déjà arrivé, je déroge à cette règle inflexible pour aller trifouiller dans les débris épars des perceptions et des psychologies les signes confortant ce que je crois être une conviction conduisant mon regard fatigué et ma plume que je veux jusqu’au bout tenir d’une main ferme.
Cette guerre n’est pas faite pour vaincre (“vaincre qui que ce soit”). Elle est faite pour convaincre que nos temps-devenus-fous dissimulent des vérités nouvelles, – vérités-de-situation, certes, mais qui transmuent absolument la vérité du monde...
Cette guerre n’est pas faite pour vaincre mais pour nous convaincre qu’au-delà des temps-devenus-fous, une chose inconnue nous attend ; et cette chose-là (le “je” de la citation), immense comme l’éternité, qui nous dit, comme le poète mais sans savoir moi-même si jamais il pensa comme j’y pense en reprenant ses propres mots, car c’est comme si nous allions retrouver une Unité perdue, partant vers l’avenir qui rejoindrait le passé grandi d’un cycle cosmique accompli, :
« Vienne la nuit sonne l’heure,
» Les jours s’en vont je demeure... »
(Étrange façon, sans l’avoir voulu je le jure, de terminer sur ces mots d’un poète qui mélange à la va-vite et sans aucun goût de l’ordre les origines de deux pays, – le pays russe et le pays polonais mais bien russe du temps de sa naissance, – plongés dans cette guerre improbable et incroyable, lui-même mort deux jours avant la paix des suites de la Grande Guerre : Guillaume Albert Vladimir Alexandre Apollinaire de Kostrowitzky.)
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