Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
2865Ci-dessous, nous vous présentons le texte de la conférence donnée par Philippe Grasset le 27 novembre 2002, pour un déjeuner-débat du CHEAr (Centre des Hautes Études de l'Armement), à Paris.
Le texte est présenté dans sa forme originelle, avec des points successifs développés.
1). Notre approche de la question des exportations d'armement (aéronautique militaire) entre USA et Europe, et exclusivement dans le sens USA-Europe cela va sans dire, avec l'impact politique qui accompagne ce phénomène considérable et très long, sera essentiellement historique et politique, voire culturelle et symbolique. C'est-à-dire sans peu d'attention ni d'intérêt pour les aspects techniques, technologiques et industriels, et opérationnels.
2). Ce point de vue nous paraît justifié par son intérêt propre, mais aussi parce qu'il rencontre une caractéristique de notre époque, — une époque où la soft power (l'influence, les perceptions différentes des situations, etc) tend à prendre une importance grandissante.
3). Ce point de vue non-technique et non-industriel sur le sujet spécifique de l'aviation nous paraît justifié également par un aspect symbolique très important qui rend compte aussi bien de la situation politique et technologique que de la situation culturelle actuelle. L'aviation est la grande invention de fin du XIXe, début du XXe siècle avec le cinéma. L'aviation est la matrice de la puissance militaire, industrielle et technologique (le cinéma est la matrice de la puissance culturelle, de communication et de l'image). L'origine de l'aviation est débattue entre la France et les USA, comme la concurrence dans l'aviation oppose aujourd'hui ces deux pays (mêmes situations historique et actuelle pour le cinéma). Dans ce cas, on peut estimer que la France est une bonne représentante de l'Europe, ce qui conduit à une opposition Europe-USA.
4). De même, on comprend que l'étude de cette problématique des rapports USA-Europe pour l'aéronautique militaire nous conduit à une description quasi-fondamentale de la problématique de ce qu'on nomme la “défense européenne”, c'est-à-dire, ce que nous désignons comme l'enjeu fondamental de l'Europe.
5). Par anglo-saxon, nous entendons UK et USA. A l'origine des special relationships existantes depuis 1941, il y a une démarche britannique, identifiée à partir de 1877 avec Sir Cecil Rhodes, qui entend tout faire pour sauvegarder l'Empire britannique qu'il sent devenir vulnérable. L'idée britannique est de tenter de contrôler la puissance américaine dans un sens qui protégera l'empire.
6). En 1941, ce qu'on nomme “la Grande Alliance” est nouée entre Churchill et Roosevelt, avec la Charte de l'Atlantique. Cette alliance, qui, du côté britannique, concerne essentiellement Churchill et a moins de soutien qu'on croit, implique diverses coopérations. Certains domaines (assez peu) sont très fortement concernés. Parmi ceux-ci, l'aviation et ses matières technologiques. L'aviation sera donc un des rares champs favoris de l'entente anglo-saxonne et une véritable mystique y sera développée. Cette coopération dans le domaine de l'aviation sera un des réceptacles de l'esprit transatlantique.
7). Après la guerre, très naturellement, USA et UK se partagent le marché européen. Mais l'Europe n'est pas un marché, c'est un champ de ruines. L'Europe est totalement détruite, il s'agit de la réarmer, de la rééquiper. On peut difficilement parler d'un investissement de caractère commercial. Ce qui s'installe en Europe dans ce domaine de l'aviation militaire, c'est une légitimité absolue de l'ordre anglo-saxon né de la guerre. (Si l'on veut, le Plan Marshall apportera, derrière son aspect économique et financier, une caution quasiment spirituelle à cette situation.)
8). Les programmes d'équipement d'aviation militaire se développent en fonction de l'organisation collective OTAN, ce sont des programmes assortis de dons, de prêts, voire d'aide à la relance de chaînes industrielles, de sous-traitance, ou de programmes suscités par l'OTAN elle-même. Il s'agit de la gestion générale, du redressement d'un marché évidemment perçu comme légitime. Pendant cette période, l'esprit du Plan Marshall règne.
8). A côté de cette appréciation générale, dans le détail de ce grand champ stratégico-spirituel, il y a une évolution. De 1945 à 1973, la principale évolution, c'est la rapide disparition du Royaume Uni comme puissance majeure. Au condominium UK-USA de 1945 se substitue rapidement la domination solitaire de la seule Amérique. C'est une domination qui porte sur toutes les matières stratégiques et politiques, et essentiellement pour ce qui nous concerne sur les matières de l'aviation militaire.
9). La marque de cette domination, son symbole, son verrou également, c'est le programme de l'avion de combat Lockheed F-104 Starfighter, auquel bien peu de pays européens échappent à la fin des années 1950 et au début des années 1960. Cette domination est à la fois directe, à la fois par le biais d'un système militaro-industriel essentiellement basé sur l'OTAN. Cette domination n'est pas spécifique, elle fait partie ce la domination absolue de l'Europe par les USA au niveau politique, économique, militaire, culturel, et elle est alors beaucoup plus grande qu'aujourd'hui. La domination US de l'Europe (avec élimination du Royaume Uni) atteint son zénith dans les années 1960.
11). A cette règle générale pour la période, comme c'est toujours le cas, il y a une exception. Evidemment, elle est française.
11). L'aéronautique française est dans un état apocalyptique en 1945. Les Français vont travailler dur pour faire renaître leur aviation et, au moins jusqu'en 1955, ils y seront aidés par les Anglo-Saxons (UK, puis US) au nom de la nécessité de la sécurité collective. Cette renaissance de l'aviation française, compte tenu des effets obtenus et de la position française aujourd'hui, est un des grands événements de la période, et l'un des plus systématiquement ignorés et étouffés.
12). Le Royaume-Uni a joué un rôle particulier, très particulier, qui n'a peut-être pas assez été mesuré en France. Dès 1943-44, la perception générale des Britanniques était qu'il fallait à tout prix que la France retrouvât sa puissance après la guerre, pour retrouver sa place stratégique centrale de contrepoids à l'Allemagne et/ou face à l'URSS. Des hommes comme Duff Cooper (l'ambassadeur UK à Paris, qui fit le Traité de Dunkerque de 1946) songèrent sérieusement à une alliance européenne avec la France, et on pourrait reprocher à de Gaulle en 1944-46 de n'y avoir pas assez cru. Jusqu'en 1950, UK fournira une aide militaire sérieuse à la France pour son relèvement.
13). Durant la décennie 1950, la France va développer son aviation dans un cadre général auquel les Anglo-Saxons, essentiellement les USA, ne virent que du feu (les Américains aidèrent la France au niveau aéronautique, dans tous les cas jusqu'en 1955). Les Américains ne virent pas à leur juste valeur le développement de l'aviation française, ni celui de la bombe (le nucléaire militaire), c'est-à-dire qu'ils ne virent rien de la marche irrésistible vers l'indépendance et l'autonomie de la France. En 1960, la France est déjà un phénomène complet en Europe occidentale : elle a échappé, politiquement et techniquement, au système transatlantique qui cadenasse tous les autres, et auquel, en fait, malgré la compromission d'une bonne partie du personnel de la IVe République, elle n'a jamais appartenu.
14). La France connaîtra son expansion aéronautique, au travers de l'exportation, vers des pays non-européens. Elle a tenté un grand coup, la vente du Mirage III à l'Allemagne (une affaire de plus de 700 exemplaires). L'affaire échoue (l'Allemagne choisit le F-104) essentiellement à cause des quiproquos : l'Allemagne voulait parallèlement une coopération nucléaire qui lui permis, à elle, l'Allemagne, de figurer comme un partenaire au plus haut niveau (niveau UK) des Américains au sein de l'Alliance ; pour les Allemands, il s'agit d'aménager l'allégeance évidente aux USA dans les sens des intérêts au sein de la communauté atlantiste. Pour les français, il s'agit de verrouiller l'indépendance. On ne parle pas de la même chose. L'entente de Gaulle-Adenauer prolonge en survie artificielle les espérances d'une grande coopération France-Allemagne pouvant influer décisivement sur la situation en Europe mais tout cela se dissipe avec la disparition d'Adenauer et la fin de l'alliance maximale avec l'Allemagne. La France, en un sens, se retire d'une Europe sous complet contrôle US.
15). Tout de même, une exception : la vente du Mirage M5 à la Belgique en 1968. Ce petit marché annonce de grands événements.
16). La vente, en juin 1975, du F-16 américain à quatre pays européens de l'OTAN regroupés en un pool (Belgique, Pays-Bas, Danemark, Norvège, pour 348 exemplaires en tout, devant remplacer les F-104 dans ces pays) représente un événement considérable de notre domaine. C'est même l'événement central. Il fut surnommé “le marché du siècle”, ce qui est abusif dans les faits et justifié pour notre interprétation. Il est le pivot de toute notre analyse.
17). Personne n'était prêt. L'événement n'aurait pas du avoir lieu (l'événement étant le fait du regroupement de ces 4 pays). A l'automne 1973, le gouvernement belge d'André Leburton était sur le point de signer un contrat achetant le Mirage F1 pour remplacer les F-104 de la Force Aérienne. Au dernier moment, on annula : le gouvernement Leburton venait de tomber et on ne pouvait inclure une telle décision dans les “affaires courantes”. A ce moment, les Français l'avaient emporté sans grandes difficultés. Il faut dire qu'il n'y avait guère de concurrence. Surtout : les Américains n'étaient pas présents. Ce fait est essentiel, bien sûr.
18). L'explication de l'absence américaine est multiple. Elle tient essentiellement à des facteurs internes : le conflit du Viet-nâm accapare l'attention des US. L'USAF, qui a pris du retard dans le développement d'une nouvelle génération d'avions de combat, recherche des avions de plus en plus gros et de plus en plus puissants, inadéquats pour les Européens. Le F-15 Eagle développé en 5 ans (programme FX, de 1966 à 1972 : une réussite sans précédent, la dernière de l'industrie US) n'est pas offert aux 4 pays. Le F-5 est, par contre, trop petit, trop peu puissants, déjà vieux, etc. Le F-4 est dépassé. Bref, les US n'ont rien.
19). Si ... Depuis fin 1972, ils ont un petit programme de démonstration technologique, lancé pour satisfaire l'aile réformatrice de l'USAF qui réclame des chasseurs légers pour bloquer la course à l'inflation générale : le programme Light Weight Fighter, doté de $70 millions, permettant de construire 2 démonstrateurs des deux concurrents choisis: deux YF-16 de General Dynamics, deux YF-17 de Northrop. La situation est très trouble aux USA : scandale du Watergate, trois Secrétaires à la défense successifs en un an en 1973 (Laird, Richardson, Schlesinger). Les “réformistes” en profitent pour tenter un coup d'éclat : faire de LWF un programme export pour l'Europe, où l'ambassade US à Bruxelles signale que les Américains sont absents face à de nouveaux marchés ; l'importance de l'enjeu obligera l'USAF à s'engager, puisque ce sera vite l'une des conditions du choix de l'avion US par les pays européens. Le LWF deviendra en 1975 le programme ACF (Air Combat Fighter) et la partie low du nouveau concept de l'USAF (high-low mix signifiant qu'on mélange des avions de combat très puissants et très chers à des avions moins puissants et moins chers).
20). Parallèlement, les US et l'OTAN suscitent un regroupement de 4 pays ayant le même besoin (remplacer les F-104): Belgique, Pays-Bas, Danemark, Norvège. Cela leur donne une puissance plus grande comme interlocuteur unique, avec une commande de 348 avions : les quatre petits pays deviennent “un grand pays”. Le marché devient un marché OTAN, ce à quoi personne ne trouve à redire, sauf peut-être les Français. Tout cela est ficelé en l'espace de quelques semaines, fin 1973-début 1974. Commence alors une fantastique compétition surnommée “le marché du siècle”, principalement entre deux Américains (YF-16 et YF-17), un Français (le FI-M53 u F1-E), et, en position d'outsider, le Viggen suédois. On verra même le Jaguar franco-anglais, présenté par les Anglais.
21). Il est important, tactiquement, pour comprendre l'intensité du marché, de savoir que la compétition a lieu aussi, parallèlement aux USA, le YF-16 ne l'emportant sur le YF-17 (futur F-18) qu'au début de 1975. Les US sont donc obligés à une véritable “compétition ouverte” et le soutien du DoD reste malaisé (refus d'interférence sur la compétition US).
22). Ce marché va être exceptionnel par son “ouverture” médiatique. Il sera pendant plus d'un an une affaire d'intérêt général, cas unique pour une commande militaire. Il mobilise les journalistes non spécialisés, est un des sujets favoris des JT, etc. Rythme incroyable de conférences de presse, d'alimentations en nouvelles, de voyages organisés, etc.
23). Le grand phénomène : en quittant le domaine spécialisé de la défense où les non-dits abondent, et où le principal non-dit est l'acceptation de la prépondérance US, le débat débouche sur le domaine général où l'affirmation générale est : l'Europe. Ainsi, tous les journalistes, habitués à une approche européenne, vont développer une seule argumentation : pourquoi n'y a-t-il pas un concurrent européen qui l'emporterait face aux US ? Dassault tente bien de dire : “je suis européen”, mais tout le monde répond, l'air entendu : “il est français”. Même si ce jugement est injuste mais pas tout à fait faux, il débouche sur une conclusion unanime : plus jamais ça ! Plus jamais de compétition de cette sorte sans un vrai candidat européen.
24). Le résultat du “marché du siècle” est simple et il est colossal : une formidable victoire tactique pour les USA payée d'une immense défaite stratégique, passée inaperçue alors. Désormais, la légitimité de la défense et de la sécurité européenne est passée des USA à une “défense européenne”, pour l'instant complètement mythique mais qui aura la peau dure, qui est indestructible, comme l'est un mythe.
25). Si l'on veut manier le paradoxe : cette formidable victoire tactique US, aux dépens notamment des Français (vente de 348 avions US à l'Europe, échec du F1-E) est une formidable victoire stratégique française (installation du mythe de la défense européenne), car seule la France est à l'aise avec le concept de “défense européenne”, qui doit être évidemment autonome et indépendante. Désormais, et officiellement, une défense européenne officiellement soumise aux US devient un péché, et une défense européenne autonome, un but accepté par tous.
26). Effectivement, nous assistons à une véritable dynamique européenne institutionnelle et médiatique. Le choix belge du F-16 a été accompagné de la promesse d'une étude de la question de la défense européenne. C'est le “rapport Tindemans”, présenté en 1976 par le premier ministre belge. D'autres initiatives: la création du GEIP en 1977, la relance de l'UEO en 1983, etc, l'évolution vers une Agence européenne de l'Armement, etc. Aucun résultat.
28). Ensuite, c'est le tour de l'industrie, dans les années 1990, avec une restructuration considérable qui doit déboucher sur une situation européenne décisive. Etait-elle nécessaire ? C'est à voir. Pour les Américains, c'était une question de vie ou de mort, pour éviter l'effondrement à cause des capacités de sur-production, comme l'ont expliqué de façon très claire Norman Augustine et Dan Talep, patrons de Martin-Marietta et de Lockheed, le 1er septembre 1994 (annonce de la fusion entre Lockheed et Martin-Marietta). Les Européens ont pris cette opération de survie pour une formule de succès. Ils ont suivi, sans réelle justification et obtenant comme résultat, au travers d'une privatisation précipitée, de se mettre dans une position souvent vulnérable dans la mesure où aucun cadre politique ni la moindre impulsion de production, ni le moindre équivalent européen du Buy American Act n'étaient là pour les renforcer. Aucune “défense européenne” n'étant en place, on envoyait l'industrie européenne à la bataille sans armes, sans plans, sans mission.
29). Cette période semble celle de toutes les tromperies. Le cadre institutionnel européen et l'industrie européenne ont été lancés dans une “défense européenne” imposée par le discours politique mais nullement transcrite dans la politique elle-même. Période de faux-semblants, de tromperies où rien de décisif ne fut réalisé.
30). Si un grand événement tout de même : l'évolution britannique avec le sommet de Saint-Malo de décembre 1998. Cette évolution confrontée avec l'actuelle situation du Royaume-Uni engagé dans une politique essentiellement pro-américaine dans la crise irakienne a pour avantage de montrer l'ambiguïté et la contradiction insurmontable d'un engagement US et d'un engagement européen. (Simplement parce que cette alliance avec les USA fait comprendre aux Britanniques que, pour la maintenir, il faut ralentir les projets de défense commune européenne alors que Saint-Malo est tout le contraire.) Saint-Malo est important par sa démonstration par l'absurde, parce qu'on peut observer combien il est impossible de faire une “défense européenne” avec des demi-mesures, et qu'une “défense européenne” passe par une rupture avec les liens traditionnels avec les US. Par contraste, le seul pays à l'aise, puisque logique avec lui-même, reste la France et sa logique d'une “défense européenne” évidemment fondée sur l'autonomie et l'indépendance. Beaucoup plus d'Européens que ne pensent les Français eux-mêmes admettent désormais cette logique française et c'est un événement formidable auquel les Français, qui ne connaissent rien de l'état d'allégeance des autres Européens aux USA, ne prêtent pas assez attention.
31). Le constat ici est que l'Europe laissée à elle-même depuis la période 1973-75 n'a pu faire une “défense européenne” parce qu'elle n'a jamais voulu envisager le fait politique impliqué par une “défense européenne”, qui implique une rupture avec les liens traditionnels de l'Amérique, du temps où l'Amérique avait une légitimité européenne..
32). Voici donc l'Europe arrivée en 2002. On devrait penser par conséquent que c'est en toute logique que les Américains réussirent à imposer leur JSF, au printemps dernier, avec 5 pays européens entrant dans le programme, et que c'est la conclusion de notre aventure d'une soi-disant “défense européenne”.
33). Pourtant, non, l'investissement de l'Europe par le JSF est loin de régler et de conclure notre affaire. Cela s'est vraiment passé comme un investissement, une attaque extérieure, dans des conditions parfois déshonorantes, dignes d'une république bananière (). L'affaire a été menée sans la moindre appréciation politique, uniquement sous la poussée d'intérêts industriels et d'actions douteuses, sans aucune évaluation politique Les Américains nous ont démontrés à cette occasion qu'effectivement leur légitimité du temps du Plan Marshall n'existe plus.
34). Dès que l'appréciation politique surgit, aussitôt la question du JSF est perçue comme une agression. Les réactions chez les hommes politiques européens, qui commencent, depuis le début de l'automne, à découvrir ce qui s'est passé, sont résumées par une seule attitude : la dénonciation d'une agression. L'intervention US est même ressentie dans certains milieux européens comme un “appel aux armes” et une relance de la logique nécessaire d'une “défense européenne” au niveau des R&D, des acquisitions, etc. C'est la confirmation de la fin de la légitimité US.
35). Tout cela aura-t-il un effet ? Nul ne peut le dire. Nous sommes vraiment à un moment-clé, ce qui correspond effectivement aux réalités de la situation des relations internationales. La vision politique commence à percevoir le programme JSF comme la cause possible de l'échec définitif de l'Europe au niveau de la défense européenne, de l'industrie européenne et tout ce qui va avec, c'est-à-dire souveraineté et autonomie, — c'est-à-dire, l'échec de l'Europe tout court, pour ceux qui conçoivent effectivement une Europe. Cette réalité commence à se répandre comme une évidence. C'est une indication qu'on a pris la mesure du défi américain, événement sans précédent en Europe.
37). Cette réaction perçue aujourd'hui d'une manière officieuse sera-t-elle transcrite en termes publics ? C'est aujourd'hui une question posée, à laquelle nous ne pouvons répondre. Mais l'ambiguïté n'existe plus : le choix américain n'est plus perçue comme un choix favorable à l'Europe ; il est désormais perçu comme un choix hostile à l'Europe. L'événement de la rupture commence à entrer dans la situation politique transatlantique.
38). Peut-être est-il trop tard, peut-être pas. Mais voilà un événement terrible et d'une importance incalculable : pour la première fois depuis 1945, pour la première fois dans une situation générale débarrassée des pesanteurs du passé, les enjeux apparaissent clairement.