Les fondements du souverainisme — par Damien Arnaud

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Les fondements du souverainisme

Par Damien Arnaud

On ne bâtit pas impunément sur l’erreur.

H. Le Caron

INTRODUCTION

Le souverainisme revient, en France comme ailleurs, et c'est une excellente chose. La raison principale en est que la dissolution de l'autorité a un effet tellement pervers sur toutes les structures que nombre de pouvoirs constitués militent en faveur de sa restauration; pour la mener à bien, il faut qu'un souverain existe et qu'il incarne l'autorité. Le grand défi auquel va faire face la société à l'avenir est la rénovation du souverainisme.

Le concept de souveraineté a introduit l'Etat moderne et toute la politique moderne s'est ensuite construite sur ces bases philosophiques et historiques. Au fil du temps, le souverainisme s'est corrompu, pour toutes sortes de raisons qu'il n'est pas de l'ambition de cet article de traiter. Le résultat aujourd'hui? La liberté des peuples et des individus et leur épanouissement, est au plus bas depuis des décennies sinon des siècles. Une mise à jour s'impose donc, parce que les racines du souverainisme, les racines de l'Etat moderne, résident dans un terreau complètement daté: Marsile de Padoue (1275-1343), Nicolo Machiavelli (1469-1527), Jean Bodin (1520-1596). En 2002, il ne reste de ce terreau appauvri que des contradictions et des paradoxes; une inertie, aussi, certes, mais, malgré tout, l'impression chaque jour confirmée que le changement doit être enfin pensé et imaginé. Il faut une remise en terre, une refondation du concept de souveraineté.

Je propose ici une réflexion en trois temps:

1. D'abord, la description et l'explication du vide actuel qui attire les grands retours qu'on annonce plus haut;

2. Ensuite la mise au jour de ce que sont les racines du souverainisme moderne et l'explication de l’hypothèse selon laquelle ce souverainisme est fondamentalement inadapté;

3. Enfin ce qu'un souverainisme catholique, défini au préalable dans ses grandes lignes, a de moderne et d'adapté à la situation de la France et de l'Europe d'aujourd'hui.

I – LE VIDE ACTUEL

Il faut dans un premier temps définir les concepts, à l'aide de philosophes et d'analystes ayant réfléchi longuement sur ces questions, et proposer ensuite une explication du vide actuel. Nous disions plus haut que si le souverainisme revient, c'est parce que les promoteurs d'une incarnation plus marquée de l'autorité le souhaitent et y travaillent.

Nous proposons trois définitions de l’autorité: celle de Michel Guénaire , avocat international et ancien maître de conférence à l'Institut d'études politiques de Paris, de Jacques Maritain , écrivain catholique du milieu du XXème siècle, et de Guglielmo Ferrero , historien italien contemporain.

Guénaire: “ni état, ni puissance publique organisée, ni pouvoir du plus fort, l'autorité est la faculté d'entraînement ou de regroupement du Prince qui est à l'origine de la société.”

Maritain: “le droit de diriger et de commander, d'être écouté ou obéi d'autrui.”

Ferrero: “le droit de commander, soit l'autorité, est établi par la conformité à l'un ou l'autre de quatre principes possibles du pouvoir et des procédés qu'il emploie: l'électif, l'héréditaire, l'aristo-monarchique et le démocratique, aucun des quatre n'étant supérieur aux autres.”

On pourrait conclure, donc, que pour qu'il y ait autorité, il faut un prince, un souverain.

L'autorité n'est quasiment plus, au jour d'aujourd'hui. Sans doute, comme le suggère Ferrero, le pouvoir n'est-il plus conforme aux principes. Guénaire, lui, suggère que le sujet de l'Etat moderne n'a plus de relation déterminée avec le Prince: “Dans l'empire lâche de la société, il n'y a pas de lien concret avec une autorité. La société regarde l'autorité. Elle ne s'agrège plus à partir d'elle. L'autorité lui parle cependant encore, mais c'est de manière insignifiante. Ses gestes commandent l'ordre, ou le désordre. Sa conduite inspire la confiance, ou la défiance. Son action inspire l'engouement, ou l'apathie”. Platon expliquait, lui, qu'il était possible de considérer la démocratie comme corrompue lorsque les gouvernants perdent le sens de l'autorité et font de manière exagérée la cour aux gouvernés. Plus récemment, Raymond Aron prévenait après la guerre que la démocratie se prêtait plus particulièrement à ce qu'il appelait la dissolution de l'autorité parce que sa faiblesse première était de pousser trop loin l'esprit de compromis. Bref, l'autorité n'est quasiment plus parce que les structures sont corrompues.

Confrontés à la déliquescence à peu près achevée du concept d'autorité, les hommes ont le sentiment diffus que ce concept était nécessaire malgré tout. Son absence a créé des problèmes inédits, elle appauvrit tout un ensemble de choses sur quoi, in fine, la liberté des peuples et des personnes doit pouvoir s'appuyer. La ruine de l'autorité et du principe d'autorité au profit du pouvoir sans autorité, sans fondement de droit et sans limite, se consomme dans l'Etat totalitaire. C'est Maritain qui le dit. Quant à Guénaire, il rappelle que le défi de survie des groupes est la première cause de leur adhésion à l'autorité. On en conclut que l'autorité est nécessaire, du moins à la vie du corps politique autonome que nous connaissons aujourd'hui encore sous le nom d'Etat-Nation, et que certaines forces politiques recherchent dans le souverainisme le véhicule pour introduire le retour de l'autorité. Sans elle, en effet, le désordre doit régner et la liberté s'étioler.

II – LES RACINES DU SOUVERAINISME MODERNE

Avant d'envisager un souverainisme propre aux enjeux de l'avenir, il faut d'abord comprendre ce qu'a été la souveraineté jusqu'à aujourd'hui. En cherchant un peu, l’on trouve ainsi des définitions récentes que l'on est ensuite amené à valider par les racines, dans les décennies du milieu du XVI siècle (1513-1576), celles-là même qui ont introduit l'ère moderne dans l'Histoire. Bertrand de Jouvenel (4), au XXème siècle, définit la souveraineté comme “un concept juridique — l'idée qu'il y a quelque part un droit auquel tous les autres cèdent. Ce peut être le droit de Dieu, Sa volonté; ou le droit de la communauté, la volonté générale.” Il définit aussi la souveraineté comme un concept métaphysique – “une volonté suprême ordonne et régit la communauté humaine, une volonté bonne par nature et à quoi il serait coupable de s'opposer, volonté Divine ou volonté générale.”

Le choix face à cette alternative entre une souveraineté divine et une souveraineté populaire a été fait, pour ce qui concerne notre ère moderne, par deux personnes, suivies ensuite de plusieurs autres comme Rousseau, Hobbes et Locke: Nicolo Machiavelli dans Le Prince (1513), et Jean Bodin dans les 6 Livres de La République (1576). Comme nous l’a dit la source académique principale à laquelle nous nous référons (nous allons beaucoup nous appuyer sur G. Mairet) (5), le principe de souveraineté tel qu'il est établi par Machiavel et Bodin est le principe moderne de la politique profane. Voyons brièvement l'apport philosophique de chacun des deux.

Machiavel

Le projet machiavellien, d'après Mairet, libère la politique de la tutelle philosophico-théologique où elle se trouve. Pour lui, la vérité en politique est qu'elle est historique et non hors du devenir: Machiavel appelle cela la nécessité. Mairet dit que la liaison entre la nécessité et la souveraineté procure le cadre de la modernité politique. La motivation première et profonde du pouvoir est la nécessité, non la vertu.

Le premier principe machiavellien, dans ce cadre de la souveraineté / nécessité, c'est que la politique est de l'ordre de l'être, non du devoir être. “On ne construit pas un ordre politique avec des idées; la philosophie n'est pas le guide de l'action et le monde n'est pas gouverné par les idées. Le monde de la politique historique est celui de la force.” (6)

Le deuxième principe machiavellien est que le juste, et généralement la morale, procède de l'action, non l'inverse. “L'action politique n'est pas orientée par la vertu morale, ni fondée sur elle; elle repose au contraire sur la ''virtù'' du prince, c'est à dire sur sa capacité intellectuelle et tactique à s'approprier la nécessité.” (6) Autrement dit, le juste est un effet de la force. Ou autrement encore, la vertu procède de la loi, non la loi de la vertu. Or, la loi procède de la souveraineté, elle procède de la volonté du souverain.

Pour Machiavel, donc, l'Etat, ou l'autorité, est fondé par un homme et une volonté, à l'aide de la force, qui lui permet de donner des lois. Le danger que relève Mairet est que le juste dépende de la loi alors que celle-ci dépend de la force. Il y a donc toujours la possibilité que la force devienne loi sous la contrainte de la “nécessité”.

D'autres politologues ont dit sensiblement la même chose sur Machiavel. Voyons par exemple Jean-Jacques Chevallier, qui confirme Mairet et l'enrichit d'autres perspectives. Ainsi pour Chevallier, trois choses sont importantes à retenir: séparation, autonomie et priorité. Le nouvel Etat est séparé de l'Eglise, le monde politique du monde moral; sa politique, ensuite, est autonome, elle est sa propre fin; et enfin, la priorité va au politique, non au reste. Grand pessimiste, Machiavel s'intéresse à l'Etat davantage qu'aux fins individuelles: “les hommes étant ce qu'ils sont, l'Etat ne représente-t-il pas ce qui a pu être trouvé de mieux, ou de moins mauvais, pour les utiliser en ce qu'ils ont de bien et les contenir en ce qu'ils ont de mal, pour régulariser leurs relations mutuelles?” (6)

Machiavel est celui qui refuse la malhonnêteté de dire vrai ce qui ne l'est pas. Il veut agir sur la base de réalités vécues, non sur des dogmes que les hommes n'appliquent pas. En ce sens, son apport n'est pas négatif. Je pense en particulier à l’importance qu’il accorde à l'action, et nous pourrions trouver une appréciation catholique de l'action sans trop de difficulté. Il y a donc sans doute dans Machiavel une partie saine. Mais il faut voir aussi ce qu'il y a de problématique dans son désintérêt pour les destins individuels par rapport au rôle de l'Etat, grand régulateur des relations entre les hommes. Supposons qu'il n'a peut-être rien à dire sur le salut des hommes pris chacun dans leur dimension unique. Malheureusement, de sa part de vérité partielle va sortir un dogme politique qui informera cette discipline cinq siècles durant.

Jacques Maritain est pour sa part très critique. Pour lui, Machiavel aurait seulement fait émerger dans la sphère de la conscience les moeurs propres à son temps et des pratiques communes aux politiciens de puissance de tous les temps. (6) Maritain l’accuse d’avoir mal agi en ayant érigé la politique de puissance au rang du droit: “Ce qui était simple fait, avec toute la faiblesse et l'inconsistance qui affecte, même dans le mal, les choses accidentelles et contingentes, après Machiavel est devenu droit, avec toute la fermeté et la solidité propres aux choses nécessaires.” (6)

Pour conclure la séparation entre l’Eglise et l’Etat nous semble avoir été menée à l’excès, car la politique, comme toute autre activité humaine, n’est pas exemptée des conséquences inévitables de l’immoralité; ensuite, la politique n’est pas sa propre fin; et enfin, elle n’est peut-être pas prioritaire. Bref, la caractérisation utile de Chevallier nous fournit trois catégories pour contrer Machiavel.

Bodin

Jean Bodin intervient dans le débat soixante-trois ans seulement après Machiavel, en 1576. Gérard Mairet nie d'abord que Bodin soit l'anti-Machiavel, comme le pense peut-être Maritain qui dit que Bodin a critiqué Le Prince avec sagacité et profondeur. (6) D’après Mairet, la souveraineté, en ses origines, est l'élimination même de toute fondation chrétienne de l'autorité. (6) De manière similaire à son prédécesseur, Bodin pense que l'Etat est d'origine historique et humaine et qu'il est fondé sur la force. La souveraineté, elle, est la puissance de donner loi, soit la volonté du souverain. Ecoutons Mairet: “Produit de la volonté, résultat de la force, l'Etat est pour ainsi dire cause de soi et c'est précisément cette autonomie de la politique humaine qu'exprime le principe de souveraineté. […] La souveraineté est donc, à y bien voir, le principe du fondement profane de la puissance.” (6)

Un premier principe à tirer de Bodin est la place qu'il accorde à la loi divine. Le souverain doit s'y conformer, mais il est seul à juger ce qu'il faut entendre par loi naturelle et divine. La souveraineté de Bodin est absolue. Respecter la loi naturelle et divine, une recommandation que Bodin fait toujours au souverain, est donc un acte de souveraineté qui ne dépend que de la pure et franche volonté souveraine du prince. Bien loin de construire le concept de souveraineté en la soumettant à la loi naturelle, la souveraineté [de Bodin], au contraire, est la théorie d'un fondement profane de la puissance de l'Etat. Et Mairet de conclure: “ce qui, chez Machiavel, était une ruse imposée par la nécessité du salut de l'Etat est, avec Bodin, une structure interne au principe de souveraineté lui-même.” (6)

Un deuxième principe à tirer de Bodin est la fin, le but, de la souveraineté. Mairet explique que la souveraineté n'est pas le principe de l'autorité dans l'Etat mais qu'il est le principe de l'Etat, dont tout pouvoir procède. (4) Le souverain a la fondation de la République pour fin. Ainsi, Mairet explique que Bodin a institué l'idée que le souverain est seul, qu'il fonde l'Etat, et qu'il n'exerce le pouvoir qu'en direction de l'Etat, non de soi. “C'est le sens qu'il faut donner à cette idée fondamentale de la modernité, selon laquelle la république se définit comme telle par la souveraineté et par rien d'autre.”

Jacques Chevallier traite aussi de Bodin (5), et ajoute à la souveraineté une autre idée majeure, le naturel des peuples, selon son expression. Pour ce qui est de la souveraineté, la puissance souveraine de Bodin est pour Chevallier caractérisée par deux aspects: elle est perpétuelle et absolue. Perpétuelle dans le sens où le souverain l'exerce durant sa vie entière, en son nom propre; absolue dans le sens où le souverain est exempt des lois de ses prédécesseurs et des siennes propres qui ne peuvent le lier quand bien même il le voudrait. Bodin définit la souveraineté mais il ne ressent pas le besoin de l'expliquer. Elle est inhérente à la nature des choses. Chevallier explique que Bodin a peut-être préparé la monarchie absolue, mais qu’il voulait d'abord proposer en modèle à Henri IV le règne de François Ier. Et il reconnaîtra dans une édition de 1578 l’existence de limites liées à la propriété privée et à certaines lois imprescriptibles, telle la loi salique de succession au trône, et la loi de l'inaliénabilité du domaine national.

Chevallier traite, brièvement il est vrai, un aspect de Bodin que ne relève pas Mairet et qui est le naturel des peuples. Il entend par là la discussion de l'influence géographique et du climat sur le caractère des peuples et sur les formes de gouvernement qu'il est possible d'envisager pour chacun d'eux. Cela lui permet d’expliquer, entre autres, que la France n’a pas un penchant naturel pour la démocratie mais bien pour la royauté.

Pas d'Actualité

Pourquoi dire, comme nous entendons le faire, que les racines du souverainisme ne peuvent pas être d'une grande aide pour affronter les défis de demain et qu'il faut les “revisiter”? Deux approches sont possibles: juger l'écart des contextes historiques et de l'état de la science politique – le leur et le nôtre; ou proposer une vision de l'avenir et considérer si les idées de Bodin et de Machiavel sont bien adaptées pour inspirer le présent et préparer cet avenir. La première est valable mais requiert des connaissances approfondies du XVIème siècle. C'est donc à la deuxième approche que les lignes qui suivent correspondent.

Machiavel et Bodin correspondent à une période d'émancipation, de prise de conscience individuelle et de désordres politiques issus d'une certaine effervescence des structures de la société. N'oublions pas, par exemple, que la Réforme a lieu au XVIème siècle – grand chamboulement s'il en est dans les repères institutionnels tant des peuples que des élites. Les deux auteurs correspondent à une époque qui se croit forte et s'essaie à la rébellion, tout imbue des connaissances et des avancées fantastiques dans tous les domaines que lui a léguées le Moyen Age finissant. La chute de Constantinople n'est pas loin (1453) et le renouveau dans l'ordre monarchique qui naîtra en France au XVIIème siècle n'est pas encore là et devra attendre le pardon du Pape à Henri IV. L'époque de Machiavel et de Bodin tend vers l'ordre politique mais ne connaît que désordres; dans le domaine des moeurs et de la piété, l'homme du XVIème sort de la piété soumise qui ne connait pas de choix et entre dans l'insoumission, grisé par la prise de conscience qu'un choix existe et que l'homme est libre. Ecoutons, à ce sujet, un biographe d'Erasme, grande personnalité du XVIème siècle débutant:

“au cours d’une seule génération, les données primitives d’appréciation, l’espace et le temps, ont totalement changé de valeur et de mesure. […] quand l’âme perd brusquement sa mesure habituelle, quand elle sent glisser les lois et les normes ordinaires, il se produit tout d’abord chez elle une confusion inévitable, faite d’inquiétude et d’ivresse.” (6)

En 1516 s’achevaient deux siècles de conflits entre la France et la Papauté. Philippe le Bel et Boniface VIII s’étaient opposés en 1300. En 1516, la France signait un concordat avec le Vatican qui dura jusqu’à la révolution française et intervint un an avant Luther et sa réforme, donnant ainsi à la France des garanties d’ordre religieux. Pourtant, le XVIème siècle resta confus, et ce n’est que le 17 septembre 1595, plusieurs mois après la conversion d’Henri IV, que le pape Clément VIII accorda au roi français le pardon de l’Eglise et que put commencer le très grand siècle chrétien… et français.

Ceci est en contraste assez marqué avec la période du XXème siècle finissant. Notre époque est en effet moins similaire à celle du début du XVème siècle que ne le croit Zweig, — qui écrit d'ailleurs en 1935 —, du moins sur le point qui importe ici, c’est à dire des moeurs et de la relation avec le pouvoir et l'autorité. Le siècle de Machiavel gardait un corpus de référence religieuse extrêmement riche, corpus qui irriguait tout le tissu social et qui est très largement diminué aujourd’hui, c’est le moins que l’on puisse dire. Sur les sujets pertinents à notre propos, nous allons donc à l’encontre des tendances propres au XVème siècle.

Dans la sphère politique, nous allons de l'ordre de la guerre froide au désordre des structures sapées et éclatées d’une part, aggravé par les efforts acharnés de certains de constituer un nouvel “ordre” — les idéologues de l'ONU, les élites financières, le complexe militaro-industriel des Etats-Unis, etc. En dépit de cela, le désordre a de beaux jours devant lui, et, paradoxalement, c'est peut-être une bonne chose. Car actuellement la politique n'est pas fluide comme dans l'Italie du XVIème siècle mais fossilisée et conformiste à l'extrême. Il est intéressant d'écouter à cet égard les commentaires récents d'un Russe quittant l'Occident, Alexandre Zinoviev, qui a toujours su garder une grande indépendance d’esprit (7):

“Le système de pouvoir des Etats occidentaux fait l'objet d'un partage de fonctions selon l'axe vertical: une part du gouvernement, comprenant en général le chef de l'exécutif, assume le rôle d'acteur et de représentant du mécanisme financier. Le système effectif du pouvoir et de l'économie du monde occidental est ainsi fait que le gouvernement et l'économie des pays pris séparément se transforme de plus en plus en des rouages de ce système, mais sous une forme dépouillée.

”On présume qu'une main invisible gouverne le marché et l'économie occidentaux. En réalité, aussi bien le marché que l'économie, le gouvernement et la société dans son ensemble sont gouvernés par la main bien visible, quoique déguisée du supragouvernement /supraéconomie, dont l'organe exécutif réside dans le mécanisme financier. Le mécanisme du totalitarisme financier est constitué par le système financier géant de la société, qui est désormais conditionné avant tout par le nombre infini des échanges financiers s'étendant sur tous les aspects de la vie des hommes et de la société dans son ensemble, et notamment tout ce qui est lié au capitalisme.

”[…] D'outil de l'économie, le mécanisme financier s'est transformé, dans l'Occident contemporain, en facteur prédominant de l'économie. De ce fait, la sphère économique a englobé celles de la culture, de l'instruction, des loisirs, du sport ainsi que toutes les autres, qui auparavant n'en faisaient pas partie.”

On sent dans le court essai d'où sont tirées ces citations que l’homme de la rue occidental n'est pas en train d'entrer dans la liberté et dans la conscience de lui-même, tel que ce fut le cas au XVIème siècle. Bien au contraire, l'individu est moins libre aujourd'hui et, même s'il en a le pressentiment, il ne peut bien souvent en deviner les raisons historiques et politiques.

Dans la sphère des moeurs, l'époque est à l'insoumission achevée et elle cherche sans plus de boussole les certitudes plutôt que la liberté, ce qui n'est pas sans risques et sans danger d'ailleurs. L'homme du XXIème siècle commence à sortir de l'incroyance douloureuse qui ne connaît aucune certitude et cherche un homme devant qui plier le genou, ne connaissant plus Dieu; il est pris de vertige à l'idée que la liberté de l'homme lui requiert de choisir.

Face à cette désorientation achevée, notre conviction est que le souverainisme inchangé est inadapté. Considérons alors ce que pourrait être l’autre souverainisme, non pas le populaire mais le divin, celui empreint de la tradition catholique. L'on reconnaîtra peut-être qu'il y a là matière bien plus moderne que toute l'époque moderne, et ambition bien plus exaltante que tout progrès déjà maintes fois promis.

III – LE SOUVERAINISME CATHOLIQUE

Que propose l’Eglise catholique et les chrétiens plus généralement en matière de souverainisme, ou, autrement dit, en matière d'organisation politique? Je me suis arrêté sur J. Ousset, directeur, en son temps, de ''La Cité Catholique'', et sur Donoso Cortès, diplomate, homme politique et écrivain catholique de l'Espagne du XIX siècle. Ce dernier date un peu mais il s’est beaucoup exprimé, et merveilleusement bien, sur la relation entre l’Eglise et le libéralisme et la modernité; ses propos nous intéressent donc tout particulièrement. Enfin, j’ai aussi étudié un auteur catholique plus récent et exposerai donc l’apport de W. Cavanaugh, professeur de théologie à l’Université de St. Thomas à Saint Paul, Minnesota.

La doctrine catholique sur la politique se nomme plus généralement la doctrine sociale de l’Eglise, car c’est une doctrine qui tend à expliquer le rôle et l’ambition du chrétien dans la cité terrestre, en position de responsabilités politiques comme en position de simple citoyen. Elle est donc complète et forme un tout; ce n’est pas la moindre de ses caractéristiques de base. Elle propose entre autres choses des réponses à deux questions, importantes pour notre propos — les fins de la politique, et l’exercice de l’autorité.

Les fins de la politique

J. Ousset écrit qu’“un sens aigu de la fin de l’homme, autant dire de son véritable épanouissement, est indispensable à une saine intelligence de l’ordre politique. […] car il serait inconcevable que la réponse apportée au problème de notre fin (de notre véritable épanouissement) n’ait aucun intérêt au chapitre où l’on se préoccupe de promouvoir cet épanouissement humain par la vertu d’un ordre social judicieux.” (8)

Donoso Cortès parle aussi de la fin de l’homme mais indirectement, en montrant ce qu’elle n’est pas:

“Puis, il faut tourner nos regards vers l’Histoire et constater de quelle merveilleuse manière Dieu dispose les événements humains, […]sans que l’homme soit moins maître de ses actions parce que Lui est maître des événements. Pour cela, il faut apprécier comment Dieu suscite en temps opportun les conquérants et les conquêtes, les capitaines et les guerres, et comment sans transition il restaure et apaise toutes choses en terrassant les guerriers et en pliant l’orgueil des conquérants; comment il permet que s’élèvent des tyrans contre un peuple pécheur et comment il consent que les peuples rebelles deviennent à l’occasion le fléau des tyrans […]. Il faut, enfin, voir les hommes errer en aveugles dans ce labyrinthe de l’Histoire que les générations humaines construisent sans qu’aucune d’entre elles puisse dire quelle est sa structure, où se trouve son entrée, ni en quoi consiste sa sortie.” (9)

On discerne chez ces deux auteurs quelques points à relever par rapport aux modernes que nous introduisions plus haut:

• d’abord, la politique est au service d’une fin qui la dépasse et qu’il faut identifier;

Ceci est en contradiction avec le premier principe de Machiavel que nous relevions plus haut et qui affirmait que la politique est de l’ordre de l’être, non du devoir être. Ousset dit qu’il faut s’interroger sur la fin ultime de l’homme pour “promouvoir un ordre social judicieux”.

• Ensuite, Cortès dit que la politique doit moins tenter de conduire les événements que d’y puiser les occasions de faire son salut et de conformer les actes individuels et des groupes, ceux de son pays, par exemple, au plan divin et à la volonté divine.

On voit là une distinction d’avec le deuxième principe de Machiavel qui suggérait que l’action définissait ce qui est juste. Cortès dit plutôt que ce qui est juste existe et que l’action humaine permet de s’y rallier, au delà des événements en quelque sorte.

Plus précisément, la fin de l’homme est donnée par Saint Ignace, dans la première semaine de ses Exercices spirituels: “L’homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu, notre Seigneur, et, par ce moyen, sauver son âme.” Là est l’essentiel, mais le paragraphe se poursuit: “et les autres choses qui sont sur la terre sont créées à cause de l’homme et pour l’aider dans la poursuite de la fin que Dieu lui a marquée en le créant. D’où il suit qu’il doit en faire usage autant qu’elles le conduisent vers sa fin, et qu’il doit s’en dégager autant qu’elles l’en détournent.” (10)

On touche là à un point important de distinction entre les modernes et les catholiques. Les modernes ne proposent pas de fin pour l’homme mais demandent que chacun puisse la chercher pour lui-même; pour les modernes, l’ordre politique consiste à créer des institutions suffisamment fortes et équilibrées pour donner à chacun la liberté d’une recherche personnelle authentique et l’ordre d’une vie sociale réglée pour que cette liberté soit effective. Pour les catholiques, la société n’est pas une fin en soi mais un moyen essentiel pour arriver à Dieu, le louer et sauver son âme, comme l’explique Saint Ignace; d’où il ressort que le type de société importe grandement. Le pape Pie XII expliqua dans un discours du 11 juin 1941 que “de la forme donnée à la société conforme ou non aux lois divines, dépend et découle le bien ou le mal des âmes, c’est-à-dire le fait que les hommes, appelés tous à être vivifiés par la grâce divine, respirent, dans les contingences terrestres du cours de la vie, l’air sain et vivifiant de la vérité et des vertus morales ou, au contraire, le microbe morbide et souvent mortel de l’erreur et de la dépravation.” (11)

Donc de ce qui précède, il faut retenir que la société n’est pas le bonheur, mais qu’elle doit et peut y conduire, selon qu’elle est ordonnée en fonction de la fin des individus. Cortès va plus loin et défend l’idée selon laquelle il faut que la société soit catholique pour qu’elle soit paisible et puisse ainsi conduire l’homme à son épanouissement et à sa fin:

“C’est qu’il est impossible, d’une totale impossibilité, d’empêcher le déchaînement des révolutions et l’avènement des tyrannies, qui ne sont qu’une et même chose, puisqu’elles se ramènent toutes à la domination de la force, dès l’instant où l’on a relégué l’Eglise dans le sanctuaire et Dieu dans le ciel. Vouloir combler l’énorme vide que leur absence laisse dans la société, en cherchant à distribuer les pouvoirs publics de façon artificielle et équilibrée, n’est que folle présomption et que vain propos…” (12)

L’italien G. Ferrero, dans un autre livre, avait identifié le problème majeur de la politique comme étant la peur des dirigeants envers la rébellion toujours possible des administrés, et la peur des administrés envers la tyrannie toujours possible des dirigeants. Or, Cortès explique que l’Eglise a toujours condamné les rébellions et sanctifié l’obéissance, comme l’obligation commune à tous les hommes, d’une part; et qu’elle a toujours enseigné aux peuples qu’aucun homme n’a de droit sur l’homme, parce que toute autorité vient de Dieu, que ne peut être grand que celui qui est petit à ses propres yeux, que les pouvoirs ne sont institués que pour le bien, que commander égale servir, et que toute primauté est un mystère et, en conséquence, un sacrifice. (13) Les catholiques professent qu’un ordre social juste ne peut pas même exister si l’on relègue l’Eglise dans le sanctuaire et Dieu dans le ciel.

S’il est avéré que le souverainisme catholique est différent de celui des modernes, il convient, en traitant de l’idée de l’autorité, de savoir ce qu’il propose de positif.

L’exercice de l’autorité

Deux moments de l’Ecriture sainte traitent de l’autorité: la parole de Jésus à Pilate (“tu n’aurais sur Moi aucun pouvoir s’il ne t’avait été donné d’en haut”) (14), et la parole de Paul aux Romains (“aucun pouvoir qui ne vienne de Dieu”) (15).

L’autorité vient de Dieu, et pour le préciser, Ousset explique d’abord que lorsqu’il s’agit d’une société sportive, d’un club de lecture ou autre chose de ce genre, l’autorité se manifeste selon les modalités de ce contrat libre entre personnes; mais que lorsqu’il s’agit de la société humaine qui n’est pas un contrat libre mais qui est naturelle, l’autorité sociale vient nécessairement de Dieu, auteur de la nature, “suivant les modalités de l’ordre naturel.” (16)

L’autorité ne réside donc pas dans le peuple, comme Rousseau voudrait nous le faire penser, mais en Dieu. On voit là les deux options de B. de Jouvenel (souveraineté populaire ou divine). “Pour que l’autorité puisse appartenir au peuple, au sens plein du mot, il faudrait que le peuple ait le pouvoir de modifier cet ordre naturel des choses dont les dispositions ne sont que les moyens dont Dieu se sert pour gouverner ordinairement les êtres libres que nous sommes.” (17) Or, le peuple ne peut rien changer à l’ordre naturel des choses.

Au plus donc, le peuple peut être, entre autres moyens, l’organe de désignation de ceux qui détiennent l’autorité. Et “la légitimité de l’autorité ne résulte pas de l’adhésion des assujettis, [mais…] du fait qu’elle correspond bien à ce qui la fonde et fait sa raison d’être.” (18)

Voilà pour l’origine. Quant à son exercice, quelques traits caractéristiques tirés de J. Ousset sont à même de nous éclairer:

• elle peut devenir l’objet d’une appropriation légitime, nécessaire par ailleurs pour qu’elle se manifeste dans le concret;

• elle demeure précaire; sa légitimité est successive et jamais définitive, ni acquise une fois pour toutes;

• elle doit être renouvelée à tout moment;

• elle perd son titre aussitôt qu’elle cesse de remplir sa fonction, qui est d’être au service de tous les assujettis.

Enfin, Ousset explique que l’autorité peut être absolue, ce qui ne veut pas dire qu’elle soit sans limite ni frein:

“Autorité absolue signifie: autorité qui est justifiée et qui n’a à être justifiée que par son objet même. Bien loin de signifier qu’elle soit sans frein et sans limites, c’est sous-entendre, au contraire, qu’elle se limite à son objet; et que son exercice cesse d’être justifié s’il le dépasse ou ne l’atteint pas.” (19)

De Donoso Cortès, il faut retenir deux grandes leçons: qu’il n’est pas d’ordre politique qui ne soit catholique, d’abord; que les erreurs d’ordre politique relèvent toutes d’erreurs d’ordre religieux, ensuite. Pour l’ordre, l’Eglise recherche un certain équilibre entre les intérêts matériels et les intérêts moraux et religieux afin que “chaque chose soit à sa place et qu’il y ait une place pour chaque chose”. (20) Elle souhaite que les intérêts moraux et religieux occupent la première place et que les intérêts matériels ne viennent qu’après. Quand aux erreurs, Cortès s’arrête sur la souveraineté, la volonté et les appétits:

• Première erreur: le principe de l’indépendance et de la souveraineté de la raison humaine, qui conduit, en politique, à la souveraineté de l’intelligence;

• Deuxième erreur: l’affirmation selon laquelle la volonté peut incliner au bien sans l’appel et sans l’impulsion de la grâce, qui conduit, en politique, à défendre que puisque toute volonté est droite, on ne doit prétendre en diriger aucune, mais bien les laisser toutes diriger;

• Troisième erreur: l’affirmation selon laquelle les appétits des hommes sont bons, qui conduit, en politique, à défendre que les gouvernements doivent oeuvrer principalement à satisfaire toutes les concupiscences.

Mais Cortès nous fournit aussi un exemple de description positive de ce qu’est un ordre catholique:

“Quand les commandements de Dieu sont exactement observés, c’est-à-dire quand les princes font preuve de mansuétude et les peuples d’obéissance, une mansuétude et une obéissance également amoureuses, de cette soumission simultanée à tous les commandements divins résulte un certain ordre social, un certain état de choses, un certain bien-être, à la fois individuel et commun, qui est ce que j’appelle l’état de liberté, et qui l’est vraiment, parce que c’est un état où règne la justice, et que la justice est ce qui nous rend libres.” […] “la liberté catholique est le résultat général de la bonne ordonnance de l’ensemble des organes; le résultat général de l’harmonie et de l’entente de l’ensemble des institutions.” (21)

Nous voici mieux armés pour comprendre et juger de ce qu’est l’ordre souverain en politique pour la Tradition catholique.

A toutes les époques, il incombe évidemment aux catholiques de se battre pour annoncer l’Evangile et d’œuvrer pour l’avènement d’un ordre social juste, c’est-à-dire catholique. A notre époque, les défis auxquels sont confrontés les pouvoirs publics en France et en Europe semblent à un catholique comme une justification a contrario de la doctrine de l’Eglise.

L’heure est en effet au combat, celui de toujours, mais aujourd’hui particulièrement âpre, entre les forces destructurantes et les forces structurantes; entre, d’une part, nous semble-t-il, la globalisation, différente de la mondialisation qui est neutre alors que la globalisation est avant tout destructuration, et d’autre part, l’ordre construit, qui permet à chacun d’être lui-même et qui, s’il n’est pas profane, comme les deux ou quatre cent dernières années nous l’ont montré, doit donc être catholique.

Nous voulons donc conclure ce trop bref essai par quelques citations de W. Cavanaugh qui réfléchit de manière féconde, nous semble-t-il, sur le problème malheureux de l’aliénation de l’Eglise de la sphère politique et publique.

“Le moment de la distinction du sacré et du séculier en politique, deux ordres jusque-là, dit-on, indûment confondus, est habituellement tenu pour l’acte de naissance de la politique moderne. A l’encontre de cette vision de l’histoire, j’essaierai de démontrer que la conception politique moderne fut non pas conçue mais imaginée, inventée, en même temps que notre concept moderne de “religion”, qui au culte public rendu à Dieu dans la liturgie substitua une religiosité tout intérieure et individuelle.” (22)

Cavanaugh considère que la religion a été indûment “privatisée” et sa place dans le débat public cantonnée hors de la politique dans la sphère réservée à la société civile, et ce sous le prétexte que l’Etat seul pouvait espérer maintenir la paix civile et la sécurité des personnes que les discordes religieuses menaçaient sans cesse. Il explique que cette vision est fausse historiquement et que la religion n’a pas été la cause des guerres du XVIème et XVIIème siècles. L’Etat a mené un combat pour enlever à la religion sa place dans la société et asseoir ainsi sa souveraineté sans partage sur les individus; l’Etat moderne était né. Par les victoires qu’ont constitué, selon Cavanaugh, pour la France le concordat de Bologne en 1516, et pour l’Espagne les concessions de l’Eglise envers la couronne entre 1482 et 1508, l’Etat gagna en indépendance par rapport au pouvoir spirituel. “Là où ne furent pas signés de tels concordats, en Angleterre, en Allemagne, en Scandinavie notamment, l’Eglise et les souverains séculiers entrèrent dans des conflits qui tous contribuèrent de façon significative au succès de la Réforme et cela dès avant l’apparition de Luther.” (23)

En lisant Cavanaugh, on voit que l’Etat a tendu des siècles durant à s’arroger une place toujours plus grande pour être bientôt l’unique interlocuteur de l’individu. Pour le professeur de théologie américain, le début du processus est dans la définition moderne de la loi, conçue comme un corpus juridique élaboré par l’Etat et non, on l’imagine, comme quelque chose de transcendant ou de révélé.

…l’idée d’une unité nationale ouverte au pluralisme religieux devint ainsi la traduction moderne de l’idéal chrétien d’unité et de paix. (24)

Et plus loin,

“Pour prix de la liberté religieuse, l’Eglise, en abandonnant le corps des fidèles à l’Etat, a accepté tacitement la conception moderne de la religion, qui sépare piété intérieure et conduite extérieure. Depuis lors, les croyants sont soumis à une double allégeance, qui entretient un état de schizophrénie dont seule nous délivrera la redécouverte de l’idée thomiste de la religion comme vertu. Les vertus, en effet, impliquent la personne toute entière, corps et âme, et trouvent dans la liturgie le cadre “naturel” de leur exercice, destiné à former le chrétien au service de Dieu. […] les vertus s’acquièrent donc collectivement, au sein d’une communauté ecclésiale locale, membre du Corps du Christ, et dans cette communauté, par la participation à la célébration de l’Eucharistie, sacrement de l’unité et de la paix, qui est le creuset d’une “éthique politique” authentiquement chrétienne.”

CONCLUSION

Le souverainisme est de retour, disions-nous en introduction, et celà est une excellente chose. Ce n’est peut-être pas tant que le souverainisme catholique est adapté à la situation actuelle mieux que ne le serait le souverainisme des modernes, profane et anti-religieux. C’est plutôt la situation actuelle qui nous donne une occasion renouvelée de marquer la supériorité de la société catholique ordonnée à Dieu et à son plan pour l’homme. Cette occasion, l’Eglise en tant que telle et ses membres individuellement se doivent de la saisir et de dénoncer avec force et à nouveau le souverainisme de l’incroyant, de Machiavel — celui de l’indépendence de l’homme par rapport à Dieu. Les modernes avaient sans aucun doute de bonnes raisons et un contexte propre qui rendent vain d’essayer de juger aujourd’hui la valeur de ce qu’ils proposaient hier. Mais aujourd’hui, il importe d’identifier l’importance grandissante du souverainisme comme seul ou dernier rempart contre les forces destructurantes et de lui donner l’assise qui permettra sa pérennité; celle-ci est illusoire avec le bagage historique du souverainisme fondé par Machiavel et Bodin. Mais compris dans son sens chrétien, en effet, la souveraineté est évidemment l’idée politique maîtresse du début du XXIème siècle puisque c’est d’elle que les hommes tireront les instruments dont ils ont besoin pour garder leur identité, la retrouver aussi, parfois, et être eux-mêmes, enfin, enfants de Dieu.

@NOTES = (1) Guénaire, M. Le Prince Moderne, Paris: Flammarion, 1998.

@NOTES = (2) Maritain, J. Principes d'une politique humaniste, New York: ed. de la Maison française, 1944

@NOTES = (3) Ferrero, G. Pouvoir, Paris: librairie générale française, 1988.

@NOTES = (4) Jouvenel, B. de. Du Pouvoir, Paris: Hachette, 1972.

@NOTES = (5) Mairet, G. Le Principe de Souveraineté. Paris: Gallimard, 1997

@NOTES = (6) Mairet, p. 25.

@NOTES = (7) Mairet, p. 27.

@NOTES = (8) Chevallier, J. Histoire de la pensée politique (Paris: Payot, 1993), p. 230.

@NOTES = (9) Maritain, J. ''La fin du machiavelisme'' dans Principes d'une politique humaniste (New York: De la maison française, 1944), p. 174.

@NOTES = (10) Maritain, pp. 175-6.

@NOTES = (11) Maritain, 173

@NOTES = (12) Mairet, p. 30.

@NOTES = (13) Mairet, p. 31.

@NOTES = (14) Mairet, p. 33.

@NOTES = (15) Mairet, p. 34.

@NOTES = (16) Chevallier, pp. 269-282.

@NOTES = (17) Zweig, S. Erasme. Paris: Grasset, 1935, p. 29.

@NOTES = (18) Zinoviev, A. La grande rupture. Paris: L'Age d'homme, 1999.

@NOTES = (19) Ousset, J. Fondements de la Cité, (Paris: DMM-ICTUS, 1989), p. 86.

@NOTES = (20) Cortès, Lettre au Cardinal Fornari, L’âge d ‘Homme, p. 75.

@NOTES = (21) Ousset, p. 87.

@NOTES = (22) D. Sureau, “Catholiques face à la politique” in La Pensée catholique N. 267 (Nov-Déc 1993), p. 60.

@NOTES = (23) Cortès, p. 77.

@NOTES = (24) Cortès, p. 78.

@NOTES = (25) Jo XIX, 11.

@NOTES = (26)Rom, XIII, 1.

@NOTES = (27) Ousset, p. 198.

@NOTES = (28) Ousset, p. 198.

@NOTES = (29) Ousset, p. 199.

@NOTES = (30) Ousset, p. 204.

@NOTES = (31) Cortès, p. 79.

@NOTES = (32) Cortès, p. 100-101

@NOTES = (33) Cavanaugh, W. Eucharistie et mondialisation, (Genève: Ed. Ad solem, 2001), p. 8.

@NOTES = (34) Cavanaugh, p. 40.

@NOTES = (35) Cavanaugh, p. 79.

@NOTES = (36) Cavanaugh, p. 80.