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349Autour de la réunion de Vilnius des ministres de la défense de l’OTAN, de la situation catastrophique en Afghanistan, de la crise-qui-n’est-pas-une-crise de l’OTAN (selon Robert Gates), de l’envoi de renforts alliés dans la zone sud de l’Afghanistan dont on ne devait pas parler à Vilnius, une question insinuante et fuyante parmi d’autres: les Français vont-ils envoyer des soldats pour aider les Canadiens dans la région de Kandahar?
Du côté français, les promesses restent affirmées mais vagues. Le sujet ne passionne pas la presse parisienne ni les dîners en ville. Ni, sans doute, le président français et ses acolytes, – sauf s’il s’avère qu’un conseiller ou l’autre découvre qu’une décision d’envoi de renforts français pourrait être impopulaire et accentuer la défaveur de Sarkozy dans les sondages, – ainsi en est-il des fondements des décisions géopolitiques aujourd’hui. Le Monde écrit dans ses éditions du 8 février:
«Les membres de l'OTAN ont indiqué qu'ils tenteraient de trouver une issue à cette crise d'ici le prochain sommet de l'OTAN, les 2 et 4 avril à Bucarest, en Roumanie, où un certain nombre d'annonces, notamment françaises, devraient être effectuées sur le dossier afghan.
«Le chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy, s'est entretenu sur ce sujet par téléphone, le 5 février, avec le premier ministre canadien, Stephen Harper. A Vilnius, le ministre français de la défense, Hervé Morin, a démenti une information diffusée par les médias canadiens selon lesquels Paris dépêcherait 700 parachutistes à Kandahar. Il a néanmoins confirmé que la France allait apporter son aide.»
En fait d’informations sur les 700 Français (parachutistes) en renfort des Canadiens, les Anglo-Saxons sont plus prolixes. C’est le Times de Londres qui gagne, aujourd’hui même, le prix de cette prolixité, en consacrant un article complet à la nouvelle. Il s’agit, pour le Times d’une affaire faite. On y voit même le signe du rapprochement avec les USA qui reste la marque de la présidence Sarkozy pour les médias anglo-saxons.
«President Sarkozy rode to the rescue of beleaguered Nato forces in southern Afghanistan yesterday when he offered to deploy French troops alongside Canadians in Kandahar.
»The French leader has been the most forthcoming of Nato leaders in answering the urgent call to help the troops fighting Taleban insurgents.
»After Canada’s repeated warnings that it would pull its 2,500 troops out of Kandahar if no other alliance member came to support them, France has been the only country to hint at sending reinforcements.
»French and Canadian officials are discussing the logistics of operating a combined force. A delegation was sent to Paris from Ottawa yesterday.
»The move by the French was being seen as further evidence of President Sarkozy’s willingness to draw closer to the alliance, with the possibility of France rejoining Nato’s integrated military stucture, from which President de Gaulle withdrew in 1967.»
Robert Gates a été interrogé sur la même question lors de sa conférence de presse après la réunion de Vilnius. Sans rien prendre à son compte, Gates a été dans le sens anglo-saxon général, c’est-à-dire dans le sens où l’on s’attend avec plaisir et confiance à une décision française dans le bon sens. (Defense News reprend une dépêche d’AFP du 8 janvier):
«Speaking of France’s likely decision to send extra troops to southern Afghanistan, Gates told reporters this would be a “very good signal” and “a most welcome contribution” to NATO’s efforts.
»French Defense Minister Herve Morin, speaking Feb. 7 in Vilnius, said France was prepared to help Canada in Afghanistan’s restive south, though he gave no details.»
Les décisions annoncées sur l’Afghanistan continuent à être à la fois explorées au compte-gouttes et avec une prudence d’escargot, à la fois présentées comme des engagements fondamentaux tandis qu’elles portent sur des engagements extrêmement faibles en nombre de soldats. Elles n’ont aucune chance de modifier la situation. Dans tout cela, on ne distingue rien qui puisse laisser voir une modification de stratégie (si l’OTAN et les Anglo-Saxons en sont capables), un élan nouveau, quelque chose qui puisse faire croire à une évolution nouvelle et prometteuse.
La France, elle, est prise dans son dilemme habituel, encore approfondi avec Sarkozy: sa perception d’une guerre mal faite, sans stratégie, alourdie par une bureaucratie américanisée et des conceptions tentées d’égoïsmes nationaux qui ne débouchent sur rien sinon sur des tensions supplémentaires entre alliés; et son désir de paraître un “bon allié” de l’Alliance, pour atténuer le complexe français de n’être pas “comme les autres” dans la cohorte transatlantique. L’Afghanistan est soit une “guerre pourrie” soit un bourbier, et sans doute est-elle les deux. Si elle s’y implique un peu plus, la France connaîtra les affres de l’impopularité chez elle et, au niveau transatlantique, un rapprochement du bout des lèvres avec l’OTAN qui lui permettra d’expérimenter d’un peu plus près les affres des tensions transatlantiques. Une expérience comme une autre et l'on en apprend à tout âge.
Mis en ligne le 9 février 2008 à 18H15