«Les gens sont vraiment terrifiés»

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Les indices et enquêtes s’accumulent pour montrer une humeur complètement catastrophique des Américains. Toutes les enquêtes et sondages mettent en évidence une chute vertigineuse de l’humeur des citoyens vers la panique, la colère et l’angoisse. Des phrases d’analystes de ces sondages telles que: «Les gens sont vraiment terrifiés», nous paraissent complètement significatives.

• Le 17 octobre, le Financial Times publiait les résultats d’une enquête régulière de l’université du Michigan, commencée en 1978 et produisant des résultats mensuels sous forme d’index de confiance des consommateurs. L’index est tombé de 70,3 en septembre à 57,7 en octobre, le plus bas niveau atteint depuis que cette enquête existe.

«US consumer confidence has fallen more sharply this month than in any month since records began in 1978, a widely followed survey showed on Friday, raising fresh fears about consumer spending. The University of Michigan consumer sentiment index fell from 70.3 in September to 57.5 in October, well below economists’ expectations. The sharp deterioration raises the danger that US households, scared by the extraordinary events of recent weeks and weighed down by the fall in stock and house prices, will retrench, sending the economy into what could be a deep recesssion.

»“People are really terrified and this has the potential to have a big impact on spending,” Frederic Mishkin, a professor at Columbia University and former governor of the Federal Reserve, told the Financial Times prior to the release of the Michigan figures.»

• Une seconde enquête portant sur la satisfaction des gens de la conduite du pays, de son avenir, etc., est publié par CNN.News le 21 octobre. Là aussi l’importance du résultat, les déclarations des personnes qui ont fait l’objet de l’enquête, sont absolument inhabituelles. Dans ce cas également, le nombre de personnes admettant qu’elles sont “terrifiées” par l’atmosphère des temps actuels est extraordinaire, selon un commentateur de l’enquête. En général, les personnes interrogées tendent à dissimuler des sentiments d’une telle violence.

«A new national poll suggests that only a quarter of Americans think things are going well in the country today, while the rest of those questioned are angry, scared and stressed out. Seventy-five percent of those surveyed in a CNN/Opinion Research Corp. poll released Tuesday said things are going badly in the United States. An equal portion of those polled said they are angry about the way things are going. Two-thirds of those questioned said they're scared about the way things are going and three in four said the current conditions in the country are stressing them out.

»“It's scary how many Americans admit they are scared,” said Keating Holland, CNN's polling director. “Americans tend to downplay the amount of fear they have when facing tough times. The fact that more than six in 10 say that they are scared shows how bad things are getting.” The 25 percent who said things are going well in the country is another indicator of the negative mood among Americans. “Prior to 2008, we have seen that level of dissatisfaction only three times in the past four decades – during Watergate, the Iranian hostage crisis and the recession of 1992,” Holland added.»

…Effectivement, c’est la violence des sentiments qui est remarquable, et l'observation de Keating Holland, le directeur de la deuxième enquête, est également notable dans ce sens, – impliquant elle-même un sentiment de “terreur” chez ceux-là même qui découvrent les chiffres de l’enquête, et la “terreur” des Américains: «C’est terrifiant de constater combien d’Américains sont terrifiés».

Il s’agit d’une atmosphère spécifique, qui entretient elle-même sa crainte et son angoisse, et alimente une spirale de crainte génératrice d’accroissement des comportements participant objectivement à l’aggravation de la crise. Au contraire de divers aspects dissemblables, notamment au niveau économique, il s’agit là d’une spécificité psychologique renvoyant sans aucun doute à la Grande Dépression, à l’atonie, la paralysie qui marquèrent le comportement et l’évolution de la population, avec comme point d’orgue la fameuse phrase de FDR lors de son inauguration comme nouveau président des USA, le 4 mars 1933 («La chose dont il faut avoir le plus peur, c’est la peur elle-même»).

Un aspect étrange de la situation est que l’actuelle administration a fait de la peur sa politique principale vis-à-vis de la population, notamment avec le 11 septembre 2001. C’est à nouveau la peur de la population qu’ont sollicitée, ou qu'ont tenté de susciter les dirigeants US en septembre, au moment du plan Paulson. Aujourd’hui, ils ont cette peur, mais elle les dépasse complètement car elle a moins pour cause les événements financiers et leurs exhortations que l’aggravation de la situation économique, l’orientation du pays, etc. Aujourd’hui, au contraire, les Bush & compagnie tentent de lutter contre la peur de la population. En fait, la population se fout du président Bush, dont les interventions ressemblent, comme le rapporte William Pfaff, au “coucou” de la pendule («President Bush […] popped out of the White House once a day, as from a cuckoo-clock, to make an announcement no one paid attention to»). De ce point de vue, si les gens sont “terrifiés”, la chose est sans rapport avec les agitations de Washington, et cette déconnexion entre la population et ses dirigeants, autant que la peur elle-même, a toutes les raisons de “terrifier” ces mêmes dirigeants, et ceux qui dépouillent les sondages.


Mis en ligne le 22 octobre 2008 à 14H59