Les illusions transatlantiques de EADS et la réalité-RP

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Un formidable contrat de l’USAF est actuellement en compétition entre l’Europe et les USA : autour de $100 milliards sur 10 ans pour une flotte de ravitailleurs en vol. D’un côté, le KC-767 de Boeing, de l’autre le KC-30 de Airbus (EADS), qui a fait alliance avec Norhrop-Grumman aux USA (les deux avions sont des adaptations militaires de deux modèles civils de Boeing et d’Airbus). Les Européens espèrent faire une percée sur le marché militaire US mais divers signes montrent que leurs espérances s’apparentent de plus en plus à des illusions.

• Un premier point est la décision de l’USAF, au début du mois, d’écarter toute formule de partage du marché entre Boeing et EADS/ Northrop-Grumman. Cette formule, lancée par les parlementaires des Etats où Northrop-Grumman a de l’influence, était évidemment la plus sûre formule pour que les Européens aient un contrat USAF. Elle représentait un cadeau fait par le Pentagone à la représentation parlementaire favorable à Northrop-Grumman. La formule a été jugée trop coûteuse par une USAF qui se trouve dans une crise budgétaire épouvantable.

• Cela nous ramène à la situation de la concurrence entre Européens et Américains. Dans ce cas, toutes les indications montrent que les premiers n’ont guère de chance. Boeing joue à fond la carte patriotique et protectionniste et il a tous les soutiens qu’il veut. D’autre part, Boeing avance que ce contrat est vital pour la survie de sa division militaire dans la décennie qui vient, ce qui est un argument toujours efficace. Un petit texte intéressant à ce propos est celui de Ken Silverstein, sur le site de Harper’s, le 14 août. Silverstein apprécie le rapport fait par un autre journaliste, David Axe, de Defense Technology International (appartenant au group McGraw-Hill, éditeur de Aviation Week & Space Technology), sur son propre site, en même temps qu’il rapporte des conversations qu’il a eues avec ce même Axe. Le texte de Silverstein détaille les conditions d’un voyage de relations publiques (RP) de Boeing en soutien de son offre KC-767. Les conditions sont celles d’une offensive générale en faveur de Boeing, soutenue par toutes les forces intéressées, y compris les forces parlementaires impliquées. Les réalités du contrat ne semblent guère être réellement débattue, sans que les journalistes impliqués ne s’en soucient vraiment. Deux extraits du texte de Silverstein, directement liés à la question des chances du KC-30 de EADS/Northrop-Grumman :

«Incidentally, it’s not clear what [Weekly Standard’] Goldfarb was doing on the trip (besides napping), as he long ago made his decision clear regarding the tanker matter. “Airbus is a European company, and worse, it’s closely connected to the French government,” Goldfarb wrote earlier this year. “[T]he folks in Congress can find a way to award the contract to Boeing without the appearance of any impropriety. But how could they explain sending our tax dollars to France?” Truly, this is a man who knows the taste of freedom fries.

(…)

«Which leads back to Boeing’s tanker junket. Boeing, Axe said, might not have convinced everyone who went on the trip that it should win the contract. But it did perpetuate the idea that there are only two options: Boeing or Northrop. As Axe explains, there’s a third choice.

»“All the Air Force is doing,” he said, “is buying a slightly better version of the current vehicle. But the supposed need to buy new tankers now is not well documented. There hasn’t been a tanker crash for decades and the current planes have a 90 percent reliability rate, which is good for a military plane. Maybe we don’t need to make a decision now. In ten years, robotic tankers will be a real possibility–the technology is already there.”

»“Boeing is probably going to win the tanker competition,” said Axe. “All that accomplishes is that the Air Force will be feeding it money for the next few decades.”»

• ...Mais une chose est particulièrement intéressante dans les déclarations de Axe telles que les rapporte Silverstein («…Maybe we don’t need to make a decision now. In ten years, robotic tankers will be a real possibility–the technology is already there»). Axe évoque en effet la possibilité que l’USAF continue pendant 10 ans à se contenter de ses KC-135 et de ses KC-10 actuellement en service, en attendant le développement de systèmes de nouvelles technologies. Il semble bien que le but de Boeing, comme le remarque Silverstein, soit de convaincre les milieux impliqués qu’il y a seulement deux options, impliquant toutes les deux un achat immédiat. Cette tactique de RP semble indiquer que Boeing paraît assuré de gagner si une décision est prise. Ce que craint Boeing, c’est un report de la décision, comme Axe le suggère. Mais un élément fondamental peut interférer dans le jeu de Boeing et alimenter la suggestion de Axe (report de la décision): la situation budgétaire de l’USAF. L’économie de près de $10 milliards par an pour les dix prochaines années qu’impliquerait pour l’USAF une telle décision pourrait s’avérer être un argument impératif.

Dans tous les cas envisagés, la situation est de plus en plus défavorable pour l’offre EADS/Northrop-Grumman. L’axe (!) de l’offensive-RP de Boeing, moins contre le KC-30 que contre un gel de la décision, montrant que Boeing est convaincu de l’emporter si le marché est effectivement passé, suggère que cette conviction est évidemment basée sur de solides indications. Une défaite du KC-30 (ou un report de la décision, ce qui revient au même pour le KC-30) dans cette affaire serait un rude coup pour la fraction allemande (de tendance transatlantique) de EADS, représentée par l'Allemand Enders (nouveau patron d'Airbus) contre le Français Gallois (nouveau patron d'EADS). Ce serait par conséquent un renforcement de plus de l'influence française dans EADS.


Mis en ligne le 21 août 2007 à 13H54