Les inquiétudes sans pilote de Rebecca Grant

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Voici certainement un texte sérieux de Rebecca Grant, la directrice du Mitchell Institute proche de l’Air Force Association et Senior Fellow du Lexington Institute de son ami Loren B. Thompson, – nous voulons dire plus sérieux que celui qu’elle a partagé confraternellement avec ce même Loren B. Le sujet est, bien entendu, toujours l’inévitable F-35, alias JSF. (Dans Defense News du 11 septembre 2009.)

Cette fois, il ne s’agit plus d’un simple texte de propagande, comme c’est la coutume, mais d’un article plus complexe, avec des plans différents, exposant à peine entre les lignes une réelle préoccupation. Voici le passage qui doit nous arrêter… Rebecca Grant vient de parler des nouvelles dispositions arrêtées par Robert Gates pour le budget FY2010.

«Gates hit the accelerator to buy more F-35s sooner for the flight test program. But then, he tapped the brakes. Gates said in response to questions after the briefing that “we have taken a more cautious approach to the ramping up of production over the course of the next five years.” He capped peak yearly production for the Air Force at 80 F-35s per year, instead of the 110 per year budgeted by the service. In Gates’ words, the five-year buy for F-35 now has “several dozen aircraft fewer than the original planned buy.” Chances are the F-35 will get a hard look as the Obama team kicks the Quadrennial Defense Review into high gear this spring. Washington probably won’t be able to resist putting the mammoth program through an intense round of scrutiny.

»Options for trimming the F-35 are already on the table. Prominent analysts Barry Watts and Steven Kosiak of the Center for Strategic and Budgetary Assessments projected in 2007 that cutting the Air Force buy in half could save $300 million or more per year, while canceling the Navy variant could save at least $450 million per year. Kosiak now heads defense issues for Obama’s Office of Management and Budget.»

Rebecca Grant exprime une crainte nouvelle qui commence à se faire jour concernant le JSF. Un redoutable examen attend les différents programmes du Pentagone: la QDR 2010 (Quadrennial Defense Review, ou revue et décisions de planification, d'orientation stratégique et d'équipement du Pentagone pour une période de quatre année). L’appréciation générale est en effet que la QDR 2010 prend de plus en plus d’importance, notamment pour jouer un très grand rôle dans la vraie réforme que voudraient conduire Obama-Gates. A cet égard, dit-on, le budget FY2010 n’est qu’un très petit hors d’œuvre.

Comme on le lit, Rebecca Grant exprime une crainte précise, de possibles décisions de réductions importantes du programme JSF dans le cadre de la QDR. Elle donne des indications précises, notamment la présence au poste clef de superviseur des questions de défense à l’ Office of Management and Budget de Steven Kosiak, du Center for Strategic and Budgetary Assessments, partisan d’une réduction du programme.

Existe-t-il une possibilité que la QDR aboutisse à une réduction du programme JSF? Sans aucun doute, si l’on se réfère au climat en plein développement, concernant l’arrivée à maturité des “véhicules aériens sans pilote”, ou UAV/UCAV, ou drones. Comme on le comprend aisément, ces engins apparaissent de plus en plus comme des concurrents directs des avions de combat pilotés, dans tous les cas dans l’éventail des missions liées aux guerres de basse intensité, type-G4G, dont Gates et son entourage sont convaincus qu’elles fournissent actuellement l’essentiel des possibilités de conflits.

D’autre part, cette échappée vers la formule “avion sans pilote” qui continue à avoir toutes les vertus de la formule-miracle, contient une importante clause JSF. Si l’on décrète que le “sans pilote” est l’avenir du monde, alors pourquoi pas un JSF sans pilote? L’idée n’est pas nouvelle, comme chacun sait, et notamment l’idée d’une version “sans pilote” du JSF. Nous le signalions notamment le 20 août 2006, citant dans ce texte des déclarations du général Fogleman, alors chef d’état-major de l’USAF, faites à Air Force Magazine, en septembre 1996:

«After reconnaissance, [Fogleman] continued, the next area that starts to make sense as a UAV mission is an “unmanned attack airplane of some sort.” Such an aircraft would be able to carry a lethal payload over a long distance and deliver it with precision.

»“What you're looking for there is the optimum mix in a truck-like vehicle,” but which would “leverage the tens of thousands of cheap Joint Direct Attack Munitions that we're going to have in the inventory” in the early twenty-first century, “without putting a man at risk.”

»The General speculated that the Block 50 version of the Joint Strike Fighter, due to make an appearance around 2020, “may very well be an unmanned aircraft of some type.”»

…De cette façon (une version “sans pilote”), le JSF serait sauvé au milieu d’une réforme radicale, si cette réforme radicale se développe effectivement à partir de la QDR. Mais l’inquiétude de Rebecca Grant subsiste, car cette sauvegarde du JSF sous cette forme n’implique absolument pas celle de l’USAF, dont elle est si proche. Les “véhicules aériens sans pilote” sont, par définition, des véhicules toutes armes, que la Navy, l’Army et l’USAF emploient chacune de leur côté, ou de façon coordonnées, et certainement un domaine où l’USAF est nettement moins “naturellement prépondérante” que dans celui des avions de combat. L’USAF a déjà tenté de reprendre sous son contrôle un commandement interarmes pour les “véhicules aériens sans pilote”, mais elle a échoué. (En 1996, quand Fogleman parle d’une version sans pilote du JSF, l’USAF a un statut beaucoup plus puissant et ne doute pas une seconde qu’elle serait l’arme choisie pour contrôler le gros des “véhicules aériens sans pilote” si cette branche connaissait un développement sérieux.) L’affaire est en suspens. Si une structure de cette sorte devait être établie, l’USAF ne serait pas très à l’aise, si l’on a à l’esprit l’inimitié que lui voue Gates.

… Nous parlons de l’USAF. Inutile d’ajouter que les pays non-US du programme JSF serait dans une situation encore plus incertaine si un prolongement de cette sorte devait avoir lieu, devant une telle révolution conceptuelle qui impliquerait leur totale intégration dans l'ensemble US.


Mis en ligne le 18 mai 2009 à 08H27