Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
536
13 octobre 2004 — Prenons les plus récents sondages US, ceux qui ont été réalisés jusqu’au 11 octobre (en général, sur une durée de deux jours, 10-11 octobre). (On parle, bien sûr, des sondages sur l’élection présidentielle américaine du 2 novembre.)
Il y en a quatre :
• ABC/Washington Post (10-11 octobre), portant sur 1.205 personnes ayant décidé de voter : 50% voteront pour GW, 47% pour Kerry, 1% pour Nader.
• CBS News (10-11 octobre), portant sur 760 personnes : 48% pour GW, 45% pour Kerry, 2% pour Nader.
• Zogby (10-11 octobre), portant sur 1216 personnes : 45% , 45% et 2% respectivement.
• ICR (10-11 octobre), portant sur 763 personnes : 48%, 43%, 2% respectivement.
On peut consulter une tenue à jour des résultats des sondages notamment sur le site RealClear Politics. C’est un site pro-Bush mais, dans l’occurrence qui nous intéresse, il ne s’agit que de chiffres. Autant les sondages actuels que l’évolution des sondages donnent une image étrange par rapport à ce que nous percevons.
• Depuis le face-à-face du 30 septembre, la perception est partout présente que GW Bush est en retraite, voire à la dérive, alors que Kerry est en pleine ascension. Nulle part ce fait n’apparaît dans les sondages. Si l’on fait une moyenne des 19 sondages effectués depuis le 30 septembre, on trouve 47,80% pour GW et 45,80% pour Kerry, ce qui représente exactement, au centième près, la moyenne des résultats de tous les sondages (près de 150) depuis le 3 avril dernier.
• D’une façon générale, les grands événements médiatiques (débats, révélations fracassantes sur la guerre en Irak) n’ont eu aucun effet sensible sur les sondages.
• D’une façon générale, si les deux candidats sont proches, on relève une tendance nettement favorable à GW Bush, portant sur 2% des réponses des personnes ayant déjà décidé de leur choix.
• Un nombre significatif (plus de 50%) d’indécis au début de la campagne ont fait leur choix depuis. Cela n’a pas changé l’orientation des résultats puisqu’on retrouve la même moyenne.
• Si l’on enlève le troisième candidat (Nader), le changement profite complètement à Kerry qui, en moyenne, gagne 1% et se rapproche à 0,8% de GW Bush.
• Enfin, on peut remarquer, de façon anecdotique et sans offrir de conclusion significative, qu'il existe parfois des disparités étonnantes dans des sondages effectués dans la même période de temps.
Tous ces constats ne nous disent rien, ni de l’intensité de la bataille en cours, ni de la vigueur des polémiques et révélations censées avoir des effets sur l’attitude des votants, ni, enfin, de l’issue de l’élection. Il est évident que les deux camps “micro-managent” cette élection comme ils n’ont jamais fait auparavant, c’est-à-dire en la suivant au niveau des États, voire des comtés, selon un calcul qui tient compte beaucoup plus du nombre de “grands électeurs” (résultats par États) que du vote populaire. Là aussi, pas de surprise : on attend une élection serrée, où tout se décidera selon les États emportés (plus ou moins de “grands électeurs”) plus que selon le vote populaire. (Se rappeler que GW l’a emporté, en 2000, d’une façon extraordinairement contestable, par une décision très contestée de la Cour Suprême, et, de toutes les façons, avec moins de voix que Al Gore pour les USA dans leur ensemble.)
Le plus marquant dans cette campagne est l’absence d’effets des événements extérieurs sur le choix des électeurs. On serait conduit à penser que l’Amérique est figée dans une opposition radicale qui n’a guère varié depuis 2000, qui la coupe pratiquement en deux parties égales (voir le résultat quasiment 50-50 de l’élection présidentielle de 2000). De même, les affrontements se font, d’une manière tout aussi radicale, mais souvent dans un mode négatif et selon des termes extraordinairement ambigus dans les rapports du public et de ses “représentants” politiques, qui interdisent à tout candidat de développer son électorat. Ainsi, John Kerry est soutenu essentiellement par des électeurs qui veulent à tout prix l’élimination de Bush (les ABBA, ou Anything But Bush Again) ; et, souvent également, par des électeurs qui s’opposent à la guerre en Irak alors que lui-même, Kerry, la soutient, ne critiquant que la manière dont l’administration Bush conduit les opérations. Dans ces conditions, et à moins d’un événement échappant à cette logique générale, il paraît extrêmement difficile de faire un pronostic affirmé, aussi bien que de souscrire aux commentaires des médias européens qui, depuis quelques jours, présentent une percée importante de John Kerry.
Dans tous les cas, quelle que soit la suite de cette campagne, on peut voir se confirmer ce phénomène extraordinaire d’une administration totalement enfoncée dans le mensonge, la manipulation, la corruption, etc, tout cela étant exposé à la lumière et à grand fracas, sans que le moindre effet sur les électeurs par rapport aux candidats soit constaté. On se réfère à cet égard à des commentaires déjà faits, qui se trouvent ainsi encore plus renforcés.