Les Iraniens psychanalysent les dirigeants US : “bizarrement ridicules”

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Fortement appuyés sur “le brouillard du Système” qui permet toutes les interprétations et l’exploitation psychologique de ces interprétations, les Iraniens et leurs alliés de circonstance ont réussi à renverser la perspective de “all options are on the table” (c’est-à-dire la menace d’attaque contre l’Iran), qui plaçait les USA (avec le bloc BAO derrière eux) en position impérative d’exigences sans appel. Ils ont fait passer les positions respectives de la défensive à l’offensive dans le chef de chacun des adversaires : l’Iran sur une position offensive, les USA sur une position défensive… Tout cela, en termes de communication, puisqu’il s’agit sans aucun doute du vrai terrain d’affrontement et d’étalonnement des puissances aujourd’hui. Dans ce contexte, les faits n’ont qu’une importance relative, et les partis en présence ont toutes les raisons du monde, soit de les camoufler et de les maquiller, soit de les laisser dans l’ombre, soit de les mettre en évidence selon la stratégie choisie. La crise principale (plutôt que le “fait principal”) est que les USA ont perdu un RQ-170 en Iran, et cela dans des conditions qui permettent toutes les spéculations sur une “embuscade” et une “capture”, et guère sur un “accident” suivi de la destruction complète de la chose. C’est sur cette crise que se produit le renversement de perspectives.

• Ainsi paraît, le 15 décembre 2011, un article du Christian Science Monitor (CSM), rapportant une interview d’un ingénieur iranien expliquant les conditions de l’“embuscade” et de la “capture”. C’est là qu’on parle de l’interaction sur le GPS, la technique de “snoofing”, etc. Dans le cadre où nous examinons la crise, il est inutile de poursuivre à propos de cette explication, encore moins de lui apporter un appui ou de lui opposer un démenti… Il reste que le Christian Science Monitor est un respectable quotidien US et que cet article a attiré des réactions.

• L’article du CSM a amené divers commentaires de divers spécialistes dans la presse spécialisée, qui est restée jusqu’ici extrêmement prudente à propos des conditions de cette crise. David A. Fulghum, de Aviation Week & Space Technology, développe, le 16 décembre 2011, divers arguments recueillis de diverses sources. Ces arguments reconstituent une version complètement opposée à celle de l'ingénieur iranien, y compris, dans certains cas, dans certaines formulations, avec la version que le RQ-170 s’est écrasée dans un lieu inconnu des Iraniens… Tout cela est avancé sans que les autres aspects de la version iranienne, y compris les faits comme la vidéo montrant le RQ-170 filmé par les Iraniens, soient directement mis en cause. Les arguments se développent parallèlement à tout le contexte extrêmement chargé du dossier de cette crise, largement favorable aux Iraniens, et d’une façon complètement indépendante de ce contexte.

«Proported Iranian engineering specialists have been taking liberties with the laws of physics in their descriptions of an electronic hijacking of the RQ-170 unmanned reconnaissance aircraft, say U.S. analyst.

»Holes in the account start with the fact that it took days for the Iranians discover the lost aircraft. In fact, intelligence officials at one point thought the Iranians might simply never stumble across the crash site because it was in such a remote and uninhabited part of northeaster Iran. Electronic attack of the Sentinel is “certainly possible, but there’s no indication that they even knew it had crashed in Iran for some time,” says a veteran, black-projects manager.»

• D’autres interventions, en marge de l’article du CSM, semblent au contraire ne pas s'opposer à la thèse exposée dans l'interview, dans tous les cas et là aussi de façon indirecte. C’est le cas d’un article de AOL.Defense.com du 15 décembre 2011, qui cite l’article du CSM sans y mettre d’appréciations critiques, qui signale qu’un de ses spécialistes préfère s’abstenir de tout jugement, mais qui rapporte tout de même un cas précédent d’intervention électronique contre un drone US, en 2009, par les talibans.

Parlant donc de l’interview de CSM, et, par conséquent, des déclarations de l’ingénieur iranien, l’article expose ceci : «If such claims are true, a cyberattack would explain the remarkable condition the RQ-170 was in when Iranian military leaders put their trophy on display live on television. The lack of damage on the aircraft led many to believe the drone was a fake. Retired three-star general and former head of Air Force intelligence David Deptula wouldn't comment whether the RQ-170 was taken down by a cyber attack. (Deptula is a member of AOL Defense Board of Contributors) But this is not the first time America's fleet of unmanned aircraft have been exploited in the cyber realm.

»In 2009, Taliban forces were able to hack into live video feeds coming from Air Force Predator drones by using commercially-produced hardware. Air Force officials at the time said those gaps did not extend into the aircraft's control systems. Further, service officials claimed the data encryption and security standards built into the U.S. aerial drone fleet couldn't be cracked by the Taliban or any other adversary.»

Tout cela nous conduit tout de même à observer qu’effectivement, la partie américaniste est dans ce cas de la crise de RQ-170 sur la défensive, et cela essentiellement parce que, sur ce terrain de la communication, les Iraniens ont réussi à prendre l’avantage. Il est vrai que lorsqu’on entend (le 12 décembre) un président des USA demander à l’Iran de rendre le RQ-170 aux USA, et, le 13 décembre, un ancien vice-président (Cheney) critiquer violemment cette demande en expliquant qu’il aurait été préférable d’attaquer immédiatement et de détruire le RQ-170 aux mains des Iraniens, il est difficile de ne pas accorder quelque crédit à la version iranienne qui dit que le RQ-170 a été capturé et qu’il est en parfaite condition, vidéo à l’appui. A ce point, il est très intéressant de relever plusieurs commentaires iraniens, qui nous permettent effectivement d’accepter l’idée que la bataille se fait dans le domaine du système de la communication et qu’elle porte sur les psychologies, et qu’elle ne se fait qu’accessoirement dans le domaine du système du technologisme, y compris des informations que pourrait nous fournir ce système du technologisme, conformément aux “faits” dans cette affaire.

C’est cette idée que les Iraniens développent, telle qu’on la trouve dans plusieurs textes. Le 16 décembre 2011, PressTV.com présente de cette façon une intervention du général Mehdi Mahdavinejad, chef des Gardiens de la Révolution : «A senior Iranian military commander says US President Barack Obama's recent plea to Tehran to return the RQ-170 spy drone is a sign of extreme psychological pressure on American leaders. “In his words, Obama showed to the entire world what kind of logic he uses to govern America,” Brigadier General Mehdi Mahdavinejad, commander of the Islamic Revolution Guards Corps, said on Friday. “Americans never imagined such security and intelligence scandal because they did not have a correct understanding of Iran's might in electronic [warfare],” Mehr News Agency quoted him as saying on Friday.»

Le même PressTV.com présente un texte, du 15 décembre 2011, d’un de ses contributeurs, Ismail Salami, dans un texte du 16 décembre 2011, qui met également l’accent sur l’aspect psychologique du comportement de la direction américaniste. «“If truth be told, the downing of the spy drone has surely delivered a heavy blow to the intelligence apparatus of the CIA and rustled many feathers in Washington,” Ismail Salami, an Iranian author and Middle East expert, wrote in an opinion piece published on Press TV on Thursday. The Iranian “electronic ambush” ensnared the aircraft – while it was in violation of Iran's airspace – “to the humiliation of US officials,” he pointed out.» Salami insiste sur divers points allant dans le même sens de cette appréciation psychologique, par exemple lorsqu’il cite le ministre du renseignement Heidar Moslehi qualifiant la démarche de Barak Obama demandant la restitution du RQ-170 de “bizarrement ridicule”.

Peut-être plus encore que les divers aspects technologiques et politiques de cette affaire, c’est bien cet aspect psychologique qui est remarquable, ce renversement des postures, dans tous les cas pour les prolongements politiques immédiats. Ce sont toujours les USA qui parlent à l’Iran, en lui intimant des ordres, comme à l’accoutumé, – car il n’est pas question de négociations, bien entendu, alors que le Congrès travaille sur une législation qui interdirait toute négociation avec l’Iran… Mais les “ordres” sont passés de l’exigence de l’abandon de tout programme militaire nucléaire, dont l’existence est tenue pour évidente par les USA sans autre preuve que l’affirmation répétée à partir de faits tronqués ou bidouillés, à la demande de restitution d’un avion espion qui a violé l’espace aérien iranien ; cela, alors que l’on distingue parfois dans la zigzagante “ligne officielle” des USA l’affirmation que cette merveille de drone n’a pas été capturé mais qu’elle s’est écrasée, – donc, qu’elle est en morceaux épars, non ? “Bizarrement ridicule”, certes, mais aussi une démonstration du désarroi américaniste, parce que cette direction américaniste est placée en position défensive et que, face à l’Iran, littéralement, elle ne sait pas ce qu’est être en position défensive,– comme face à n’importe qui, du reste. La ligne américaniste, nourrie d’inculpabilité et d’indéfectibilité, ne peut imaginer que les USA soient en position fautive ni qu’ils soient en position défensive, par la grâce d’un revers ou d’une défaite. La confusion psychologique, avec divers effets de paranoïa et de schizophrénie, comme l’on parle d’effets de manche, est le résultat de cette situation. La position défensive, qui demande tout un art pour être tenue, ne semble enfanter que bizarrerie et ridicule…


Mis en ligne le 17 décembre 2011 à 17H09