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358C’est une étrange circonstance ou une circonstance révélatrice que rapporte le quotidien de Londres The Independent, ce 16 mai 2009, avec l’histoire du MarSOC, une abréviation désignant le Special Operations Command du Corps des Marines. Il s’agit en fait d’une unité de 2.500 hommes, dont la moitié affectée au combat, formée sur l’insistance de Rumsfeld et contre le vœu, semble-t-il, de la hiérarchie du Corps, et qui a évolué rapidement en une sorte d’unité incontrôlée, opérant selon ses règles, réalisant évidemment des opérations sanglantes et illégales, en Irak et en Afghanistan. Il semble que MarSOC soit à la base de nombre d’appels à l’appui tactique aérien massif qui ont abouti, dans plusieurs cas, aux plus grands massacres de civils en Afghanistan.
Voici un extrait substantiel de l’article, décrivant les activités de MarSOC:
«A single American Special Forces group was behind at least three of Afghanistan's worst civilian casualty incidents, The Independent has learnt, raising fundamental questions about their ongoing role in the conflict.
»Troops from the US Marines Corps' Special Operations Command, or MarSOC, were responsible for calling in air strikes in Bala Boluk, in Farah, last week – believed to have killed more than 140 men, women and children – as well as two other incidents in 2007 and 2008. News of MarSOC's involvement in the three incidents comes just days after a Special Forces expert, Lieutenant-General Stanley McChrystal, was named to take over as the top commander of US and Nato troops in Afghanistan. His surprise appointment has prompted speculation that commando counterinsurgency missions will increase in the battle to beat the Taliban.
»MarSOC was created three years ago on the express orders of Donald Rumsfeld, US defence secretary at the time, despite opposition from within the Marine Corps and the wider Special Forces community. An article in the Marine Corps Times described the MarSOC troops as “cowboys” who brought shame on the corps.
»The first controversial incident involving the unit happened just three weeks into its first deployment to Afghanistan on 4 March 2007. Speeding away from a suicide bomb attack close to the Pakistan border, around 120 men from Fox Company opened fire on civilians near Jalalabad, in Nangahar province. The Marines said they were shot at after the explosion; eyewitnesses said the Americans fired indiscriminately at pedestrians and civilian cars, killing at least 19 people.
»The US Army commander in Nangahar at the time, Colonel John Nicholson, said he was “deeply ashamed” and described the incident as “a stain on our honour”. The Marines' tour was cut short after a second incident on 9 March in which they allegedly rolled a car and fired on traffic again, and they were flown out of Afghanistan a few weeks later.
»The top Special Operations officer at US Central Command, Army Major General Frank Kearney, refuted MarSOC's claims that they had been shot at. “We found no brass that we can confirm that small-arms fire came at them,” he said, referring to ammunition casings. “We have testimony from Marines that is in conflict with unanimous testimony from civilians.”
»At the military hearings on the incident, which were held back in the US, soldiers said the MarSOC troops, who called themselves Taskforce Violence, were gung-ho and hungry to prove themselves in battle. The inquiry also heard testimony suggesting there were tensions between the Marine unit and its US Army counterparts in Nangahar province.
»Col Nicholson told the court the unit would routinely stray into areas under his control without telling him, ignoring usual military courtesies. “There had been potentially 25 operations in my area of operations that I, as a commander, was not aware of,” he said. Asked about the moment he was told of the March shootout, he added: “My initial reaction was, ‘What are they doing out there?’” The three-week military inquiry ultimately spared the Marine unit from criminal charges.»
La description de ce groupe est tout à fait étonnante et caractéristique à la fois. Le MarSOC semble ressortir des cas les plus extrêmes de forces quasiment para-militaires à l’intérieur des forces armées, rejoignant même des références de fiction (le cas du colonel Kurtz/Marlon Brando dans Apocalypse Now de Coppola, mais avec une orientation décidément différente. Kurtz représente une sorte de “dissidence” contestatrice de l’U.S. Army et de la bureaucratie militaire au Vietnam, avec une certaine intégration dans la population, rappelant certaines situations de groupes français travaillant avec des populations locales durant la guerre d’Indochine; MarSOC représente au contraire le cas de groupes autonomes de tueurs, greffés de force dans la situation d'un pays, sans la moindre recherche d’une quelconque intégration dans les populations locales, semblant appliquer constamment l’agression à leur encontre). Le caractère incontrôlable de MarSOC est évident, ainsi que sa liberté d’action quasi-illimitée pour échapper le plus possible au contrôle de la hiérarchie, pour intervenir d’une façon absolument autonome, sans aucun respect pour les règles diverses des forces armées, des combats, etc. Comme on le lit, ces groupes sont détestés par les unités régulières de l’armée, y compris leur corps d’origine, et là aussi il y a une rupture complète des règles et des structures courantes. Il s’agit effectivement d’une déstructuration des forces poussées à l’extrême, à l’image de la plupart des politiques et des conceptions de l’époque GW Bush.
Ce qui est particulièrement préoccupant dans cette affaire, selon le récit qu’en fait The Independent, c’est que cette situation perdure et qu’elle joue un rôle qui semble prépondérant, et évidemment négatif, dans l’évolution de la guerre. La question qui se pose, bien entendu, est de savoir quelle position a l’administration Obama vis-à-vis de cette sorte d’unités et de leur rôle dans les opérations en cours, et d’ailleurs quelle sorte de contrôle elle exerce sur ces unités. La question se pose lorsqu’on observe que les autorités militaires US sur place ne les contrôlent pas elles-mêmes, et lorsqu’on avance l’hypothèse assez vraisemblable que la transition entre Rumsfeld et Gates, en novembre 2006 et dans des conditions humiliantes pour Rumsfeld, a très bien pu être l’occasion pour l’ancien secrétaire à la défense de dissimuler ou de rendre difficiles le transfert de certains processus de contrôle de telles situation. Dans le contexte des conditions de crise du commandement US en Afghanistan (limogeage de McKiernan et nomination de McChrystal), cette affaire contribue à rendre la situation dans ce pays encore plus complexe et insaisissable, sinon incontrôlable. Toutes ces circonstances, ainsi que celles de l’affaire de Guantanamo, ne contribuent en aucun cas à éclaircir la situation US, – tant sur les intentions de l’administration Obama que sur le terrain. Bien plus que de renforcer l'idée d'une orientation fermement définie (dans un sens évidemment belliciste poursuivant d'une façon coordonnée Cheney-Rumsfeld), ces facteurs accentuent la perception d’un désordre, d'une puissance US déstructurée, d’une incapacité de déterminer une stratégie cohérente et viable en Afghanistan.
Mis en ligne le 17 mai 2009 à 00H43
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