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355Les nouvelles concernant les négociations entre le Japon et les USA sur la relocalisation d’une base de Marines à Okinawa ne sont pas excellentes. Deux articles permettent de fixer les positions, suite à une rencontre à Washington du ministre japonais des affaires étrangères, notamment avec la secrétaire d’Etat Hillary Clinton et avec le secrétaire à la défense Robert Gates.
• Un article du Wall Street Journal, sur la rencontre avec Clinton, 31 mars 2010.
«Japan told the U.S. that relocating a controversial U.S. military facility in Okinawa was impossible, setting a stage for more thorny discussions that could further erode the popularity of the six-month old government of Prime Minister Yukio Hatoyama.
»In a meeting with U.S. Secretary of State Hillary Clinton late Monday, Japanese foreign minister Katsuya Okada asked Washington to consider alternative proposals for relocating the Futenma air station, a Marine Corps facility located in a crowded urban area on the southern Japanese island…»
• Un article très court de Bloomberg.News, du 30 mars 2010, sur la rencontre du même ministre avec Robert Gates.
«Defense Secretary Robert Gates told Japan’s top diplomat that the presence of U.S. Marines on Okinawa is “essential” to providing security for the country and the region and that any solution must be “sustainable,” a Pentagon spokesman said. […]
»“It needs to be politically and operationally sustainable for the Marines to remain in Okinawa so that they can meet the treaty commitments that we have to the government of Japan,” Defense Department spokesman Geoff Morrell told reporters at the Pentagon today. The Marines’ presence is “essential,” he said, “so that we can provide, by their presence, for the security of Japan as well as for regional peace and security.”»
@PAYANT Le scénario semble se poursuivre d’une façon immuable, les deux partenaires qui semblent plutôt ressembler à des adversaires en l’occurrence, se trouvant de plus en plus dans des positions extrêmes à partir desquelles la possibilité de concessions permettant d’arriver à un compromis ne cesse de s’amenuiser.
• D’une part, il y a le gouvernement japonais. Il s’est engagé à une révision importante du statut et de la localisation des forces US dans l’île d’Okinawa. Ses premiers actes de mise en cause de cette présence, qui se sont heurtés à une opposition farouche et intransigeante des USA (du Pentagone), n’ont pas donné des résultats décisifs. En conséquence, la popularité du gouvernement, pourtant issus d’élections triomphales pour les partis qui le composent, est en chute importante. C’est ce processus que le journaliste du Wall Street Journal définit comme cette situation où se préparent des négociations (avec les USA) encore plus difficiles : «…More thorny discussions that could further erode the popularity of the six-month old government of Prime Minister Yukio Hatoyama». La conséquence de ces prolongements sera de pousser le gouvernement dans un choix draconien: ou bien céder aux exigences US et se trouver dans une situation d’impopularité telle que sa stabilité, voire son existence, pourraient être mises en cause par les remous à l’intérieur des partis concernés; ou bien tenir face aux USA pour ne pas perdre son assise populaire, et risquer la rupture avec les USA.
• …Car, du côté US, l’intransigeance ne cesse de s’affirmer. Elle vient du Pentagone et elle est soutenue par tous les grands courants de sécurité nationale, aujourd’hui lancés vers un durcissement sans frein que nous envisageons par ailleurs, une sorte de poussée systémique et systématique à la fois, aveugle à tout compromis, se contentant de répéter des exigences sempiternelles sans la moindre référence ni le moindre intérêt pour l’évolution des situations extérieures diverses. Le comportement de Robert Gates est à cet égard très significatif, par exemple très différent de celui qu’il a vis-à-vis des problèmes internes de la crise du Pentagone, – que ce soit la question du JSF ou celle des ravitailleurs en vol, – où l’on perçoit une analyse personnelle, une évolution, des changements d’attitude selon les circonstances, tout cela certainement entaché d’erreurs, sans le moindre doute, mais néanmoins conduit d’une façon consciente. Dans le cas du Japon, au contraire, sa position est totalement monolithique.
C’est bien entendu la position US qui est la plus intéressante dans cette querelle parce qu’elle est bien une position de système et non une position politique calculée, concertée. Les arguments frisent l’absurde, comme lorsqu’on écoute ce que dit le porte-parole Geoff Morrell. L’argument est que la présence des Marines est essentielle pour la sécurité du Japon, pour la sécurité de l’Asie, pour la sécurité des Etats-Unis (on pourrait poursuivre jusqu’à “la sécurité du système solaire”, comme une litanie), et qu’il s’agit bien de la position des Marines à Okinawa et nulle part ailleurs, notamment pas éventuellement dans un autre espace du Japon. Il faut que ces Marines soient stationnés précisément à cette base nouvelle de Okinawa pour que la sécurité dans toute sa vastitude énumérée plus haut soit préservée.
Cette position, qui est de type automatique, ou robotisée, puisqu’émanant d’un système comme on l’a dit, est évidemment extraordinairement déstabilisatrice lorsqu’elle se trouve proposée, sinon imposée à un gouvernement dont toute la raison d’être dans ce cas est le changement de ces mêmes projets. On a fait grand cas de l’arrivée du nouveau pouvoir japonais et des relations nouvelles qu’il voudrait établir avec Washington. Mais cette affaire de la base des Marines, somme toute mineure par rapport au reste, pourrait rendre bien délicate cette ambition du gouvernement japonais et conduire les deux pays à une crise effectivement majeure, parce que le gouvernement japonais ne peut céder sous peine de voir son soutien populaire s’effondrer (et surtout parce qu’il pense que c’est qui arrivera).
Les relations entre le Japon et les USA constituent effectivement l’archétype des “relations automatiques” annexées par le système de sécurité nationale, au nom de la soumission complète du Japon aux USA après la défaite de 1945. C’est non seulement le Pentagone et sa politique, mais le Pentagone en tant que système qui mènent la danse. Il n’y a rien à attendre de lui qui ne soit dicté par cette automatisation systémique de la “pensée”. C’est, pour l’instant, la force la plus importante, et de loin, au sein du gouvernement US, dans le développement de la politique japonaise des USA. Si rien n’est changé à cet égard, – et il sera effectivement bien difficile de changer quoi que ce soit à cet égard, – ces relations évolueront vers un inévitable affrontement.
Mis en ligne le 31 mars 2010 à 17H36