Les masques de Monarc 1er

Les Carnets de Badia Benjelloun

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Les masques de Monarc 1er

Déni cauteleux

Il faut l’entendre s’essayer à zézayer que des masques nous n’en manquions point.  

Monarc 1er n’a eu de cesse sur un mode dénégatoire de revenir sur la pénurie criante et attestée de matériel basique qui eût pu dispenser d’une mesure archaïque, le confinement. Lui et ses communicants qui pas plus tard qu’hier affirmaient la complexité technique de filtrer par une bavette les flux respiratoires entrant et sortant s’en viennent sans gêne aucune à pérorer que oui que non, le pays n’en a pas manqué.

L’arrogance des fondés de pouvoir de quelques ploutocrates se mesure à ce qu’ils ignorent que leur public ne leur est plus acquis. Il reste imprégné d’une gravure mentale indélébile, les appels désespérés du personnel hospitalier et de tous les travailleurs ‘indispensables’ invoquant leurs besoins insatisfaits en protection.

Le dol n’est pas seulement l’outrage fait à l’intelligence de ceux qui n’sont rien.

Il recouvre plus que des blessures et des préjudices moraux, il s’agit de crimes, d’homicides dont les irresponsables politiques, dédaigneux de mesures stratégiques préventives élémentaires face à des épidémies que les virologues s’intéressant aux récentes maladies virales passées de l’animal à l’homme ont prédites, se sont rendus coupables.

Ce n’est donc que rajouter à l’ignominie un peu de vilenie cauteleuse.

Prescrire par décret

Le  décret 2020-360 daté du 28 mars par son article 12-3 autorise dans son chapitre II la délivrance de la spécialité Rivotril® injectable dans le cadre de COVID-19 pour la prise en charge palliative de dyspnée et de détresse respiratoire. 

Cette double infamie est inscrite dans les archives de la République française, elle est une preuve à charge contre l’exécutif. L’invention d’une bureaucratie parasite par la monarchie absolutiste au service d’une bourgeoisie montante a cela de bon, la mémoire de la République est consignée en partie dans le Journal Officiel. En effet, celui-ci commet d’abord un abus de pouvoir en commettant des prescriptions médicales par décret, l’exercice illégal de la médecine est une infraction que l’on peut qualifier de vénielle. Mais il fait plus, il détourne l’usage d’un antiépileptique pour faciliter l’entrée de sujets en difficulté respiratoire dans un coma qui va entraîner la mort en inhibant les réflexes respiratoires.

Il s’agit bien là d’une incitation au meurtre adressée au corps médical auquel est recommandé de ne pas transférer les personnes âgées en milieu hospitalier car l’accès en réanimation leur est interdit. La limite d’âge de cette euthanasie imposée administrativement a été déterminée de façon variable selon les moments et les régions en fonction de l’engorgement des services de réanimation. Le personnel de services de réanimation et des SAMU témoigne. Les personnes âgées se sont vues refuser leur acheminement depuis leur domicile ou leur EHPAD. Les patients ont été triés en fonction de critère d’âges ou de facteurs de risques pour l’admission en unité de soins intensifs.

Cette situation résulte clairement de la restriction des budgets hospitaliers en raison de l’austérité budgétaire. Mais elle provient aussi d’une volonté déterminée d’abolir le service public et de lui substituer une offre de santé fournie par des prestataires privés liés aux banques et aux assurances.

Objectif, destruction

L’objectif national des dépenses de l’assurance maladie est voté (ONDAM) chaque année à l’Assemblée nationale dans le cadre du vote de la loi du financement de la Sécurité Sociale depuis le plan Juppé de 1996. L’un des moyens pernicieux de réduire l’offre hospitalière a été de lui assigner un ‘sous-objectif’ en dessous de l’inflation entraînant un déficit cumulé de plusieurs milliards d’euros. Pour combler ces déficits, les comptables dressent des plans d’économie qui conduisent à des fermetures de lits et des suppressions de poste. Les restructurations passent par la réduction de la masse salariale qui représente 65% des dépenses des hôpitaux. Une surcharge de travail épuise le personnel soignant, les erreurs de soins se multiplient. Les événements indésirables liées aux soins connaissent une augmentation en lien avec cette amputation en moyens humains. Le grand projet de redressement de Marisol Touraine, c’est-à-dire la suppression de lits, avait particulièrement affecté l’Alsace (-14%), la Lorraine (-13%) et la Franche-Comté (-13%), soit la région du Grand-Est qui a été particulièrement frappée par l’épidémie. Le tri des patients y a été dramatique, il  a choqué une équipe de médecins allemands spécialisés dans la médecine des catastrophes en visite à Strasbourg. L’installation d’un hôpital militaire de campagne a été une manœuvre de propagande, arrivé trop tard et insuffisant. C’est surtout là et en Ile de France que les équipes médicales ont dû faire le tri des patients à récuser et à laisser sans les soins nécessaires. C’est donc là qu’ont eu lieu des assassinats politiquement prémédités et où la sédation, l’entrée en sommeil profond, ne relevait pas du tout de soins palliatifs mais a été appliquée aux patients non soignables prioritairement.

Le programme de suppression se poursuit malgré la crise sanitaire. La direction de l’Agence régionale de santé estimait début avril que le plan d ‘économies pour le CHRU de Nancy prévoyant de supprimer 174 lits et 598 postes en cinq ans  ne sera pas remis en cause. A  Saint-Etienne, 300 soignants du CHU ont protesté lors d’un rassemblement et dénoncé des transferts de lits et des réorganisations qui impliquent moins de personnel décidés pendant la crise du COVID-19.

Le crime de la dette

Accorder des dotations insuffisantes aux établissements hospitaliers publics a encouragé leur endettement auprès d’institutions financières privées. Ce sont les fameux partenariats public-privé développés sous la houlette du gouvernement Raffarin avec François Fillion comme préposé aux Affaires sociales et la Santé. La Cour des Comptes  s’est inquiétée dans son rapport public annuel de 2018 du type d’emprunts risqués auxquels ils ont souscrit sans contrôle des autorités de tutelle, laissés à la seule appréciation des directeurs administratifs. Le recours à ce type d’emprunt a prévalu également au sein des collectivités territoriales qui ont vu leurs charges financières s’alourdir considérablement au fil du temps, les fameux  emprunts toxiques qui ont mis en quasi-faillite la banque Natixis.

Une étude destinée à évaluer les modalités de résorption de leur dette, 30 milliards en 2019, a été confiée à deux hauts fonctionnaires de la Caisse de Dépôts et de Consignations. Cette institution financière publique assure de  nombreuses missions.Elle finance le logement social, ce qui fut sa principale activité au travers des livrets A, mais elle fonctionne également comme  banque d’investissement pour les entreprises et d’aide au  développement des territoires au travers de nombreuses filiales. La  note rédigée à l’intention de l’exécutif est toute entière tournée vers la restructuration de la dette des établissements privés à but non lucratif qui ne représentent pourtant que 14% des lits d’hospitalisation en France, moins que les cliniques privées et que les établissements publics (61,6%). Elle préconise de privilégier des solutions ‘modernes’ à la crise de la santé par le développement de téléconsultations. Les plateformes qui assurent ce service sont privées, Axa en particulier intervient dans les fonds de ‘Mesdocteurs’. Le rapport médecin-patient se fait dans un colloque très singulier où le patient est assuré que ce qu’il confie sous le sceau du secret ne sera jamais divulgué. Ici, les sociétés privées médiatrices disposeront de données médicales, des DATA commercialisables. Les deux auteurs ont dressé un véritable plaidoyer pour favoriser toute solution alternative à l’hôpital public alors qu’ils avaient été consultés pour réduire la charge des dettes du secteur public.  Moult aberrations pavent leur note, en préconisant la facilitation de la création de centres de santé dans des zones réputées pour être des déserts médicaux, ils font mine d’en ignorer l’origine, le manque de médecins. En effet la pénurie en médecins est entretenue par un numérus clausus dans la perspective de réduire l’offre et donc la consommation médicale, ce qui oblige par ailleurs l’Etat à importer des médecins étrangers tout faits, pillant les ressources des pays tiers qui les ont formés. 

Sous ce fatras de gloubi-boulga gît plus d’un conflit d’intérêts. La filiale Icade santé de la Banque Publique d’Investissements détient avec son partenaire le Crédit Agricole un portefeuille de 135 établissements de santé privés valorisé à 5,5 milliards d’euros.

Travail de termites

Ainsi des personnes sont décédées de n’avoir pu être admises en soins intensifs. La responsabilité en incombe à l’orientation dite libérale où doit s’effacer le rôle de l’Etat dans le domaine de la santé en faveur de puissances financières. Les différents gouvernements qui se sont succédés depuis quinze ans sont responsables de cette pénurie de lits d’hospitalisation et de place en réanimation, 69 000 ont été supprimés depuis 2005. 

Après avoir nié la possibilité que l’épidémie ne parvienne en France, – au-delà d’un délai raisonnable que l’on peut accorder en raison du biais cognitif  lié au souvenir de la fausse pandémie H1N1 en 2009, – l’exécutif avec une mauvaise foi et un aplomb qui frisent la schizophrénie a nié l’impératif de limiter l’épidémie par le plus simple des moyens et le moins coûteux, le port généralisé de masques respiratoires efficaces.

On sait maintenant que Santé Publique France avait alerté le Ministère de la santé dès  2018 du manque de masques dans la réserve stratégique et qu’au lieu du milliard qui était réservé jusqu’en 2013, il n’en restait plus que 100 millions de disponibles. 

Au total (provisoire) de toutes les conditions qui ont conduit au confinement avec la perspective d’une chute du PIB de près de 7,5% pour 2020 et d’un nombre élevé de décès dus au CoVID-19, on retrouve un déficit organisé en personnel soignant, médecins et infirmiers, une destruction délibérée de l’hôpital public, une désindustrialisation encouragée avec dépendance vis-à-vis de pays tiers pour des besoins élémentaires comme les équipements de protection individuelle et les tests pour le diagnostic.

Les termites du néolibéralisme ont bien avancé en besogne. 

La division internationale du travail et la maximalisation du profit ont gouverné le façonnement de cette France qui comprend hagarde qu’elle se ‘tiers-mondise’. Elle s’est spécialisée dans la ‘monoculture’ du tourisme, du produit de luxe et de l’armement. L’exécutif n’assure plus qu’un minimum de fonctions régaliennes. Il veille à la collecte de l’impôt, principalement indirect. Le ministère des Finances se voit amputé de plus de  2200 postes en 2019, près de 38 000 depuis 2002. Certes, un gain de productivité pourrait en être l’argument mais cette fonction pourrait tout aussi bien être externalisée comme sous l’Ancien Régime avec le système du fermage. L’armée a vu ses effectifs  réduits de plus de 50 000 sur 250 000 depuis 2008 avec une forte déflation sur la catégorie des officiers et des sous-officiers c’est-à-dire des cadres formateurs. Les besoins en revanche sont de plus en plus importants. Les interventions en Afrique se multiplient au nom de la lutte contre des terroristes, figurés par des bandes de trafiquants en tous genre. Elles se font en réalité pour protéger les intérêts de quelques transnationales et pour servir de terrain d’expérimentation pour la vente d’armement fabriqué en France. La  lubie récente de Monarc 1erd’offrir à l’Allemagne sa capacité nucléaire répond à un besoin de confier sa souveraineté à un nouveau seigneur, le détenteur du pouvoir financier au sein de l’Union européenne. La proposition d’une défense européenne est une voie pour renoncer à une défense autonome. 

Ne reste plus à cet Etat que sa police, elle aussi malmenée par le  manque de moyens humains et matériels. Épuisées par des heures supplémentaires et un encadrement et un cadre déplorables, au fil du temps, les forces de sécurité deviennent des forces de lutte anti-insurrectionnelle destinées  à  exécuter des tâches de pure répression avec des dérapages autorisés par la garantie d’une totale impunité. Les gilets Jaunes ont appris en quelques mois la nature profonde de l’Etat. C’est une dictature de la bourgeoisie qui se révèle sous son véritable aspect policier et judiciaire dès lors que le pouvoir de celle-ci est contesté.

Plaintes

Plus de soixante–dix plaintes ont été déposées près de la Cour de Justice de la République contre des membres du gouvernement pour mise en danger de la vie d’autrui et autres griefs relevant de l’incompétence des membres de l’exécutif au cours de la pandémie. Parmi ces plaintes, on trouvera la mise en accusation de ce gouvernement pour incitation au crime au travers de décret et de dispositifs qui ont interdit l’accès d’une catégorie de personnes aux soins que leur condition nécessitait. 

Quand la barbarie s’exerce au Yémen, en Palestine, au Mali, au Tchad ou en Côte d’Ivoire grâce à l’armement et au support de la France, elle est occultée et tolérable. Lorsqu’elle se rapproche de l’épicentre et qu’elle montre son visage hideux sous la forme d’assassinats prémédités de personnes en état de faiblesse, le seuil de la tolérance se trouve soudain abaissé.

Le visage grimaçant de la démocratie ne permet plus les illusions sur les droitsdelhomme. La colère de ceux qui n’sont rien est palpable, l’exécutif semble la redouter. C’est pourquoi il a fait voter une « loi d’amnistie préventive », texte anticonstitutionnel, qui garantit l’impunité d’élus et de fonctionnaires pour des actes commis pendant l’état d’urgence sanitaire et qui ne découragera pas les demandeurs qui réclament justice. Ils ne renonceront pas à ce recours tout en émettant des réserves sur la manière dont la justice (aux ordres de l’exécutif) peut être rendue si toutefois leur plainte était estimée recevable.

L’invocation maladroite de l’antagonisme fondé par le sociologue Max Weber entre l’éthique de conviction qui viserait un idéal et une éthique de la responsabilité plus réaliste, n’absout pas l’exécutif. La doctrine wébérienne s’accommode en effet d’eugénisme et de ‘darwinisme social’. L’humanité s’est constituée au contraire autour d’un axe sans lequel elle s’effondre et laisse place à la barbarie, la protection du plus faible. L’éthique ne peut se contenter de constater qu’un réel contraignant à des choix qui vont à son encontre. Le déficit en respirateurs est une réalité qui aurait dû être combattue sinon prévenue par des moyens à la portée de la septième puissance économique mondiale. 

Maladresse également que ce mensonge grotesque sous la forme de dénégation puérile du chef de l’Etat concernant la pénurie des masques en début d’épidémie. Comme Sarközy et Hollande, il sait que son mandat ne sera pas renouvelé et certains rats pris de panique quittent déjà le navire. La  perte de la majorité absolue du parti composite LREM à l’Assemblée en témoigne. 

D’ici là, ceux qui n’sont rien risquent de vouloir être tout.