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1308Est-il si difficile de prévoir qu’un pouvoir aux abois, pressé par un mécontentement populaire très puissant et qui a entre ses mains divers membres d’organisations activistes dépendant d’une puissance étrangère, dont il est aisé de prouver l’activisme dans le soutien des manifestations de certains aspects de ce mécontentement, trouve dans cette occurrence une voie idéale pour tenter de désamorcer une partie de ce mécontentement en dénonçant une violation de la souveraineté nationale ? Mais les USA ne s’intéressent pas à cette sorte de prolongement, s’ils l’imaginent seulement.
Par conséquent, c’est une crise en aggravation rapide, qui s’installe entre l’Égypte et les USA. En cause, cette vilaine affaire d’ONG, dont certaines de nationalité US bien entendu, qui sont désormais la cible privilégiée des autorités égyptiennes, militaires et civiles réunies en l’occurrence. Les USA ont réagi avec violence devant la perspective du jugement de 19 citoyens US impliqués dans des ONG de même nationalité, avec un discours où Clinton menace de suspendre l’aide annuelle de $1,5 milliard à l’Égypte. Toujours la même fine tactique, avec une légèreté de souliers cloutés et de bruits de bottes… Les Égyptiens ont à leur tour réagi avec violence, – avec une délégation militaire qui se trouvait à Washington pour parler de cette affaire, annulant brutalement, pour repartir en Égypte, une rencontre avec des sénateurs pompeux et puissants, crime de lèse-majesté pour des visiteurs venus à Washington selon un rituel d’allégeance minutieusement conformé aux conceptions de l’establishment américanistes… Ce que résume ainsi Russia Today le 7 février 2012
«Egyptian military officials who were scheduled to meet with US Senators John McCain, Joseph Lieberman and Carl Levin on Tuesday were reportedly recalled to Egypt, according to Reuters. This comes following Hillary Clinton’s warning that a crackdown by Egypt's military rulers on US and local pro-democracy groups could put aid for the Arab nation at risk.
»Clinton said the US has worked very hard to put in place financial assistance and other support for the economic and political reforms in Egypt. However, under the current circumstances the aid will have to be reviewed. “Problems that arise from this situation that can impact all the rest of our relationship with Egypt,” she said. The US Secretary of State spoke to the media in Munich, where she met Egyptian Foreign Minister Mohamed Kamel Amr on the sidelines of an international security conference.»
Auparavant, RT avait publié un texte plus général sur la détérioration continuelle des relations entre le pouvoir égyptien et les USA, à la lumière de cette affaire des ONG. (Le 6 février 2012.)
«The honeymoon between the United States and the new post-Mubarak government in Egypt didn't last long. […] The Egyptian government vows that they will bring 19 Americans to trial for allegedly influencing the violent revolutions after last year’s ousting of former President Hosni Mubarak with the aid of foreign funds. Nearly 20 Americans have been named in an Egyptian investigation over how foreign pressure help fund unrest by way of international pro-democracy groups. An English-language website out of Egypt published the names of 43 persons being charged on Monday, including 19 Americans.
»Washington initially vowed to impose sanctions on Egypt if they follow through with charges against the Americans. On Monday, Cairo ignored warnings and insisted that the 19 Americans will be brought to trial. Egyptian leaders say that during and after the fall of Mubarak, the nearly four dozen people in question used foreign funds to encourage violence, unrest and revolution in Egypt. Among the Americans that are facing trial are the son of US Transportation Secretary Ray LaHood, and Patrick Butler, the vice president of programs at the DC-based International Center for Journalists…»
Cette affaire est effectivement un feu de discorde qui sera difficile à éteindre, car il y a une épreuve de force entre deux pouvoirs qui ont également mis leur prestige, ou ce qu’il leur reste de prestige dans la balance ; et cette épreuve de force portant sur une procédure judiciaire, un procès, etc., toutes choses qui prennent du temps et entretiennent constamment la tension ; et, naturellement, cette épreuve de force avec un aspect public à forte pression de communication, qui pousse encore plus à l’intransigeance les deux partis.
Les militaires au pouvoir en Égypte sont dans une situation extrêmement précaire et, avec le pouvoir civil qu’ils ont installé, ils sont de plus en plus irrités par les menaces US constantes de rupture de l’aide annuelle des USA à l’Egypte. Ils le sont d’autant plus qu’ils sont persuadés que cette menace est un pur moyen de pression et de chantage. Selon leurs sources à Washington, et notamment avec le Pentagone, en effet, les militaires égyptiens savent que le Pentagone est opposé à cette mise en cause de l’aide (essentiellement militaire), principal lien d’influence et de coopération avec les forces armées égyptiennes, qui constituent traditionnellement (constituaient ?) un point d’appui puissant de sa présence dans la région… Mais, dans cette affaire, le département d’Etat joue sa propre carte, avec soutien de la Maison-Blanche, et du Congrès bien entendu, et cette ligne dure est pour l’instant privilégiée à Washington selon l’équation des pouvoirs impliqués et les pressions de communication. Certaines indications montrent que le Pentagone, ou dans tous les cas certaines fractions du Pentagone, encouragent secrètement cette riposte égyptienne dans l’espoir qu’elle brisera la politique dure du département d’Etat et permettra une détente avec l’Égypte.
Mais le jeu est délicat, et il n’est nullement assuré que l’ Égypte ne se dirige pas, plus radicalement, vers une réorientation radicale de sa politique à l’occasion de cette affaire des ONG. L’intransigeance des militaires observée jusqu’ici constitue une carte majeure de communication, pour tenter de désamorcer le mécontentement populaire en jouant sur le réflexe nationaliste et l’exaspération générale des intrusions US dans les affaires intérieures du pays. Parallèlement, le pouvoir militaire ne lutte guère contre les activités clandestines dans le Sinaï (anti-israéliennes, naturellement), dont un des effets est un très récent nième attentat de rupture d’une oléoduc vers Israël. Enfin, il y a la possibilité pour l’instant théorique mais favorisé éventuellement par les évènements, d’un rapprochement avec la Russie, voire de l’établissements de liens inédits avec la Chine, qui pourraient se faire en même temps qu’une évolution de l’Égypte vers une opposition marquée à la politique du bloc BAO en Syrie. Il s’agit d’options classiques d’un dispositif de réalignement de l’Égypte, qui choisirait alors un réalignement d’abord international (et non pas régional en premier), par la seule nécessité d’une ferme prise de distance des USA et d’une ouverture vers la tendance des pays du BRICS. A ce moment, le réalignement régional suivrait naturellement, avec la confirmation de la politique de méfiance vigilante contre Israël et une possible mise en cause du traité de paix de Camp-David, avec une plus grande implication anti-US en Syrie, avec la possibilité d’une évolution vers des relations plus actives avec l’Iran. Tout cela mettrait-il également en péril les relations de l’Egypte avec l’Arabie ? La direction égyptienne n’en est pas assurée, estimant que l’Arabie est beaucoup moins contrainte par sa politique activiste qu’on ne croit, et qu’elle est plus que jamais inquiète des rapports et des évolutions politiques des USA et d’Israël, dans les deux crises, syrienne et iranienne.
On voit combien cette affaire des ONG, que Washington traite avec son habituelle arrogance, constitue bien plus qu’un vif incident de parcours, combien elle pourrait servir de détonateur pour le pouvoir militaire égyptien, pour un prolongement politique important dont il attendrait des dividendes intérieurs, lui-même dans cette situation précaire qu’on sait. En d’autres mots, l’“incident de parcours” tomberait à point pour justifier un tournant décisif vers une voie plus “panarabe” selon la vieille formule nassérienne mais avec l’apport islamiste supposé pacifié comme différence et contre la tendance libérale pro-occidentaliste en Égypte, tout cela vu comme une voie décisive pour rompre le cercle vicieux de l’impopularité et des troubles intérieurs. Le schéma prend en compte également un réalignement général international de la situation avec la crise iranienne, et la potentialité d’un activisme nouveau des pays du BRICS, qui constitue une des nouveautés potentielles révolutionnaires dans le jeu des influences au Moyen-Orient. L’essentiel à retenir dans ces hypothèses est le climat dans la direction militaire égyptienne : cette direction se trouve de plus en plus aux abois face aux pressions populaires et il lui faut trouver un évènement politique important qui rompe cette pression en constante augmentation, qui risque de lui faire perdre le contrôle de la situation. (Et, à ce point du raisonnement, nous revenons à notre point de départ ; car les militaires, qui commencent à bien connaître les USA dans leur actuelle période, soupçonnent des organisations US de continuer à jouer un jeu de soutien subversif dans les troubles actuels, – soupçon qu’on ne serait nullement surpris de voir justifié.)
Mis ebn ligne le 8 février 2012 à 05H16
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